Si les associations d’aide aux migrants ont tenu une conférence de presse, jeudi 27 juin, c’est d’abord pour faire entendre leur épuisement et leur colère face au nombre croissant d’exilés à la rue et face aux violations répétées de leurs droits. Ils dénoncent le durcissement des conditions d’accès à l’hébergement, notamment à travers le tri des personnes, qui se serait généralisé sur tout le territoire. « Les modalités d’accueil sont dégradées pour faire baisser la demande d’asile dans notre pays. C’est le raisonnement qui nous est fait », souligne Florent Gueguen, directeur de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS).
De fait, aujourd’hui, moins d’un demandeur d’asile sur deux obtient une place d’hébergement dans le dispositif national d’accueil, alors même que la directive « accueil » de l’Union européenne oblige les Etats membres à mettre en place des conditions matérielles d’accueil dignes. Les associations estiment à 75 000 le nombre de demandeurs d’asile qui ne bénéficient pas d’hébergement. La situation touche à présent toutes les métropoles du territoire, avec un nombre croissant de personnes vivant en campements, en squats ou en bidonvilles. Environ 2 400 personnes ont été recensées par les associations en Loire-Atlantique, environ 2 000 l’ont été en Occitanie, et entre 1 000 et 1 800 se trouveraient également dans des habitats précaires en Ile-de-France.
Les conditions d’accès à l’hébergement d’urgence pour les sans-domicile fixe, pourtant censé être inconditionnel, se durcissent de mois en mois. « Des violations ont lieu sur l’ensemble du territoire national, qui se manifestent par le tri des personnes au 115 en fonction de la nationalité, de l’âge des enfants, du statut administratif (les personnes “dublinées” ou déboutées du droit d’asile sont régulièrement écartées) », explique le directeur de la FAS. Quant aux personnes hébergées en Cada ou en Huda – les structures réservées aux demandeurs d’asile –, de nouvelles consignes émanant de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) tendent à leur remise à la rue passé le délai de trois mois, même s’il s’agit de personnes ayant obtenu le statut de réfugié. Il y aurait aujourd’hui entre 15 et 20 % de personnes ayant obtenu l’asile dans les campements franciliens.
Et cette situation n’est pas sans conséquence sur l’état de santé des exilés. « On rencontre des pathologies digestives, respiratoires, des problèmes articulaires liés aux conditions de vie, des problèmes dermatologiques, des maladies infectieuses comme les tuberculoses multirésistantes, détaille Philippe de Botton, président de Médecins du monde. Mais ce sont surtout les troubles psychiques qui prédominent, avec des états de souffrances psychiques, des syndromes post-traumatiques et des suicides décalés. »
Du côté de l’Etat, les efforts restent insuffisants. A la fin du plan hivernal, le 31 mars, 9 000 places d’hébergement ont fermé. Seuls 8 700 relogements ont été réalisés en 2018 pour les personnes se trouvant dans les structures d’hébergement, contre les 160 000 prévus. Pour les associations et fédérations signataires du manifeste, il manquerait pas moins de 40 000 places d’hébergement en Cada ou en Huda sur le territoire national. Mais au-delà des questions matérielles, c’est aussi à un changement d’état d’esprit, voire de « culture », qu’appellent les associations, en réclamant le respect du principe d’accueil inconditionnel et un moratoire sur la remise à la rue des personnes hébergées tant qu’aucune solution n’a été trouvée. Des contentieux individuels seront bientôt engagés, dans le but non seulement de rendre visibles ces situations de violation des droits mais aussi d’obtenir des obligations de prise en charge par l’Etat.