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La France des riches et la France des autres

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Le rapport 2019 de l’Observatoire des inégalités, rendu public le 3 juin, dresse un bilan détaillé des inégalités en France et évalue à 8 millions le nombre de personnes en « situation de mal-emploi ».

« Contre les inégalités, l’information est une arme », estime Anne Brunner en avant-propos de l’édition 2019 du « Rapport sur les inégalités en France », publié le 3 juin par l’Observatoire des inégalités(1). Premier constat : après la Suisse, l’Hexagone est le pays européen où les nantis sont les plus prospères. A titre d’exemple, 1 % des plus riches gagne au minimum 7 000 € par mois contre 5 800 € au Royaume-Uni. L’écart de revenus entre les 10 % des Français les plus aisés et les 10 % les plus défavorisés s’élève en moyenne à 4 000 € par mois. Mais c’est surtout le patrimoine qui fait la différence : 17 % de l’ensemble du patrimoine des ménages est détenu par 1 % des mieux nantis. Le capital médian des cadres supérieurs dépasse 200 000 € alors que celui des ouvriers se limite à 16 400 €.

A l’autre bout de l’échelle, le taux de pauvreté est passé de 7,3 % en 2006 à 8 % en 2016(2). Cinq millions de personnes vivent avec moins de 855 € mensuels pour une personne seule. Qui sont-elles ? Principalement, des mères de familles monoparentales, des immigrés, des personnes n’ayant pas fait d’études… « Les enfants pauvres n’existent pas, pointe le rapport. La pauvreté, c’est celle de leurs parents, liée au chômage, aux bas salaires, aux faibles montants des prestations sociales, aux ruptures familiales et aux discriminations. »

Une bonne nouvelle : depuis dix ans, davantage de jeunes continuent l’école après la 3e. Toutefois, l’origine sociale influe sur les résultats scolaires. Dès le CE2, les élèves issus de milieux démunis ont des notes beaucoup moins élevées en français et mathématiques que ceux venant de familles favorisées et sont deux fois plus rares en 2de générale ou technologique. Il y a également 2,9 fois plus d’étudiants chez les enfants de cadres supérieurs que chez les enfants d’ouvriers, lesquels – excepté dans les BTS – sont très peu représentés dans les grandes écoles et les classes préparatoires. De même, avec 40,3 %, la part des filles dans les filières scientifiques stagne.

Les diplômes ont un impact direct sur le chômage et représentent « la fracture la plus grave », selon les auteurs. Les personnes non diplômées sont presque quatre fois plus inscrites à Pôle emploi que celles qui ont suivi des études supérieures longues. Par ailleurs, trois ans après être sortis de l’école, 65 % des jeunes sans diplôme ont un contrat précaire contre 18 % des bac + 5. Le taux de chômage des immigrés est également le double de celui des personnes nées en France.

La précarité augmente

Selon l’Observatoire des inégalités, 8 millions de personnes sont en « situation de mal-emploi ». Et, après s’être stabilisée pendant dix ans, la précarité augmente depuis 2014. Pour Louis Maurin(3), directeur de l’Observatoire des inégalités, « cette France de l’insécurité sociale est celle des employés et des ouvriers peu ou non qualifiés, des “uberisés”, des indépendants du bas de l’échelle ».

Autre source d’inégalités, le logement, avec 800 000 personnes sans domicile personnel dont 143 000 sans domicile fixe et 11 000 qui dorment dehors. Les écarts touchent aussi l’espérance de vie qui est de 71,7 ans pour les plus pauvres et 84,4 pour les plus riches. La fracture numérique et culturelle se creuse également : 69 % des ouvriers font leurs démarches administratives en ligne contre 98 % des cadres supérieurs et les plus aisés vont 2,5 fois plus au cinéma que les autres. Si avec les « gilets jaunes », les catégories populaires ont fait leur apparition à la télévision, en règle générale, les cadres y sont 15 fois plus visibles que les ouvriers. Attention à la « vague de mépris social », prévient Louis Maurin, car si, grâce à son modèle social, la France n’est pas le pays le plus inégalitaire, « les manifestations des “gilets jaunes” ont mis en évidence le fossé entre la France qui gagne et la France populaire et moyenne qu’elle méprise […], “la France moche” comme on dit à gauche qui fait ses courses dans les hypermarchés et regarde la télévision ».

Notes

(2) Calculé à 50 % du revenu médian.

(3) Voir l’interview dans ASH n° 3113 du 31-05-19.

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