Quand on lit la lettre de mission relative aux Esat confiée à l’Igas-IGF en avril, on se rend compte que l’unique boussole du gouvernement, c’est le milieu ordinaire. Si on a créé les Esat, ce n’est pas pour être des sas vers le milieu ordinaire mais pour permettre à des personnes qui ne sont pas en capacité d’y travailler d’exercer une activité professionnelle et d’accéder ainsi à une citoyenneté à part entière. A chaque fois que nous pourrons créer des passerelles par des parcours appropriés, nous le ferons, mais pas dans les proportions qu’on nous demande. Il y a une méconnaissance des gouvernants de ce qui est fait au quotidien. Si les sorties vers le milieu ordinaire sont peu nombreuses, ce n’est pas un manque de compétence, mais cela correspond au public orienté chez nous par les MDPH [maisons départementales des personnes handicapées], dont l’immense majorité est très éloignée de l’emploi.
Andicat représente 90 % des directeurs d’Esat en France. Nous avons donc mobilisé notre réseau pour voir si le chiffre de 7 % donné par la Drees correspondait à une réalité. On a fait une enquête touchant 400 Esat (soit un tiers du total national) en leur demandant combien de personnes ont pu partir vers le milieu ordinaire. Le résultat est 0,47 %, soit moins de 500 personnes. On peut faire mieux. Mais seuls 5 % des usagers ont ce projet. Beaucoup d’entre eux ont une expérience en milieu ordinaire et s’aperçoivent que cela ne correspond pas à leurs attentes, à leurs besoins.
D’une logique de financement de l’offre, on passe à une logique de solvabilisation de la demande. Or les usagers des Esat bénéficient d’un accompagnement et fournissent un travail pour lequel ils sont rémunérés. On ne voit pas comment Serafin-PH peut s’adapter à cette logique. On ne peut s’empêcher de faire un parallèle avec la T2A [tarification à l’activité, mode de financement unique des établissements hospitaliers, Ndlr] dont on voit les conséquences aujourd’hui : beaucoup d’hôpitaux sont en grande difficulté financière, les urgences craquent. Pourquoi vouloir transposer ce modèle au médico-social alors qu’on sait qu’il ne fonctionne pas ?
Nous avons adopté la notion de parcours depuis longtemps, dans une logique de partenariat (sur la santé, le logement…). Les Esat ne travaillent pas de manière isolée. L’Unapei a indiqué qu’il manquait 45 000 places en établissement et, faute de places, des personnes en réorientation vers des MAS, des foyers occupationnels ou des FAM sont contraintes de rester en Esat. On peut remettre en cause la logique de places, mais le fait est qu’il manque des structures pour accueillir ce public.
Nous ne sommes pas dupes. Quand on voit que le ministre des comptes publics est signataire de la lettre de mission relative aux Esat, qu’on rappelle qu’ils coûtent 1,5 milliard d’euros en ce qui concerne les budgets sociaux, 1,3 milliard d’euros pour l’aide aux postes, nous nous demandons si les enjeux ne sont pas purement financiers. Pourtant, les Esat pèsent économiquement – de l’ordre de 1,5 milliard d’euros – et participent à la création de richesse sur les territoires.