Les personnes accompagnées et les travailleurs sociaux ne parlent pas toujours la même langue. C’est un fait. Comment prendre en considération le langage de l’autre ? Comment communiquer avec lui : dans sa langue maternelle ou en français ? Quelle place pour ceux qui n’ont pas les mots ou d’autres mots, comme la langue des cités ou encore la langue des signes ? Toutes ces questions sont au sommaire de la revue trimestrielle V.S.T. (Vie sociale et traitement) : « Quelle(s) langue(s) parles-tu ? ». Une interrogation d’autant plus prégnante que de nombreux migrants arrivant de différentes régions du monde ont besoin d’être aidés dans la constitution et l’argumentation de leur dossier de demandeur d’asile. Selon une bénévole de la Cimade, les langues les plus pratiquées sont l’anglais, l’arabe littéraire, le russe, l’albanais, l’italien, l’espagnol, le roumain, le mongol et certains dialectes de pays d’Afrique. En général, cela se passe plutôt bien avec les interprètes, mais il peut y avoir des problèmes à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) ou à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) : « Les demandeurs d’asile peuvent nous déclarer qu’ils n’ont pas dit ça, ne se reconnaissant pas toujours dans leurs réponses. » Car la langue véhicule aussi une identité, une culture. Elle est chargée de sens. Mal interprétée, elle peut produire beaucoup d’incompréhensions… C’est pourquoi il ne faut pas la considérer uniquement du point de vue de la forme, préviennent des éducateurs en prévention spécialisée. Ainsi, le vocabulaire des quartiers peut paraître pauvre à première vue, « mais si on sait lire derrière les mots, il y a énormément d’informations avec les intonations, les gestes, les attitudes. Une langue, ce n’est pas que des mots (…) La langue des quartiers, c’est aussi une protection contre les autres, les forces de l’ordre, les agents des institutions. » Un dossier dont l’objectif est de ne pas s’enfermer dans des « conduites à tenir » mais de considérer l’autre comme sujet.
« Quelle(s) langue(s) parles-tu ? » – revue « V.S.T. » n° 141 – Ed. érès, 16 €.