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Le licenciement pour motif économique

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Le licenciement pour motif économique a fait l’objet de nombreuses réformes au cours des dernières années. Ainsi, la loi « travail » a profondément modifié la définition du motif économique telle que fixée par le législateur(1). Par la suite, l’ordonnance du 22 septembre 2017(2) a achevé plusieurs modifications tenant notamment au périmètre d’appréciation du motif économique et au reclassement des salariés.

Le licenciement économique se caractérise par un motif non inhérent à la personne du salarié résultant de la suppression ou de la transformation d’un emploi ou d’une modification refusée par le salarié et d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutif notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques (code du travail [C. trav.], art. L. 1233-3). Il trouve application aux entreprises et établissements privés de toute nature ainsi que, sauf cas particulier, aux entreprises publiques et établissements publics industriels et commerciaux (C. trav., art. L. 1233-1). Ainsi, il pourra être valablement prononcé dans une entreprise classique de droit privé ou une association dans des conditions identiques fixées par le code du travail.

La caractérisation du licenciement pour motif économique repose sur deux conditions cumulatives. Il conviendra en effet de déterminer l’existence d’un motif économique conformément au code du travail, régulièrement dénommé « élément causal du licenciement » et de caractériser une suppression, modification ou transformation de poste du salarié, aussi nommé élément matériel.

I. L’élément causal du licenciement pour motif économique

Le code du travail, dans sa rédaction actuelle, prévoit que le licenciement est caractérisé en cas de difficultés économiques, mutations technologiques, réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ou cessation d’activité de l’entreprise (C. trav., art. L. 1233-3). C’est la loi du 8 août 2016 qui a modifié la définition et surtout en a précisé les contours. En effet, auparavant, le législateur précisait uniquement que le licenciement économique pouvait être caractérisé en cas notamment de difficultés économiques ou de mutations technologiques. C’est la jurisprudence qui avait par la suite déterminé les deux motifs de réorganisation de l’entreprise en vue de sauvegarder sa compétitivité et de cessation de l’activité. L’article L. 1233-3 du code du travail, dans sa nouvelle rédaction, est bien plus complet et le but était de permettre de sécuriser la définition des motifs.

A. Les difficultés économiques, un élément profondément remanié par la loi

Si le motif de difficultés économiques a pendant longtemps généré une jurisprudence abondante et une appréciation fixée souverainement par les juges du fond, les contours sont actuellement nettement déterminés par le législateur.

Dorénavant, les difficultés économiques sont caractérisées par l’évolution significative d’un indicateur économique et fonction de la taille de l’entreprise. Ainsi, le texte prévoit qu’il doit s’agir d’une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires en comparaison avec une période identique sur l’année précédente.

La baisse de l’indicateur économique sera considérée comme significative par comparaison avec la même période sur l’année précédente dès lors qu’elle aura duré au moins :

• 1 trimestre pour une entreprise de moins de 11 salariés ;

• 2 trimestres consécutifs pour une entreprise employant 11 à moins de 50 salariés ;

• 3 trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins 50 salariés et de moins de 300 salariés ;

• 4 trimestres consécutifs pour une entreprise de 300 salariés et plus.

Le critère est dorénavant très limité et apparaît totalement déposséder les juges de leur pouvoir d’appréciation. Auparavant, la jurisprudence permettait aux juridictions d’effectuer une appréciation plus fine des difficultés économiques connues par l’employeur. Si l’intégration de critères très stricts doit permettre de mieux garantir à l’employeur de fonder le motif économique, ce qui sécurise la rupture du contrat de travail, il apparaît par ailleurs qu’un encadrement trop strict peut également conduire à rejeter la notion de « difficultés économiques » alors même que l’entreprise ou l’association aurait pu faire valoir des arguments valables devant les juridictions de droit social auparavant.

On pourra toutefois relever que la liste des indicateurs économiques n’est pas limitative dans le code du travail et que lesdits indicateurs, qui sont mis à une durée de baisse en comparaison avec une période identique sur l’année précédente, sont limités au chiffre d’affaires et aux commandes. Cela signifie que les pertes d’exploitation, la dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation ne semblent pas être aussi strictement encadrés que la baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires. On relèvera également que le code précise que les difficultés économiques peuvent être caractérisées « par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés » (C. trav., art. L. 1233-3). Cette précision devrait permettre de poursuivre l’utilisation de la jurisprudence antérieure à la loi « travail » et aux ordonnances Macron.

B. Les mutations technologiques

L’article L. 1233-3 du code du travail fait état de la faculté de définir un licenciement pour motif économique dès lors qu’il est fondé sur des mutations technologiques. Aucune précision supplémentaire n’est prévue et il convient de se rapprocher de la jurisprudence. En pratique, le critère pose peu de difficultés et on admettra, au titre des mutations technologiques, l’introduction de nouvelles technologies ou d’un nouveau matériel informatique comme motif valable. En pratique, c’est souvent l’évolution de l’entreprise la conduisant à recourir à des moyens technologiques nouveaux qui entraînera la suppression de l’emploi de certains salariés ou leur transformation.

On précisera enfin qu’il est inutile pour l’employeur de chercher à caractériser des difficultés économiques : les mutations technologiques se suffisent à elles-mêmes pour fonder le licenciement.

C. La réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité

L’élément causal du licenciement pour motif économique peut être caractérisé par la réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise ou du secteur d’activité. Cet élément, qui n’était autrefois prévu que par la jurisprudence, a été intégré dans le code du travail à la suite des différents remaniements. La première définition complète a été posée par la jurisprudence dans l’arrêt « Vidéocolor » et repris par l’arrêt « TRW REPA » rendu le même jour (Cass. soc., 5 avril 1995, nos 93-42.690 et 93-43.866) avant d’être confirmé quelques années plus tard (Cass. soc., 24 octobre 2000, n° 97-43065). Ainsi, la définition qui a été reprise par le code du travail est issue de la jurisprudence qui a donné des précisions utiles permettant de déterminer comment considérer la validité du motif de réorganisation de l’entreprise ou de l’association. Il s’agit, pour la haute juridiction, de « sauvegarder la compétitivité du secteur d’activité du groupe auquel appartient l’entreprise » ou, dès lors que la structure n’appartient pas à un groupe, de sauvegarder la compétitivité du secteur d’activité de l’entreprise. C’est donc en conséquence la question du secteur d’activité qui est retenue par la Cour de cassation pour apprécier le motif économique.

Il convient de relever que la sauvegarde de la compétitivité est un motif tout à fait autonome et qu’il n’est pas nécessaire de s’appuyer notamment sur des difficultés économiques afin de justifier le licenciement. En revanche, il est tout à fait envisageable de faire reposer le licenciement sur la nécessité de réorganiser l’entreprise pour la sauvegarder mais également sur les difficultés économiques.

En pratique, ce critère est plus difficilement accepté par les juridictions car la frontière est ténue entre le motif économique visant à réellement sauvegarder l’entreprise ou l’association et la volonté d’augmenter les profits ou la marge financière.

Il est donc impératif de démontrer que la réorganisation est consécutive à des difficultés rencontrées pour la compétitivité de l’entreprise et sa sauvegarde.

En l’absence de précisions supplémentaires dans le code du travail, la jurisprudence de la Cour de cassation demeure applicable et on relèvera que les juges prennent régulièrement en compte les contraintes concurrentielles afin de justifier le motif économique.

Ceci doit interroger dans le secteur non marchand et éventuellement celui des associations qui peuvent apparaître moins soumises au risque concurrentiel et donc par conséquent à la nécessité de réorganiser la compétitivité. La notion devra donc être maniée avec prudence et on relèvera que la Cour de cassation refuse de retenir une réorganisation en vue de sauvegarder la compétitivité de la structure lorsqu’elle est consécutive par exemple à une réorganisation liée à des prescriptions de l’autorité de tutelle.

La Cour de cassation a eu l’occasion de préciser, au-delà du critère relatif au risque concurrentiel, qu’il était nécessaire d’identifier une réelle menace pour l’emploi : en pratique, il s’agit d’identifier une menace pesant sur la compétitivité de la structure qui, si l’employeur ne prend aucune décision, pourrait conduire à des difficultés économiques.

Le motif étant difficile d’appréhension, il est nécessaire de s’attacher aux pouvoirs du juge dans ce contexte. Rappelons en premier lieu que, selon la Cour de cassation, la cause économique du licenciement est appréciée à la date de rupture du contrat de travail. C’est donc à la date de la notification du licenciement que l’employeur devra démontrer l’existence du motif économique choisi et donc de la nécessité de réorganiser l’entreprise en vue d’en sauvegarder la compétitivité.

Quant au pouvoir du juge, il apparaît en définitive relativement encadré : il est nécessaire que ce dernier vérifie si les mesures de réorganisation ont bien été décidées dans le seul et unique but d’assurer la sauvegarde de la compétitivité du secteur d’activité et, d’autre part, que cette compétitivité était effectivement menacée.

Il n’appartient donc à aucun moment au juge de rechercher si l’employeur avait d’autres choix que de contrôler les possibilités qui s’offraient à lui. En pratique, la Cour de cassation refuse donc de reconnaître au juge le pouvoir de se substituer à l’employeur dans ses choix de gestion.

D. La cessation d’activité et ses spécificités

Le dernier motif économique intégré également récemment dans le code du travail est celui de la cessation d’activité. La cessation d’activité est considérée comme un motif économique dès lors qu’elle n’apparaît pas consécutive à une faute de l’employeur ou à sa légèreté blâmable. Ainsi, dans l’hypothèse où la cessation est totale, il n’appartient à aucun moment au juge de vérifier le motif de cette cessation.

A ce titre, on pourra prendre pour exemple la solution d’une association pour laquelle la cour d’appel avait pu décider d’étudier la cause de la cessation d’activité de l’employeur pour vérifier la validité du motif économique. La Cour de cassation censure la position de la cour d’appel et précise qu’il n’est pas question pour la juridiction de vérifier la cause de la cessation d’activité de l’employeur mais bien de se fonder uniquement sur le caractère réel et sérieux des motifs inhérents à la rupture du contrat de travail des salariés (Cass. soc., 1er mars 2000, n° 98-43140).

Au regard des éléments et de l’exemple précité, il apparaît que la cessation doit être complète et qu’il n’est pas question d’accepter en qualité d’élément causal du motif économique la fermeture temporaire ou la cessation partielle des activités d’une structure. On rappellera donc que la fermeture temporaire d’une entreprise ou d’une association pendant plusieurs mois ne peut en aucun cas être regardée comme une cessation d’activité au sens du code du travail.

De même, s’agissant de la cessation partielle d’activité, le critère légal pourrait être rempli.

Quid de la cessation d’activité d’une entreprise appartenant à un groupe ?

Dans le cadre du groupe, les difficultés notamment d’ordre économique doivent être appréciées au sein du secteur d’activité du groupe sur le territoire français. Ainsi, en conséquence, le critère de cessation d’activité d’une entreprise appartenant à un groupe doit suivre le même raisonnement : la fermeture ne pourra pas être opposable aux salariés licenciés si la compétitivité du secteur n’a pas été menacée. On peut toutefois persister à s’interroger dans l’hypothèse de la légèreté blâmable : devra-t-elle être appréciée au regard de l’entreprise dominante ou uniquement de l’entreprise dont l’activité cesse ? A ce titre, la Cour de cassation a soulevé la notion de « co-emploi » et retient que la responsabilité de la société mère pourra être engagée uniquement dans l’hypothèse où cette dernière aurait organisé sciemment la cessation d’activité de l’une ou de plusieurs de ses filiales. Au dernier état de la jurisprudence, la Cour de cassation connaît des difficultés à admettre la notion de « co-emploi » et semble plutôt s’attacher à une action en responsabilité délictuelle fondée sur les dispositions du code civil (Cass. soc., 24 mai 2018, n° 16-18881).

II. L’élément matériel du licenciement pour motif économique

La loi du 8 août 2016 a rappelé la condition essentielle relative à l’existence d’un élément matériel. Cet élément peut être constitué de trois manières différentes : il s’agira d’une suppression d’emploi, d’une modification ou d’une transformation d’emploi.

A ce titre, la Cour de cassation retient que l’absence de l’élément matériel conduira nécessairement à retenir que le licenciement n’est pas fondé sur un motif économique.

En pratique, la Cour de cassation vérifie qu’il y a réellement suppression de l’emploi de manière définitive. Il n’est donc pas question pour l’employeur de remplacer un salarié en contrat à durée indéterminée par un recours à des contrats à durée déterminée ou intérimaires. La Cour de cassation sera attentive notamment à la lecture du registre d’entrée et de sortie du personnel afin de vérifier que les emplois indiqués comme supprimés le sont réellement.

En revanche, la suppression de poste ne doit pas nécessairement entraîner la suppression des fonctions du salarié. Ainsi, il est tout à fait envisageable pour la structure de décider de prononcer des licenciements économiques et de répartir les tâches accomplies par le salarié licencié entre les salariés demeurant dans l’entreprise ou l’association. Ceci a été rappelé à de nombreuses reprises par la Cour de cassation (voir notamment Cass. soc., 21 juillet 1994, n° 92-44870 ; Cass. soc., 16 mars 1995, n° 94-40729).

Par ailleurs, la suppression d’emplois en cas d’externalisation est également acceptée par les juridictions.

L’élément matériel constitutif du motif économique peut également résulter de la modification du contrat de travail proposée en raison d’un motif économique. Rappelons à ce titre que la modification du contrat de travail est celle qui change un élément essentiel du contrat pour un motif non inhérent à la personne du salarié. C’est cet élément qui distingue la modification du contrat de travail dans le cadre classique de la modification décidée dans l’hypothèse du motif économique. La modification doit porter sur l’un des éléments essentiels tels qu’évoqués ci-dessus : zone géographique de travail, fonctions du salarié, rémunération, volume et principales caractéristiques des heures de travail.

Attention : La procédure inhérente à la modification du contrat de travail dans l’hypothèse du licenciement économique est différente de la procédure classique. En effet, la modification du contrat doit avoir été proposée au salarié et ce n’est qu’en cas de refus que la modification pourra être évoquée à l’appui du licenciement envisagé. La procédure est fixée par le code du travail et l’employeur a l’obligation de formuler la proposition de modification par lettre recommandée avec accusé de réception. Le salarié dispose d’un délai de 1 mois à compter de la date de réception afin de faire connaître son refus. Enfin, à défaut de réponse dans le délai de 1 mois, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée. On relèvera qu’en cas de redressement ou de liquidation judiciaires, les délais sont réduits à 15 jours (C. trav., art. L. 1222-6). Ainsi, contrairement à la procédure classique, l’absence de réponse du salarié au-delà du délai précité vaudra acceptation.

Ce n’est qu’après le délai de 1 mois que l’employeur pourra se prévaloir du refus de la modification du contrat de travail si le salarié a formulé un retour négatif.

Il est très important de relever que le délai fixé par le code du travail n’est pas un délai maximal mais bien un délai qui doit être nécessairement respecté pour valider la modification proposée et la réponse du salarié. En pratique, le délai de 1 mois est donc bien un délai impératif : le non-respect du délai de réflexion privera nécessairement le licenciement de cause réelle et sérieuse. Ainsi, en pratique, si le salarié répond avant l’expiration du délai, il n’est pas question pour l’employeur de considérer la réponse du salarié comme valable. L’entretien préalable au licenciement qui aurait lieu avant l’expiration de ce délai ne pourrait être valable et le licenciement prononcé en conséquence serait dépourvu de cause réelle et sérieuse. L’attention accordée au respect du formalisme doit être étendue aux modalités de notification de la proposition : le code du travail prévoit l’envoi de cette dernière par lettre recommandée avec accusé de réception et il n’est pas question pour l’employeur de s’en dispenser (jurisprudence constante voir notamment Cass. soc., 27 mai 2009, n° 06-46293).

L’élément matériel du licenciement économique peut enfin résulter de ce que l’on nommera une « transformation d’emploi ». En principe, la transformation d’emploi doit être distinguée de la modification du contrat de travail. En pratique, il est parfois difficile de réellement identifier des différences entre les deux éléments, car la transformation d’emploi peut conduire à une modification du contrat de travail dans la mesure où elle affectera directement les fonctions du salarié. En toute hypothèse, le motif est à manier avec précaution car la transformation d’emploi à laquelle le salarié ne peut faire face devra être suffisamment importante pour passer l’obligation d’adaptation mise à la charge de tout employeur. En effet, les juges auront la faculté de vérifier si le salarié, avec une tentative d’adaptation cohérente avec l’obligation de l’employeur, aurait pu faire face à la transformation de son emploi. Il est nécessaire de caractériser le refus du salarié de la transformation de son emploi fondé sur un élément causal de nature économique. Enfin, la transformation de l’emploi devra être appréciée au niveau de l’entreprise, comme précisé par l’article L. 1233-3 du code du travail.

III. L’obligation de reclassement

Dès lors que l’employeur est parvenu à déterminer une motivation fondée sur un motif économique intégrant un élément matériel et un élément causal, il peut procéder aux licenciements. Cependant, l’employeur est en toute hypothèse soumis à l’obligation de rechercher un reclassement pour le salarié. En effet, l’article L. 1233-4 du code du travail précise expressément cette obligation de reclassement : « Le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. »

Le code du travail vise ainsi en pratique un reclassement dénommé « reclassement interne ». Il est à noter que l’obligation de reclassement est une obligation de moyens incombant à l’employeur. Cette obligation est fortement encadrée par le code du travail, qui prévoit notamment que les offres doivent être écrites et précises : à défaut, le licenciement sera caractérisé comme dépourvu de cause réelle et sérieuse. Cette obligation est applicable quelle que soit la taille de la structure, que le licenciement intervienne dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi ou non.

Dès lors que la structure a des établissements multiples, les possibilités devront être recherchées dans l’ensemble de l’entreprise et non uniquement au sein de l’établissement où le salarié était employé. Cette obligation pose la question de la mobilité du salarié et de la modification du contrat de travail qui découlera alors nécessairement de l’acceptation de la proposition de reclassement formulée.

L’employeur ne peut se dispenser de proposer des postes dans le cadre de l’entreprise, même si les établissements sont éloignés géographiquement du lieu de travail du salarié et que ce dernier a d’ores et déjà précisé qu’il refuserait toutes modifications de son secteur géographique. Tant le code du travail que la jurisprudence rappellent que le fait que le salarié ait informé l’employeur de son refus de mobilité ne peut justifier l’absence de propositions de reclassement.

Quant aux recherches auprès d’autres structures appartenant au même groupe, l’article L. 1233-4 du code du travail modifié par l’ordonnance du 20 décembre 2017 précise la notion de « groupe », qui désigne « le groupe formé par une entreprise appelée “entreprise dominante” et les entreprises qu’elle contrôle […] ». La jurisprudence précise que l’obligation de l’employeur est réputée satisfaite lorsqu’il fournit l’ensemble des informations nécessaires aux entreprises ou aux associations du groupe afin de permettre de définir exactement si ces dernières disposent d’emplois correspondant aux capacités et aux compétences des salariés dont le licenciement est envisagé. Il s’agit donc en pratique d’adresser aux différentes structures du groupe les éléments suffisants et l’obligation ne pourra être réputée satisfaite par les envois de simples circulaires ou courriers types. La Cour de cassation a ainsi pu retenir que le caractère personnalisé des recherches était satisfait dès lors que l’employeur avait précisé le nom de chacun des salariés, leurs classifications ainsi que la nature de l’emploi occupé (voir notamment Cass. soc., 22 octobre 2014, n° 13-20403). L’envoi du curriculum vitæ des salariés pourra également permettre, en sus des caractéristiques des emplois occupés, de garantir à l’employeur la satisfaction des critères fixés précédemment.

On peut regretter l’absence de mention de délais dans le code du travail pour l’employeur qui aura adressé ces demandes à différents établissements ou aux entreprises ou associations du groupe. Dans la mesure où la jurisprudence retient l’obligation d’une recherche effective et sérieuse de reclassement, on ne pourra que conseiller à l’employeur d’attendre un retour négatif ou non des structures concernées ou, à défaut, d’adresser un nouveau courrier de relance.

A noter : Les ordonnances « Macron » ont modifié les modalités relatives aux propositions de reclassement aux salariés. Il est dorénavant possible pour l’employeur de diffuser une liste de postes disponibles : il n’est donc plus nécessaire de prévoir des offres personnalisées à adresser à chacun des salariés. Cependant, que les offres apparaissent comme personnalisées ou collectives, le critère de l’écrit ne pourra être supprimé. L’article D. 1233-2-1 du code du travail issu des ordonnances « Macron » fixe dorénavant précisément des modalités par lesquelles l’employeur adresse les offres de reclassement aux salariés.

Ainsi, les offres écrites doivent préciser l’intitulé du poste et son descriptif, le nom de l’employeur, la nature du contrat de travail, la localisation du poste, le niveau de rémunération et la classification du poste. A défaut, si l’employeur décide de procéder par diffusion d’une liste des offres de reclassement interne, cette dernière devra comprendre les postes disponibles situés sur le territoire national de l’entreprise et les autres entreprises du groupe. L’employeur devra également informer les salariés des critères permettant de départager les salariés en cas de candidatures multiples sur un même poste et les délais des salariés pour présenter les candidatures de manière écrite. A noter que le délai ne pourra être inférieur à 15 jours francs à compter de la publication de la liste, exception faite du redressement ou de la liquidation judiciaires où le délai sera ramené à 4 jours francs. Le code du travail prévoit enfin que l’absence de candidature écrite dans le délai vaudra refus des offres mentionnées au sein de la liste précitée.

IV. L’ordre des licenciements

Dès lors que l’employeur envisage de procéder à un licenciement pour motif économique, il est dans l’obligation de définir un ordre des licenciements dont les critères sont fixés par principe dans le code du travail. On retiendra à ce titre que ces critères doivent être mis en place, que le licenciement soit un licenciement individuel ou à caractère collectif (C. trav., art. L. 1233-5 et s.). Le texte légal fixe les critères qui doivent être notamment pris en compte. Cette formulation induit que l’employeur a l’obligation de prendre en considération les critères fixés par le code du travail mais aura la faculté de fixer des critères supplémentaires. Il est utile de relever que les dispositions fixées par le code du travail interviennent dans un cadre supplétif, c’est-à-dire qu’elles seront retenues uniquement en l’absence de négociation collective. Il est donc possible pour l’employeur, par un accord d’entreprise ou, à défaut, par accord de branche, de déterminer des critères différents de ceux prévus par le code du travail. Une seule limite est posée par l’article L. 1233-6 du code du travail, qui précise : « Les critères retenus par la convention et l’accord collectif de travail ou, à défaut, par la décision de l’employeur ne peuvent établir une priorité de licenciement à raison des seuls avantages à caractère viager dont bénéficie un salarié. » En cas de négociation collective, les négociateurs auront également la faculté, au-delà de la détermination des critères, de mettre en place la hiérarchie qu’ils souhaitent.

Les critères fixés par le code du travail relèvent des charges de famille, et en particulier celles des parents isolés, de l’ancienneté de service dans l’établissement ou l’entreprise, de la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile (notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés) et les qualités professionnelles appréciées par catégorie. En cas de négociation collective, par accord d’entreprise ou, à défaut, par accord de branche, l’employeur aura l’obligation d’appliquer les critères fixés dès lors qu’ils revêtent un caractère licite et ne sont pas moins favorables que les critères légaux précités. Il conviendra de prêter une attention particulière au caractère éventuellement discriminatoire des critères qui pourront être fixés : à ce titre, le critère de l’âge des salariés ne devra pas pouvoir être retenu. En revanche, un critère lié à la faculté des salariés de bénéficier d’une préretraite pourra être valablement accepté (voir notamment Cass. soc., 29 juin 2017, n° 15-21636).

Ce n’est qu’à défaut de prescriptions dans la convention ou l’accord collectif ou d’un niveau supérieur que l’employeur aura la faculté de fixer les critères d’ordre des licenciements. Dans cette hypothèse, le code du travail prévoit que ce dernier devra impérativement retenir les critères fixés par la loi a minima. Quant à la procédure, l’employeur est contraint de consulter les représentants du personnel.

A noter : Il peut être utile, voire indispensable, pour l’employeur de fixer un critère qui pourra être privilégié afin de permettre de départager les éventuels salariés qui obtiendraient un nombre de points identique en application de l’ordre des licenciements. En pratique, il s’agit d’attribuer un coefficient supérieur aux critères que l’employeur choisit de privilégier au regard des autres éléments. La seule limite à apporter sera celle du critère discriminatoire. Il n’est pas question, à titre d’exemple, de décider d’apprécier les charges de famille selon l’origine ethnique du salarié comme cela a pu être jugé par la Cour de cassation (voir Cass. soc., 8 avril 1992, n° 90-41276).

La détermination de l’ordre des licenciements devra intervenir au moment où les ruptures des contrats de travail sont décidées après les propositions de reclassement effectuées auprès des salariés.

Quid du périmètre de détermination des critères ?

Le code du travail précise que le périmètre d’application des critères d’ordre des licenciements peut être fixé par accord collectif. Ainsi, si une convention ou un accord d’entreprise ou, à défaut, de branche fixe les critères d’ordre des licenciements, le texte peut également prévoir le périmètre d’application afférent. A défaut, l’article L. 1233-5 du code du travail prévoit que « ce périmètre ne pourra être inférieur à celui de chaque zone d’emplois dans laquelle sont situés un ou plusieurs établissements de l’entreprise concernés par les suppressions d’emplois ».

Les zones d’emplois sont référencées par l’Insee et la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques aux adresses suivantes :

• www.insee.fr ;

• http://dares.travail-emploi.gouv.fr/dares-etudes-et-statistiques/.

Enfin, quant au périmètre relatif aux emplois supprimés, il conviendra de retenir une application par catégorie professionnelle. Ainsi, l’employeur aura déterminé le nombre d’emplois à supprimer dans chaque catégorie professionnelle et devra ensuite appliquer les critères à l’ensemble des établissements de l’entreprise pour déterminer le salarié soumis à la procédure de licenciement pour motif économique.

Par exception, l’employeur sera dispensé de l’établissement d’un ordre des licenciements dans l’hypothèse de la suppression de l’ensemble d’une catégorie professionnelle ou en cas de cessation définitive d’activité.

Appréciation du périmètre de la cause économique du licenciement

La question du périmètre d’appréciation de la cause économique du licenciement a généré une jurisprudence abondante pendant de nombreuses années. Afin de sécuriser le motif économique du licenciement, l’ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017(1) a précisé que les difficultés économiques, les mutations technologiques et la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise devaient s’apprécier au niveau de l’entreprise ou de l’association si cette dernière n’appartient pas à un groupe. Dans le cas contraire, dès lors que la structure appartient à un groupe, il conviendra de délimiter le secteur d’activité commun aux entreprises du groupe auquel la structure appartient et qui sont établies sur le territoire national.

Cette définition a par la suite été précisée par la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018(2). En effet, il était nécessaire de rappeler, conformément à la jurisprudence antérieure, que le périmètre d’application ne devait pas être retenu en cas de fraude. Cela pose la question de la définition du secteur d’activité. Il ne s’agit en effet pas de déterminer quelle est l’activité principale mais bien de déterminer l’activité exercée réellement par l’entreprise. Il est utile de relever que les juges peinent régulièrement à analyser et définir un secteur d’activité économique. On pourra retenir, au regard de la jurisprudence rendue au niveau communautaire que la définition pourrait porter sur celle de « marché pertinent ». La Cour de cassation a ainsi pu retenir, dans un arrêt rendu le 10 février 2010 en chambre sociale, la faculté de prendre en considération, afin de déterminer le secteur d’activité, « un faisceau d’indices relatifs à la nature des produits, à la clientèle auxquels ils s’adressaient et aux modes de distribution mis en œuvre par l’entreprise » (Cass. soc., 10 février 2010, n° 08-41109). On pourra toutefois regretter l’absence de définition plus précise fixée tant par les magistrats que par le texte du code du travail.

Notes

(1) Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

(2) Ordonnance n° 2017-1387 relative à la prévisibilité et à la sécurisation des relations de travail.

(1) Visant à compléter et mettre en cohérence les dispositions prises en application de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.

(2) Ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017.

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