« Cette journée doit être la première d’une stratégie d’urgence gérontologique » annonce en préambule du colloque « Catastrophes naturelles, technologiques, faits de guerre – Protection et inclusion des personnes âgées » Alain Koskas, président de la Fédération internationale des associations de personnes âgées (Fiapa), à l’initiative de cette journée du 13 juin. « La culture des catastrophes n’est pas innée. Il faut des attitudes dérogatoires pour se libérer d’un certain nombre de textes qui réglementent la vie naturelle. »
« Les personnes âgées sont les premières victimes de catastrophes naturelles », enchaîne Olivier Drunat, chef de service gériatrie à orientation psychiatrique. « Ce sont des situations banalisées par leur fréquence. Le cadavre d’un enfant de 3 ans sur les plages turques choque, alors que les personnes âgées qui ont déjà vécu leur vie mobilisent. »
L’affirmation ne paraît pas entièrement vraie : la canicule meurtrière de 2003 est encore dans toutes les têtes. Mais les leçons ont-elles été tirées de cet épisode tragique ? En partie, répond Christophe Choquet, responsable des urgences de l’hôpital Bichat. « Les urgences sont mieux outillées grâce à des réseaux de surveillance. On est en capacité de voir les signaux d’alerte et de réagir rapidement, les tutelles sanitaires sont sensibilisées. Un patient peut être pris en charge aujourd’hui indépendamment de sa situation clinique en période de canicule. »
Pour l’urgentiste, une question reste en suspens : pourquoi, dans ces situations, les personnes âgées doivent-elles traverser l’ensemble des étapes des urgences, quand on sait que la finalité sera l’hospitalisation ? Plusieurs réponses sont possibles, de l’adaptation organisationnelle en intégrant l’hospitalisation directe, à l’adaptation architecturale en doublant par exemple les chambres disponibles en cas de crise, en passant par l’accueil des animaux de compagnie.
Pour ce qui concerne les situations non prévisibles – tels un attentat ou une catastrophe naturelle – qui appellent une réponse immédiate, ce sont les problématiques d’ordre éthique qui n’ont pas été pensées. « A lésions égales, en urgence absolue, faut-il prioriser la personne de 50 ans ou celle de 70 ans ? », poursuit l’urgentiste. « Après la crise, qui prioriser en urgence relative ? L’état d’une personne âgée se dégrade plus vite et un retard de prise en charge lui sera préjudiciable. Pour l’accompagnement social, quel public faut-il recevoir en premier ? L’impact social joue dans l’émergence du déclin cognitif chez les survivants âgés victimes de catastrophes naturelles. Ces questions ne sont pas abordées. »
María Del Pilar Zuluaga, responsable du processus vieillissement à l’association « Unidad para las victimas » est venue détailler lors de l’événement le processus de reconnaissance, de dédommagement et d’accompagnement des victimes âgées – 9 % du total des victimes – de la guerre civile en Colombie. « L’indemnisation est publique pour permettre la reconnaissance sociale. Lors d’une journée “Mémoire réparatrice”, les personnes âgées se voient remettre une carte de dignité, à savoir une lettre où le gouvernement leur demande pardon pour ce qu’elles ont vécu. Des fonctionnaires les appellent pour leur demander leur expérience en tant que victime. » Un processus qui s’accompagne d’un accompagnement à la reconstruction sociale et culturelle. « Les victimes participent à la création d’œuvre graphique dans le cadre d’un travail mémoriel. »