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Ceux qui attendent

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La semaine dernière, Florian a été malade. Soudainement, il a eu très mal au ventre et s’est mis à vomir abondamment. Sa mère l’a emmené aux urgences. Jusque-là, ce pourrait être une histoire banale. L’histoire d’un homme malade accompagné par un proche à l’hôpital. Mais Florian n’est pas un homme banal. Il est porteur du syndrome de Down et, parfois, ça complique un peu les choses. Parce que Florian, il ne comprend pas tous les mots. Alors c’est difficile pour lui d’expliquer sa douleur et ses symptômes. Et puis, parfois, il a peur. Aller à l’hôpital, attendre au milieu d’inconnus, se déshabiller, être examiné, dormir ailleurs que chez lui… tout ça, ça l’angoisse. Du coup, souvent, quand il a un peu mal, il ne dit rien. Alors il attend.

Floyd, lui aussi, est malade. Mais il ne va pas à l’hôpital. Ni même chez le médecin. Parce que ça n’est pas sa priorité. Trouver un logement et de quoi manger, voilà qui l’occupe déjà bien assez. La santé, ça vient après. Alors il laisse traîner, il s’ignore, il tergiverse… Et quand, enfin, il se décide à consulter, ça lui prend encore du temps. Parce qu’il se heurte aux refus de ceux qui ne prennent pas les « patients-CMU », ou au mépris à peine caché de certains professionnels de santé. Alors il attend.

Quant à Elina, elle déménage souvent. D’hôtel en hôtel et de ville en ville, au gré des chambres qui se libèrent. Et, à chaque fois, il faut tout recommencer : trouver un médecin, raconter le parcours de migration, les antécédents médicaux des uns et des autres, traduire les mots, les maux. Expliquer, encore et encore. Et, à chaque fois, revivre les traumatismes de la guerre, de la fuite, des tortures… et de tout le reste. Elina, elle est fatiguée de tout ça, de cette souffrance qu’il faut sans cesse redire, écouter, traduire. Alors elle attend.

Florimonde, elle, a le même médecin depuis des années. Il la connaît par cœur : diabète, hypertension, cataracte… le corps de Florimonde n’a pas de secret pour lui. Mais il y a un hic : Florimonde, trop âgée, ne conduit plus, et son médecin, débordé, ne fait plus de visites à domicile. Alors, pour y aller, elle demande à sa voisine. Mais parfois, elle n’ose pas. Elle a peur de déranger, ça n’est pas si urgent… Alors elle attend.

Florine, elle, n’ose plus aller chez le gynécologue depuis qu’il a fait des sous-entendus déplacés sur le fait qu’elle était mariée à une femme. « C’est quand même dommage qu’aucun homme ne puisse en profiter » ou encore « Ah, vous avez un enfant ? Mais du coup, vous n’êtes pas vraiment sa mère ! »… Des petites phrases assassines et gratuites, des petites phrases si violentes qu’elle y réfléchit maintenant à deux fois avant d’aller consulter. Alors elle attend.

Florian, Floyd, Elina, Florimonde, Florine et tant d’autres. Des patients qui attendent, parce que c’est trop difficile, trop loin, trop douloureux. Des patients qui patientent, espérant que ça passe, que ça se tasse… dans l’angoisse.

« Garantir l’accès universel aux droits et permettre l’accès aux soins. » Cette phrase, elle est écrite en gros sur le site de l’assurance maladie. Moi, Florence, j’aimerais juste ajouter en-dessous et en petits caractères : « sauf si vous êtes handicapé, pauvre, migrant, vieux ou homosexuel ».

La minute de Flo

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