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Vives critiques contre la politique du « tout enfermement »

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Dans leur 9e rapport annuel, les associations présentes en centres de rétention administrative pointent une détérioration des droits des personnes enfermées.

Pour les six associations présentes dans les centres de rétention administrative (CRA) auprès des exilés, un cap a été franchi cette année dans le durcissement de la politique française vis-à-vis de son immigration. Dans un rapport publié conjointement mardi 4 juin, l’Assfam-groupe SOS Solidarités, la Cimade, le Forum réfugiés, France terre d’asile, l’Ordre de Malte et Solidarités Mayotte dénoncent une « banalisation de l’enfermement » et relèvent de multiples atteintes aux droits fondamentaux. Avec près de 46 000 personnes retenues en 2018, la France reste le pays européen qui enferme le plus en vue d’un éloignement. 480 nouvelles places ont été créées en métropole en 2018, portant le nombre total de places à 1 549. Soit une augmentation de 45 % en l’espace d’un an.

La durée moyenne d’enfermement restée stable ces dernières années, a augmenté de 12,8 jours en 2017 à 14,6 jours en 2018. Le nombre de personnes enfermées durant plus de 30 jours a lui explosé, passant de 2 468 en 2016 à 4 432 en 2018. Or les dernières évolutions législatives, dont le passage à 90 jours pour la durée maximale de rétention, ont cristallisé les tensions dans ces lieux de privation des libertés.

Système « maltraitant »

Pourtant cette politique est loin d’être efficace : seules 40 % des personnes enfermées en 2018, comme en 2017, ont été effectivement éloignées. Il s’agit même d’une légère baisse par rapport à 2016. Ce taux a également diminué en outre-mer, passant de 59 % en 2017 à 45 % en 2018. « La rétention devrait être à la fin de toute procédure, elle ne devrait être employée qu’en dernier ressort, rappelle Céline Guyot, responsable du pôle juridique à Assfam-groupe SOS solidarités. Nous sommes sur une politique qui vise à d’abord enfermer, et peut-être à éloigner. Quitte à devoir libérer ensuite. Ce système est schizophrénique et maltraitant. » Un constat partagé par les députés Jean-Noël Barrot (MoDem) et Alexandre Holroyd (LREM) dans un rapport présenté le 6 juin. Ils soulignent également le coût exorbitant des expulsions forcées (468 millions d’euros en 2018, pour un coût moyen de 14 000 € par personne contre 2 500 à 4 000 € pour l’aide au retour volontaire).

Et les conséquences sont lourdes en rétention. Les acteurs font état d’une montée sans précédent des tensions, des mouvements de révolte mais aussi des actes désespérés comme des tentatives de suicide(1). Aux CRA de Oissel (76) et de Coquelles (62), France terre d’asile fait état de plusieurs mouvements de grève de la faim en 2018 et d’une dizaine de tentatives de suicide depuis le début de l’année 2019.

Pour les acteurs, cette situation est aussi due à un véritable tournant dans la politique d’enfermement pris à la suite de l’attentat de Marseille perpétré par un homme concerné par une obligation de quitter le territoire français. Sont ainsi arrivés en rétention des personnes atteintes de troubles psychiatriques, des personnes qui risquent d’être renvoyées dans un pays où elles seraient en danger, et d’autres publics vulnérables : des familles avec enfants, ou des victimes de la traite. C’est bien souvent l’absence d’examen préalable de la situation qui fait défaut. Ces pratiques ont pourtant été sanctionnées de nombreuses fois par les juges administratifs : en 2018, 40 % des personnes retenues en métropole et 20 à 25 % de celles retenues en outre-mer ont été libérées. « Notre accompagnement a ses limites », prévient David Rohi de la Cimade, en décrivant la situation d’un Soudanais enfermé depuis bientôt trois mois alors que ses chances d’être éloigné sont minimes, ou celle d’un homme atteint de troubles psychiatriques, enfermé à Toulouse dans une cellule d’isolement disciplinaire depuis trois semaines, parce que les équipes ne savent qu’en faire.

Mais malgré les alertes répétées des associations, du défenseur des droits, comme de la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, rien ne semble indiquer un infléchissement de la volonté de la part du gouvernement.

Notes

(1) Voir ASH n° 3100 du 1-03-19, p. 6.

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