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« Prendre en compte les besoins des habitants en amont »

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Maîtresse de conférences en psychologie sociale à l’Université de Lyon 2, accompagnatrice extérieure du groupe « Toutes expertes ».
Pourquoi s’intéresser aux rapports de genre dans l’espace privé du logement social ?

L’accent a été mis surtout sur l’espace public : on est très peu allé voir comment l’espace à l’intérieur du logement peut structurer le genre, et vice-versa. Il s’agit d’un point aveugle des politiques publiques et de la recherche, un impensé, un endroit dont on ne va pas se mêler car il est du ressort de la vie privée. Comme si l’on ne pouvait pas intervenir en tant que chercheur pour proposer une analyse critique, ou en tant que politique publique pour résoudre un problème. Or il n’y a aucune raison pour que les rapports de domination s’arrêtent à la porte du domicile. Pour reprendre le slogan des féministes des années 70, le privé est politique. Lorsque l’on construit du logement social, selon la façon dont on le fait, on peut atténuer ou renforcer les rapports de domination.

Puisque cela implique d’intervenir dans l’espace de l’intime, de quelle marge de manœuvre les travailleurs sociaux disposent-ils ?

C’est toute la question de la médiation entre les gens et les travailleurs sociaux. Des agents peuvent jouer ce rôle entre les habitants et les services publics ou les centres sociaux. Plusieurs travaux ont aussi démontré l’intérêt de la démarche « d’aller vers » : arrêter d’attendre que la personne vienne dans l’institution, et s’autoriser à ce que l’institution aille voir la personne. Dans le travail social, c’est complexe parce qu’il y a un certain nombre de législations et de cadres. Mais aller vers les personnes dans ce qu’elles vivent, leurs problématiques propres, est fondamental. Certains le font déjà… Cette posture ne doit pas être seulement individuelle, mais doit être prise institutionnellement.

Des ateliers comme ceux menés avec les femmes des Noirettes suffisent-ils à rendre les habitants acteurs de leur logement social ?

La première question à poser est la suivante : à quel niveau on souhaite-t-on l’implication des habitants ? Concerter, ce n’est pas pareil que participer ou co-construire… La concertation revient à demander leur avis aux gens, il n’y a aucun engagement de la part d’un bailleur social à mettre en place ce qui a été proposé. C’est souvent une façon d’avaliser un projet déjà décidé. Par contre, co-construire implique de prendre en compte leurs besoins en amont. Cela exige de repenser professionnellement la façon de travailler, de penser et de construire du logement social. La collaboration est importante, non seulement entre les personnes qui font du logement social et les habitants, mais aussi avec les personnes travaillant dans les sciences humaines qui disposent des bons outils d’analyse.

Est-ce compatible avec le paradigme de standardisation du logement social ?

Pas du tout… Sauf si on entre dans une autre vision de la standardisation, celle de la modularité. On peut soit créer des espaces fixes, figés, soit des espaces qui s’adaptent aux besoins des personnes. Par exemple, concevoir des déplacements de cloisons : une cuisine peut ainsi être ouverte ou fermée selon les envies des personnes… Pour les personnes qui ont des moyens, dans les classes supérieures, vous avez plein d’aspects modulables. Mais quand on s’intéresse au logement social, c’est comme si d’un coup il n’était pas possible de faire autrement que du rigide et du fixe ! Il faudrait envisager de standardiser du logement social qui puisse évoluer, être en mouvement.

Co-construction, modularité… Les enjeux sont-ils les mêmes pour les personnes âgées ou en situation de handicap ?

Quand on commence à moduler, à prendre en compte les besoins d’une minorité, cela sert les intérêts des autres minorités. Il s’agit de faire un pas de côté par rapport à une démarche majoritaire et dominante. C’est le propre des démarches inclusives ! Faire quelque chose pour les femmes dans la conception du logement social bénéficie aussi aux personnes en situation de handicap, aux personnes âgées, aux enfants… Tout le monde – y compris les dominants d’ailleurs – profitera du fait que l’on n’ait pas à lever la jambe pour rentrer dans une baignoire, pas seulement les personnes âgées. Il peut y avoir des conflits d’usage, des arbitrages à faire… Mais c’est rare. Quand on se place dans une logique dominante, on construit des espaces faits pour une minorité de personnes. Quand on se place dans une logique minoritaire, on crée des espaces pour le commun.

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