A l’évidence, le public du Grenelle « Droit et handicap », organisé par le Conseil national des barreaux le 28 juin, était déjà majoritairement sensibilisé aux barrières rencontrées par les personnes handicapées dans leur accès à la justice. Mais si la salle n’était pas comble, l’intention était bien là, avec une journée, première du genre dans le monde des avocats, labélisée « Conférence du handicap » et placée sous le haut patronage du secrétariat d’Etat chargé des personnes handicapées ainsi que du défenseur des droits. Et les points d’amélioration soulevés sont nombreux. « Le handicap est devenu notre premier motif de saisine, devant le critère de l’origine, de l’âge, de l’état de santé », objecte Jacques Toubon, défenseur des droits. « La France souffre d’une culture du retard, notamment en matière d’accessibilité, que l’Etat n’arrive pas à appréhender comme une condition préalable à la jouissance effective des droits. Les objectifs fixés par la loi de 2005 ne sont pas atteints. » Et de pointer l’absence d’accessibilité des services publics dématérialisés, les décisions de placement d’enfants handicapés liées à une mauvaise analyse des troubles, la difficulté de porter plainte dans des locaux peu accessibles face à des forces de l’ordre qui font parfois preuve de comportements inappropriés. Ou une politique des transports « à la française » : « En France, il y a un principe de ligne entièrement ou pas du tout accessible. Or, dans d’autres pays, on accepte une accessibilité partielle. Une seule ligne de métro parisien est accessible alors qu’avec un certain nombre d’aménagements, on aurait pu apporter des solutions pratiques comme à Londres. » Plusieurs intervenants ont rappelé le cas d’école du tribunal de grande instance (TGI) de Paris, dont l’accessibilité, malgré la construction récente, laisse à désirer : ascenseurs sans numéros en braille, box vitrés avec des ouïes trop hautes pour les avocats en fauteuil roulant…
La fusion des tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS) et des tribunaux du contentieux de l’incapacité (TCI) dans un « pôle social » implanté dans les TGI a également fait l’objet de vives remontrances. « Les deux juridictions étaient déjà surencombrées, il y avait globalement quatre ans d’attente pour les TASS », s’indigne Louis-Georges Barret, ancien président de l’observatoire du Conseil national des barreaux. « On les a regroupées sans bénéfice particulier pour les personnes handicapées au sein des TGI, qui ne sont pas accessibles à l’inverse des TCI. Je ne serais pas étonné que le défenseur des droits soit saisi de cette question, en ce qui concerne l’accès physique aux locaux comme l’accès à la justice : certaines personnes attendent plus de cinq ans pour voir un jugement reconnaître leurs droits. »
A l’issue de l’après-midi, une restitution des propositions construites dans différents ateliers était proposée. Assez logiquement est revenu sur la table le thème – qui sera peut-être érigé future « grande cause » du Conseil national des barreaux – de l’accessibilité, des locaux, mais aussi des codes avec une traduction en « Facile à lire et à comprendre » ou des procédures dématérialisées via un report du passage au numérique des services dont la mise en accessibilité n’est pas encore garantie. Côté contentieux est proposé de mettre en place un service spécifique au sein de chaque maison départementale des personnes handicapées qui se saisisse de tous les recours préalables obligatoires ou d’augmenter l’aide juridictionnelle pour les recours liés au handicap. Et pour permettre un accès effectif à la justice, la création d’une obligation de formation à destination des professionnels du droit semblait faire l’unanimité. Ce qui était moins le cas pour une autre proposition concernant la construction d’outils afin d’identifier les avocats formés à la question du handicap et dont les locaux sont accessibles. Selon les organisateurs, cette restitution n’est que la première étape d’un lobbying législatif à venir.