Si les lois de 2007 et 2016 repositionnent la place des parents dans la protection de l’enfant en partenaires essentiels, dans les faits, ce principe n’est pas une affaire aisée. Ainsi au quotidien, le travail avec les parents conduit souvent à des incompréhensions, des malentendus ou encore à un véritable dialogue de sourds. Face à cette réalité, le Centre d’ouverture psychologique et sociale (Copes), organisme de formation, et l’Association française d’information et de recherche sur l’enfance maltraitée (Afirem) ont organisé cette journée le 3 juin dernier pour aborder cette question sous l’angle de la psycho-clinique. Plusieurs psychologues ont apporté leur vision notamment de la « famille à l’aide sociale à l’enfance » (ASE), du « changement de posture professionnelle en protection de l’enfant » à travers l’approche médiation ou encore sur les conditions et limites dans le travail avec les parents pour la mise en place d’un soin psychique.
Pour Sandrine Clergeau, psychologue à l’ASE à Paris, ces difficultés d’alliance parents/professionnels vient avant tout de la loi : « Celle-ci nous place d’emblée face à un paradoxe, celui de séparer des familles pour mieux les réunir car une séparation actée par un juge des enfants est toujours provisoire. Le magistrat nous ordonne de travailler le maintien ou la restauration du lien entre parents et enfants afin que ces derniers retournent vivre au plus vite auprès de leur famille. Et ce alors même que ces deux parties seraient opposées dans leurs intérêts. » La relation entre un enfant pris en charge par l’ASE et ses parents est souvent conflictuelle, c’est donc aux professionnels de rendre possible cette rencontre alors même que ces derniers peuvent être vus comme les agents de la séparation. De plus, ce lien est nécessaire car, comme le rappelle Emmanuelle Bonneville-Baruchel, psychologue clinicienne, même si les mineurs sont placés, les parents gardent leur autorité parentale. Pour les actes non usuels tels que les soins psychiques, l’adhésion des deux parents est requise, sans cela la mise en place des soins est impossible. Néanmoins sur ces soins, une issue judiciaire reste possible si un danger grave est constaté pour l’enfant comme la dépression, le risque de suicide…
Michèle Savourey, psychologue et médiatrice familiale, a rappelé que l’on part de loin sur cette question de l’alliance avec les parents. Elle est revenue sur ses début dans la protection de l’enfance. En 1974, la règle était de séparer les enfants de leurs parents jugés nocifs. Elle a ainsi partagé le constat qu’elle a pu faire à l’époque et qui explique la voie qu’elle a choisie après : « En bilan psychologique, je retrouvais des enfants placés durablement dans un état très dépressif. J’ai vite analysé que la séparation durable des parents était à l’origine de cet état. Preuve en était qu’à leur majorité, ils avaient tous l’envie de retourner dans leur famille. » Un constat qui l’a amenée a évolué plus vite que la loi française sur les besoins de l’enfant. Dès les années 1990, elle s’est intéressée à la médiation familiale, elle s’est formée au Québec et est devenue une des pionnières de cette « approche médiation » dans la protection de l’enfance. Cette méthode repose sur le principe qu’avec un tiers médiateur, les familles peuvent trouver par elle-même des solutions. Le changement de posture du professionnel est indispensable, il n’est plus un « sachant » mais un « accompagnant ». « L’approche médiation permet de parler des besoins insatisfaits des enfants, avant même la loi de 2007, de cette façon, nous ne parlons pas de la cause et on n’est plus dans le jugement des parents mais dans leur responsabilisation. Cela permet de rendre les parents plus collaboratifs et c’est aussi plus gratifiant pour les travailleurs sociaux. »
Si cette journée n’avait pas pour objectif d’apporter une solution miracle, elle aura néanmoins permis d’ouvrir le champ des possibles pour tenter de normaliser les relations professionnels-parents.