« La question associative est une forme d’impensé de la République. Elle est partout dans le quotidien des citoyens, plébiscitée avec deux millions de bénévoles et, en même temps, est invisible, dans les angles morts des politiques publiques. Nous plaidons pour que le fait associatif soit pensé comme une économie souveraine, consubstantielle de la république démocratique et sociale. Une politique associative qui ne soit pas une économie par morceaux, par petites mesures ou par secteurs, comme c’est souvent le cas aujourd’hui, mais transversale à l’ensemble des politiques publiques », affirme Philippe Jahshan, président du Mouvement associatif. « Gabriel Attal, le secrétariat d’Etat chargé de la vie associative, a présenté sa feuille de route en novembre 2018, mais on est loin du compte par rapport à l’enjeu de la centralité de la question associative dans l’organisation de l’économie du pays, nous sommes encore à la marge. L’économie sociale et solidaire relève d’un haut-commissariat, ce qui dénote aussi la faiblesse de cette économie dans l’espace gouvernemental », considère-t-il. Alors que les pouvoirs publics parlent de choc de confiance pour le secteur privé marchand, Philippe Jahshan aimerait qu’il y ait « un choc de confiance pour le secteur associatif ». Et d’expliquer : « Il n’y a pas de raison qu’un secteur qui pèse 110 milliards d’euros, qui avoisine les 4 % du PIB, ne bénéficie pas de la même perspective et de la même attention de la part du pouvoir politique. Il y a une sorte d’inculture politique de la question associative qui doit nous préoccuper politiquement. »
Philippe Jahshan insiste sur la nécessité de « revenir à la reconnaissance du droit d’initiative associative » et de faire en sorte que l’ensemble des réglementations et financements soit adapté à ce droit. « La capacité d’innovation des associations est de plus en plus contrainte. Or c’est notre ADN, c’est le cœur de notre engagement associatif. » Egalement au rang de ses attentes : « un financement pérennisé, stabilisé, des associations », « la généralisation de la pluriannualité des conventionnements », « la transformation du Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) en un véritable fonds structurel », « la sécurisation fiscale », « la simplification réglementaire ». Philippe Jahshan réclame également « une grande politique de l’évaluation coconstruite avec les acteurs associatifs », avec des indicateurs d’activité et de résultats adaptés et une politique de l’emploi associatif qui ne soit pas uniquement une politique d’insertion. « Nous avons obtenu 4 000 emplois, alors que l’on en demandait 38 000 », précise-t-il.
Le président du Mouvement associatif appelle de ses vœux la généralisation de la charte des engagements réciproques, un texte issu des Assises de la vie associative de 2001 et renouvelé en 2014. Il regrette que ce « texte moderne », « non contraignant », qui « positionne la relation du monde associatif avec les autorités publiques à la bonne place », soit encore très peu déployé. « L’évaluation qui en avait été faite en 2017 démontre les effets positifs. Là où la charte a été signée, il y a eu transformation qualitative de la relation entre les tissus associatifs territoriaux et les autorités publiques », rappelle-t-il.
Enfin, quelques semaines après les élections européennes, Philippe Jahshan rappelle l’enjeu partagé par les acteurs de l’ESS de faire reconnaître le modèle non lucratif au niveau européen. « Nombre de directives européennes qui s’imposent à nos secteurs, notamment sur la commande publique, ont un impact majeur, tout comme la mise en concurrence des associations avec le secteur marchand. C’est une vieille histoire, mais il ne faut surtout pas l’abandonner. »
Philippe Jahshan a rejoint en 2002 l’organisation Solidarité laïque en tant que chef de projet, avant de devenir délégué aux actions de coopération internationale. Depuis 2016, il est le président du Mouvement associatif.