Avec sa réforme de l’assurance chômage, le gouvernement table sur une baisse du nombre de chômeurs de 150 000 à 250 000, sur les trois ans à venir. L’une des mesures soutenant cet objectif est celle qui provoque le plus de réactions : le changement des conditions ouvrant droit à l’assurance chômage. Il faudra désormais avoir travaillé six mois durant les 24 précédents, au lieu de quatre mois sur les 28 derniers mois aujourd’hui. « On va supprimer des chômeurs statistiques pour créer davantage de précaires ! », réagit Pierre-Edouard Magnan, président du Mouvement national des chômeurs et précaires (MNCP). La mesure entrera en vigueur à partir de novembre 2019.
De nombreuses associations, fédérations et syndicats estiment qu’elle fragilisera les salariés les plus précaires. « Les jeunes entrant dans la vie active avec des contrats courts, ou les femmes isolées ne pouvant cumuler des heures de travail équivalentes à un temps plein seront les grands perdants de cette réforme », estime le Coorace, fédération nationale de l’économie sociale et solidaire, qui rassemble principalement des entreprises d’insertion. « En plus de supprimer des chômeurs, on va ajouter de la pression sur toute une partie du monde du travail. Par exemple, quelqu’un qui sort de sa période d’essai n’a aucune chance d’accéder au chômage », ajoute Pierre-Edouard Magnan.
Cette modification s’accompagne d’un durcissement des règles du cumul emploi-chômage. Les demandeurs d’emploi décrochant un travail de courte durée pourront prétendre au prolongement de leur indemnisation seulement si le contrat excède six mois, contre un mois aujourd’hui. « Mesure improductive, prédit Pierre-Edouard Magnan. Les gens vont refuser les petits boulots. » Par ailleurs, « on stigmatise les personnes avec l’idée qu’elles vivent mieux en combinant petits emplois et allocations chômage. C’est faux : les gens n’ont pas le choix, c’est un tremplin vers l’emploi, ce sont des postes précaires, à temps partiel… », regrette le président du MNCP. Dans son discours, Edouard Philippe a réitéré l’idée de « respecter un principe simple selon lequel il faut que le travail paye toujours mieux que le non-travail ». Au 1er avril 2020, les indemnités chômage seront calculées sur la base du salaire mensuel et non plus journalier, engendrant une baisse de l’indemnisation pour les personnes avec des contrats courts ou dispersés.
L’exécutif a voulu tempérer l’offensive par un volet « accompagnement ». Les demandeurs d’emploi en situation de cumul ou d’alternance prolongés entre emploi et chômage bénéficieront d’un accompagnement dédié qui « fera l’objet d’une prestation particulière, que Pôle emploi confiera à des opérateurs privés » – sans plus de précision sur ces opérateurs. Deux demi-journées « d’accompagnement intensif » seront proposées aux nouveaux inscrits. 1 000 agents supplémentaires doivent être dédiés à ces missions. « Est-ce que ce sont des créations de postes ou du redéploiement ? », s’interroge Pierre-Edouard Magnan. La convention tripartite entre l’Etat, l’Unedic et Pôle emploi sur ces modalités doit être finalisée « d’ici à l’automne ». Au total, le gouvernement mise sur 3,4 milliards d’euros d’économies. Mais « les coûts évités pour l’assurance chômage se répercuteront sur les budgets alloués aux minima sociaux et à la lutte contre la grande pauvreté », avertit déjà le Coorace.
Les salariés ayant disposé d’un revenu supérieur à 4 500 € brut par mois seront soumis à une dégressivité des allocations, en dehors de ceux âgés de 57 ans ou plus. Au début du septième mois, ces anciens cadres verront donc leur indemnisation réduite de 30 %, dans la limite d’un plancher fixé à 2 261 € net. Pour la Confédération française de l’encadrement (CFE-CGC), ce système, déjà testé, « ne marche pas ». La dégressivité des allocations « pousse à la reprise d’emploi sous-qualifié, au déclassement professionnel […] Elle dévalue l’échelle des compétences sur le marché de l’emploi jusqu’à priver encore plus d’emploi ceux qui en sont le plus éloignés. »