L’une de mes premières tâches est de définir précisément l’âgisme et de faire un diagnostic de la situation en France. L’âgisme est encore peu connu. Les périmètres en sont mal définis. Il m’a donc été confié de faire un état des lieux des discriminations liées à l’âge. De manière insidieuse, l’âgisme s’est disséminé dans notre société, petit à petit. Selon moi, cela émane de l’époque d’après guerre. Au moment de reconstruire le pays, on a créé des foyers de personnes handicapées et mis les personnes âgées dans des maisonnées, en dehors des villes. A cette époque, inconsciemment, on a essayé d’occulter la mort, le vieillissement. De plus, nos politiques publiques sont essentiellement fondées sur des critères d’âge, qui incluent des critères de performance. Or, en agissant ainsi, on oublie totalement que la personne âgée a encore des capacités, qu’elle a encore des choses à apporter à la société. On l’exclut totalement.
Ma mission consiste donc à identifier des leviers pour réconcilier ces clivages et faire en sorte de valoriser la personne âgée dans notre société. Il faut arrêter de la stigmatiser en raison de son âge.
L’âgisme est très mouvant, comme les politiques du handicap. En réalité, tout ce qui est lié à la perte d’autonomie est très mouvant. Par exemple, quand on a une perte d’autonomie à moins de 60 ans, on appelle cela un handicap. Quand on a plus de 60 ans, on appelle ça une personne âgée. Cette manière de penser et d’agir est stigmatisante. Il faut commencer par changer cette mentalité. Mais il y a plein d’autres leviers. Il n’y a bien évidemment pas que l’âge. Cela passe aussi par un changement de considération de la personne âgée dans les médias. Quelle image est renvoyée ? Est-elle positive ou non ? Faut-il ne parler que de dépendance, alors que seulement 15 % des plus de 65 ans le sont ? Finalement, peut-être que ce qui est retracé dans les médias ne reflète pas la réalité… Ceux-ci ont encore du mal à mettre en valeur la citoyenneté, l’exercice plein et entier des droits de la personne âgée comme n’importe qui d’autre.
Cela passe déjà par reconsidérer les personnes âgées. Il faut leur donner une place, les valoriser. Cela passe ensuite par développer l’intergénérationnel, la solidarité, avec la notion de don réciproque. C’est-à-dire qu’il faut montrer que, certes, la perte d’autonomie est un coût pour l’économie du pays, mais que les personnes âgées sont aussi source de richesses. Ma mission va consister à valoriser toutes ces choses essentielles qu’elles apportent au pays. Il y a aussi la question de ce qu’il se passe en Ehpad. Même si je ne veux pas me concentrer uniquement sur les établissements. Car j’estime que si l’on veut une société inclusive pour le grand âge, il faut aussi se concentrer sur la politique d’aménagement de la ville, le monde associatif, le vieillissement au travail… Dans de nombreuses sociétés, passé 50 ans, on est quasiment considéré comme un “has-been”. Il ne faut donc pas segmenter la réflexion : la case Ehpad, la case dépendance, la case de la retraite… Il faut mener une réflexion beaucoup plus inclusive.
L’accompagnement du soin palliatif va aussi être essentiel dans la perception du vieillissement. Je suis en effet persuadée que s’il y a moins de tabous liés à l’accompagnement de la fin de vie, il y aura beaucoup moins d’appréhensions sur la notion du vieillissement en Ehpad. Enfin, il est à noter que je dois remettre un rapport au Premier ministre à la mi-octobre. L’idée étant de pouvoir intégrer certaines de mes propositions législatives dans le cadre de la future loi « grand âge et autonomie ».