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Des labels pour des Ehpad plus humains

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Dominique Libault, lors de la remise de son rapport « grand âge et autonomie », le 28 mars dernier, pointait l’urgence d’améliorer la qualité des soins et de l’accompagnement dispensés en Ehpad. Parmi les solutions envisagées, la labellisation des établissements. A l’heure actuelle, une centaine d’entre eux ont déjà entamé des démarches en ce sens. Ce qui reste faible, en comparaison avec plus de 7 000 structures réparties sur le territoire.

« Améliorer la qualité de service en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et à domicile à travers le financement de démarches de labellisation. » Tel est l’intitulé de la proposition 57 du rapport « Libault » rendu public au mois de mars(1). Plus précisément, à l’issue de la concertation « grand âge et autonomie », Dominique Libault, président du Haut Conseil au financement de la protection sociale, a rendu un rapport sur la prise en charge de la dépendance dans lequel il faisait un certain nombre de recommandations. L’une d’entre elles consiste à dire que « sur la base d’une homologation de labels qualité (de type Humanitude, Bientraitant…) par la Haute Autorité de santé (HAS), il est proposé un financement des formations collectives, engageant l’ensemble des personnels d’une structure, permettant d’obtenir ces labels. » En quoi consiste un label précisément ? Quel est l’intérêt pour un établissement d’être labellisé ? Comment un label permet-il d’améliorer la qualité de service d’une structure ?

« La labellisation permet de fixer des référentiels de qualité qui mobilisent tous les membres de l’établissement et permettent de faire progresser l’ensemble de l’établissement vers ces référentiels. Cela crée une dynamique interne », assure Dominique Libault. Et d’ajouter : « Le fait d’être reconnu, d’être labellisé est aussi très important pour les personnels. Ils se sentent valorisés alors même que nous sommes dans une période d’“Ehpad bashing”. Enfin, le label permet de travailler sur la confiance vis-à-vis des familles et des personnes âgées. Pour l’ensemble de ces raisons, je préconise d’aller plus loin dans les politiques de labellisation, sur la base d’expériences qui existent. » L’une d’elles est le label « Humanitude ».

Créée il y a une trentaine d’années, l’Humanitude est une philosophie du soin et de la relation qui a modifié en profondeur le monde de la gériatrie. Inventée par deux anciens professeurs d’éducation physique et sportive, Yves Gineste et Rosette Marescotti, cette méthode propose une autre approche des soins dispensés aux personnes fragilisées (âgées, handicapées…). Le but est de les réhabiliter dans leur dignité et d’améliorer les relations entre patients et soignants. « Cette philosophie de soin interroge chaque geste fait par un soignant, expose encore Annie de Vivie, directrice des formations Humanitude. Elle rappelle qu’un soignant est un professionnel qui prend soin d’une personne ayant des préoccupations et des problèmes de santé. En aucun cas, il ne faut donc que le soignant nuise à la santé de cette personne. »

Cinq grands principes à respecter

Ainsi, dans les établissements sanitaires et médico-sociaux, il serait possible de ne plus jamais faire de soins de force sans abandon de soins. Il serait aussi possible de respecter la singularité et l’intimité de la personne âgée 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. C’est en ce sens que le label a été lancé. Plus précisément, créé et délivré par l’association Asshumevie (voir encadré page ??), le label Humanitude s’adresse aux Ehpad, aux services d’aides et de soins à domicile, aux établissements sanitaires et aux établissements pour personnes en situation de handicap qui souhaitent améliorer le bien-être des personnes fragilisées, favoriser le « prendre-soin » et la qualité de vie au travail des professionnels.

Le label est délivré sur le respect de cinq principes, déclinés en 300 critères et indicateurs : zéro soin de force sans abandon de soins (100 % des soins en douceur) ; respect de l’intimité et de la singularité (autonomie, dignité, sexualité) ; vivre et mourir debout (éviter la grabatisation) ; ouverture sur l’extérieur (famille, intergénération, bénévolat…) ; lieu de vie, lieu d’envies (projet d’accompagnement personnalisé). Au-delà de ces cinq principes, pour obtenir le label, le personnel de l’établissement devra respecter les quatre piliers de la méthode de soins. A savoir le regard : il doit s’échanger face à face, les yeux dans les yeux, à hauteur du visage. Ensuite, la parole, qui doit annoncer et expliquer chaque geste. Le toucher : il s’agit de transformer le « toucher utile » en « toucher tendresse ». Et enfin, la verticalité : une personne âgée correctement accompagnée peut et doit vivre debout (au moins 20 minutes par jour).

« Ces quatre piliers fondamentaux sont mis à mal, notamment autour de la grande dépendance. Mais aussi au moment où arrivent les maladies neuro­cognitives, les troubles du comportement, les polypathologies, la fin de vie, explique Annie de Vivie. Nous mettons donc à disposition des outils, des techniques afin de permettre aux personnels de professionnaliser leurs regards, leurs paroles, leurs touchers et la verticalité de la personne âgée ». A l’heure actuelle, 21 établissements sont labellisés « Humanitude » (et ce pour cinq ans) et une centaine sont engagés dans la démarche. Celle-ci dure trois ans et passe, notamment, par quatre jours de formation-action au cours desquels les principaux outils sont enseignés à l’ensemble des professionnels de la structure (direction, aides-soignants, entretien, restauration…). Pour des résultats déjà probants. En effet, afin d’apporter une caution scientifique sur les bienfaits de l’Humanitude, une étude a été réalisée, en 2011, sur 111 femmes atteintes de la maladie d’Alzheimer et résidant en Ehpad. « Dans chaque cas, il s’agissait de mesurer les réactions lors de la toilette avant et après la formation des soignants aux techniques de l’Humanitude, explique Rosette Marescotti. Résultat : dans 83 % des cas, les soins habituellement difficiles ont été améliorés de façon importante. »

Des résultats probants donc. A tel point que Dominique Libault souhaite voir le nombre d’établissements labellisés se multiplier sur le territoire. Un vœu qui ne peut que réjouir la co-fondatrice de l’Humanitude. « Nous accueillons favorablement la proposition du rapport, certifie-t-elle. Nous nous disons qu’enfin le gouvernement se préoccupe de la bientraitance en établissement, qu’enfin il considère vraiment ces personnes fragilisées. » Mais de nuancer : « Cependant, ce n’est pas parce que l’établissement est labellisé qu’il n’y aura plus de cas de maltraitance. Un soignant qui gifle un résident parce qu’il a du pouvoir, c’est possible. Mais, avec le label, cela ne perdurera pas et ça ne sera pas caché. »

« Mettre en place une véritable culture de la bientraitance »

Mais le label Humanitude n’est pas le seul. Il existe aussi le label « Etablissement Bien Traitant ». Celui-ci s’adresse aux 38 000 établissements sociaux et médico-sociaux que compte la France, aussi bien dans le secteur du social, du handicap, que celui des personnes âgées. Lancé en 2016, ce label se veut être « une solution concrète au développement de la culture de la bientraitance et de la prévention du risque de la maltraitance sur le terrain ». « Alors que le label Humanitude valide des techniques de soin, le nôtre est plus générique. Il vise à développer la culture de la bientraitance, ce qui ne concerne pas seulement le soin », indique Anne Picard, fondatrice du label. « Etablissement Bien Traitant » repose sur quatre principes fondamentaux : l’information, la formation, les pratiques et le management. « Une des garanties du label est que la culture de la bientraitance soit au centre de la gouvernance de l’établissement, précise encore Anne Picard. Or, une culture, cela ne se crée pas en deux ou trois jours de formation. Elle doit être diffusée à tous les niveaux : du conseil d’administration aux financeurs en passant par les acteurs de terrain, les usagers et les familles. »

Valable cinq ans et délivré par Bureau Veritas, le label s’obtient en six étapes qui vont de l’adhésion aux valeurs du label, au développement des compétences opérationnelles jusqu’au maintien des acquis. « Au bout de cinq ans, un audit est effectué par Bureau Veritas. Ils vérifient que l’établissement est toujours à niveau. S’ils se rendent compte qu’ils ont perdu certaines compétences, des formations supplémentaires seront proposées. Au risque de perdre le label », confie la fondatrice. A l’heure actuelle, cinq établissements sont déjà labellisés (trois Ehpad et deux services de soins infirmiers à domicile) et 25 établissements sont en cours de labellisation. Mais pourquoi se labelliser ?

« Avant tout pour la personne âgée, soutient Anne Picard. Faire de la bientraitance, c’est certifier que l’on va faire vivre ses droits au quotidien et que l’on va les respecter. Pour cela, il faut tenir compte des attentes de la personne, de ses besoins, ses envies, ses goûts. Et le label le garantit. » « La bientraitance consiste à s’adapter à chacun des besoins des personnes âgées, poursuit-elle. On ne peut pas généraliser. Ce serait simple de dire qu’il existe une technique universelle permettant d’être tout le temps bien-traitant. Ce n’est pas le cas. Par exemple, si je mets la main sur l’épaule d’une personne âgée, cela peut être considéré comme bien-traitant pour l’une et maltraitant pour l’autre. » D’ailleurs elle ne le cache pas : « Nous ne pouvons pas garantir qu’il n’y aura pas de maltraitance avec le label. Il suffit, par exemple, de recruter un remplaçant qui ne connaît pas les bonnes pratiques. » Mais pour la fondatrice d’Etablissement Bien Traitant, une seule personne, par sa méconnaissance, ne doit pas remettre en cause toute la qualité du travail effectué pour obtenir le label.

« C’est seulement si l’établissement ne fait pas ce qu’il faut, ne réagit pas immédiatement qu’il perd son label. En effet, si on supprime le label dès le premier acte de maltraitance, cela va recréer de l’omerta. C’est le retour de la loi du silence. Personne n’aurait intérêt à dire les choses de peur de perdre le label. » Et de conclure : « Etre aide-soignant dans un Ehpad, ce n’est pas le boulot dont tout le monde rêve. Avec la labellisation, cela permet de reconnaître leur métier, de le valoriser. Cela redonne du sens. Au final, c’est peut-être ça le plus important. »

L’association Asshumevie

Le label « Humanitude » a été créé par l’Association humanitude, évaluation et milieu de vie (Asshumevie) qui réunit des directeurs d’établissements ou de services, des médecins, des cadres, des professionnels ou encore des familles utilisateurs de la méthodologie de soin Gineste-Marescotti, dite « Humanitude ». Elle a pour objectif, comme l’explique Rosette Marescotti, « de promouvoir les valeurs de l’Humanitude et de garantir la bientraitance dans les établissements sanitaires et médico-sociaux et les services à domicile » mais aussi de « développer le label en aidant les professionnels à pérenniser les formations et maintenir leur niveau de bientraitance ». De plus, Asshumevie est agréée comme organisme d’évaluation externe. « Son objectif est de permettre que la visite de labellisation soit reconnue en tant qu’évaluation externe afin de ne pas multiplier les évaluations. »

Notes

(1) Voir ASH n° 3105 du 5-04-19, p. 6.

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