Les départements se sont efforcés de respecter les contraintes gouvernementales quant à leur budget consacré à l’action sociale : avec seulement 1,3 % de hausse en 2018, la dépense nette affiche « la plus faible progression enregistrée depuis plusieurs années » selon l’Odas. Le dernier rapport de l’observatoire entérine le fait que « le rôle des départements semble de plus en plus impacté par des responsabilités gestionnaires qui réduisent leurs marges de manœuvre pour intervenir en amont des problèmes et empêcher leur aggravation ». Pour autant, les besoins sont là : « augmentation des mineurs non accompagnés, vieillissement de la population, accès renforcé aux droits… Tout cela crée une dynamique de la dépense », souligne Pierre Monzani, directeur général de l’Assemblée des départements de France.
Le secteur de la protection de l’enfance constitue la première dépense nette des départements. Celle-ci connaît une « forte progression » de 2,6 % résultant du nombre plus élevé de jeunes accueillis, plus de 10 000 supplémentaires (+ 5,8 %). En grande majorité des mineurs non accompagnés. En 2018, ceux-ci représentent 17,7 % des jeunes de l’aide sociale à l’enfance (ASE), contre 6,8 % trois ans plus tôt. Avec cette augmentation du public accueilli, l’hébergement constitue la charge la plus importante des départements. Le coût moyen de la place reste en revanche stable. « Les départements font de la gestion verrouillée des dotations », analyse Claudine Padieu, directrice scientifique de l’Odas : « C’est inéluctable vu leurs contraintes budgétaires, mais difficile à vivre pour les associations. » Pour l’ASE, le coût moyen d’hébergement par an et par jeune diminue même de 1,8 %. Ce qui traduit à la fois la « pression exercée par les départements sur le secteur associatif pour parvenir à une meilleure maîtrise des coûts, et la recherche de solutions moins onéreuses que les foyers, en particulier pour les mineurs non accompagnés », fait valoir la directrice scientifique.
Du côté du secteur du handicap, l’augmentation de 2,7 % de la dépense s’explique par la hausse continue depuis plusieurs années du nombre de bénéficiaires (4,4 % en 2018). Quant aux personnes âgées, les départements bénéficient d’un « effet d’aubaine exceptionnel » : le financement par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) dans sa deuxième version. Si la hausse très limitée du budget de l’APA qui en résulte constitue « une des grandes surprises » du rapport, il n’en reste pas moins que cette conjoncture sera de courte durée. L’application de la loi d’adaptation de la société au vieillissement « obligera à faire un effort en plus sur les établissements », rappelle Claudine Padieu.
Enfin, « l’insertion poursuit sa chute financière, en baisse de 10 % cette année », avertit l’Odas. 15 % de moins pour le Fonds d’aide aux jeunes, baisse du Fonds de solidarité logement, du volet « insertion » du RSA… Autre « point très regrettable », pour Claudine Padieu : les contrats jeunes majeurs se font plus rares et couvrent des durées plus courtes. Le budget dédié à l’insertion est ainsi « en baisse depuis des années alors que l’insertion vaut 1 milliard sur les 38 milliards de dépenses annuels, ce qui ne représente qu’un petit effort », déplore la directrice scientifique.
Pour Jean-Louis Sanchez, délégué général de l’Odas, le poids de la « solidarité juridique », c’est-à-dire le coût imposé aux départements du droit aux allocations, s’accompagne d’une faiblesse de la « solidarité sociale », qui réclame, elle, « de l’inventivité » et des projets. Imaginer de nouvelles solutions moins coûteuses est pourtant possible : Claudine Padieu cite « l’habitat partagé, une formule d’inclusion moins chère et où les personnes sont plus heureuses ». Mettre l’accent sur la prévention permettrait aussi de « baisser les coûts de la protection, et valoriser l’expertise des acteurs sociaux ». A titre d’exemple, l’Odas suggère d’appliquer le modèle de la conférence des financeurs au secteur du soutien à la parentalité.