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Pauvreté : une question de chance ou d’efforts ?

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Une fracture de la société… C’est clairement ce qui est démontré dans la dernière étude « Conditions de vie et aspirations » du Crédoc, qui a inséré une question sur la perception par les Français du mouvement des « gilets jaunes ».

Depuis trente ans, les différentes enquêtes du Crédoc (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie) révélaient que, selon une majorité de Français, la pauvreté « est davantage liée à un manque de chance qu’à un manque d’efforts ». Mais la crise des « gilets jaunes », née à l’automne 2018, a semble-t-il changé la donne. C’est bien une ligne de fracture qui est à présent mise au jour par les sondeurs. Et pour cause : les personnes hostiles à ce mouvement considèrent à 54 % que la pauvreté est d’abord due à un manque d’efforts. A l’opposé, les « gilets jaunes » ou leurs soutiens s’opposent en grande majorité à cette thèse. Ils sont 68 % à penser que la pauvreté est une conséquence d’un manque de chance.

Si, jusqu’en 2009, l’empathie envers les plus précaires l’emportait, un renversement des opinions s’est progressivement opéré, pour laisser place à une plus grande sévérité à l’égard des catégories les plus modestes. Ne faisant plus confiance aux institutions ou aux pouvoirs politiques, la population considère désormais que « chacun doit être en mesure de se prendre en main ». C’est donc une logique de responsabilité individuelle, de « méritocratie », qui a émergé. Cette vision s’appuie sur un modèle philosophique libéral où l’individu prime la communauté. Or le mouvement des « gilets jaunes » a révélé quelques failles dans ce système, montrant que l’« égalité des chances » doit être recherchée, n’étant pas acquise (à la naissance, les individus ne sont pas dotés des mêmes chances de sécurité affective, de patrimoine, de culture…). Et force est de constater que l’ascenseur social est en panne, puisque seuls 20 % des « gilets jaunes » sont diplômés du supérieur, de nombreuses études démontrant que l’obtention d’un diplôme est liée à la situation familiale des parents. La naissance de ce mouvement qui a pris sa source avec la hausse des taxes sur les carburants met le doigt sur des colères plus profondes et notamment celle d’une société qui croit de plus en plus une individualisation des responsabilités.

Comment « vivre ensemble » ?

Cette fracture révèle deux camps où chacun a l’impression d’être lésé. Cette compétition individuelle est propice au développement d’une certaine rancœur face aux « riches », aux « assistés » ou aux « immigrés ». Selon l’enquête du Crédoc, 75 % des sondés pensent qu’il est parfois plus avantageux de percevoir les minima sociaux que de travailler avec un bas salaire, alors que, dans le même temps, 65 % considèrent que pour rétablir la justice sociale, il faut prendre aux riches pour donner aux pauvres. D’ailleurs, le rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) est au cœur des revendications du mouvement. Aujourd’hui, cette méfiance face à « l’autre » gagne du terrain. Seuls 35 % des sondés déclarent qu’il est possible de faire confiance aux autres, soit 12 points de moins qu’en 2016. En 1991, ils étaient 62 % des Français à attendre de l’Etat une action forte face aux plus pauvres, contre 49 % aujourd’hui. Si, au XXe siècle, l’Etat jouait un rôle essentiel de régulateur de la cohésion sociale, ce n’est plus le cas. Avec la montée en puissance de l’individualisation des responsabilités, c’est bien tout le modèle français qui est questionné par la crise des « gilets jaunes ».

Les « Gilets jaunes », côté précarité…

Dans la dernière enquête du Crédoc, 6 % des Français se déclarent être des « gilets jaunes ». Il s’agit en grande majorité de jeunes actifs aux revenus modestes. D’ailleurs, 70 % ont un niveau de vie inférieur au niveau de vie médian (contre 50 % pour l’ensemble de la population) et 64 % n’ont pas de diplôme (contre 52 %). Autre donnée intéressante : 76 % des « gilets jaunes » s’en sortent difficilement et doivent s’imposer régulièrement des restrictions pour boucler leurs fins de mois. Et, en cas de rentrée d’argent imprévue, un tiers d’entre eux mobiliseraient cette manne financière pour rembourser une dette. S’ajoutent à ces critères de précarité des accidents de vie ou des changements, puisque 33 % souffrent d’une maladie chronique ou d’un handicap et 17 % se sont séparés de leur conjoint au cours des douze derniers mois.

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