La présence de Daniel Chasseing, sénateur de la Corrèze et vice-président de la commission des affaires sociales du Sénat, lors de cette journée du 20 juin, était l’occasion de dresser un panorama de l’inclusion en milieu professionnel, en sa vertu de co-auteur du rapport d’information « Repenser le financement du handicap pour accompagner la société inclusive », dit rapport « Mouiller » d’octobre 2018. En commençant par un constat d’échec : « Actuellement, 19 % des personnes handicapées sont au chômage. Concernant l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés [OETH], on atteint environ 3,4 % dans le privé et 5 % dans le secteur publi. » Avec la loi de 2005, le législateur voulait assurer aux personnes handicapées un monde plus ouvert, plus accessible et avec l’objectif d’une société plus inclusive. Le rapport de la commission des affaires sociales a été réalisé dans la volonté de faire un bilan de cette loi, de sa mise en œuvre, et pour avoir un regard précis sur le financement et l’accompagnement médico-social des personnes handicapées. « On peut s’interroger sur le financement des structures qui permettent de pérenniser l’offre avec des gestionnaires sécurisés ou avec le financement direct de la personne. Ce n’est bien sûr pas encore mis en place », constate Daniel Chasseing.
Après avoir sous-entendu que la logique de plateforme ne serait pas pour demain, le sénateur s’est attaché à dénoncer les freins actuels à la logique de parcours. A commencer par la logique de silo des acteurs.
Il existe en effet trois formes de travail : le milieu ordinaire concerné par l’OETH, le travail adapté, où l’aide au poste est forfaitaire, et le milieu protégé avec une aide au poste calculée en fonction de la rémunération versée par l’Esat. Actuellement, il y a une rigidité entre ces trois possibilités trop importante. « La progression vers le milieu ordinaire est difficile car le milieu protégé est rattaché à la sphère médico-sociale, assez éloignée des logiques économiques des entreprises et des employeurs potentiels », souligne le sénateur.
La reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé a tendance à enfermer la personne dans l’un ou l’autre milieu sans favoriser les parcours ascendants ou descendants. Alors que des possibilités existent, rappelle Daniel Chasseing, comme les périodes de mise en situation en milieu professionnel. Ce dispositif de droit commun, qui permet à un travailleur de découvrir le métier, existe depuis 2014 mais est très peu utilisé. Et le sénateur de proposer qu’il soit amendé pour devenir un levier de découverte. « Il devrait être envisagé de mieux sécuriser le travailleur handicapé qui quitte le milieu protégé, tant par sa rémunération que par son parcours d’employé », continue-t-il. En effet, dans le cadre actuel, le travailleur en Esat qui souhaite rejoindre le milieu adapté ou ordinaire prend le double risque de perdre la garantie d’une rémunération et le bénéfice de l’allocation aux adultes handicapés (AAH). « Cela pourrait être atténué par une garantie de retour qui n’existe pas aujourd’hui », propose Daniel Chasseing. Par ailleurs, l’aide au poste équivalant à 80 % du Smic est régulièrement questionnée sur son budget contingenté. Nous demandons qu’elle soit adaptée au statut et maintenue. »
Concernant le milieu ordinaire, le bilan est en demi-teinte : l’OETH n’est que partiellement rempli par les employeurs qui y échappent grâce à des contrats de sous-traitance, des accords de branche ou par des versements à l’Agefiph. La loi relative à la liberté de choisir son avenir professionnel a-t-elle favorisé l’emploi direct ? « Le changement n’est pas encore réalisé, note le sénateur, et nous avons identifié un risque sur les entreprises adaptées et les Esat, dont la sous-traitance sera de fait moins mobilisée. » Sur ce point, le rapport propose de réaffirmer clairement la vocation médico-sociale des Esat.
Enfin, il faut réformer l’accompagnement pour tendre vers le milieu ordinaire. Le dispositif « emploi accompagné », qui réside dans une convention tripartite – employé en situation de handicap, structure médico-sociale et employeur –, permet de créer un lien entre les acteurs et de faciliter l’intervention directe au sein de l’entreprise. « Ces solutions nécessitent une meilleure coordination et une unification au sein d’un service public de l’emploi dédié aux personnes handicapées de Pôle emploi, Cap emploi, et les missions locales », explique Daniel Chasseing. Par ailleurs, il faut sécuriser le modèle financier de l’accompagnement, les ressources et le mode de fonctionnement de l’Agefiph sont en inadéquation avec les besoins. Ainsi les dépenses de suivi et de maintien de l’emploi augmentent en raison du nombre croissant de travailleurs handicapés sans que les dotations suivent. « Il faut accélérer la mise en œuvre de la réforme financière, annoncée par le gouvernement, de l’Agefiph et du Fiphfp pour combattre cet effet de ciseaux », conclut-t-il