Les cancers sont aussi fréquents chez ce public que dans la population générale, mais ils diffèrent par la répartition selon les organes et, surtout, sont mal connus, ce qui entraîne des difficultés de diagnostic et de prise en charge. Ils sont souvent découverts tardivement et, de ce fait, leur traitement est plus lourd, plus difficile et les chances de guérison moindres. Les difficultés sont accentuées par un manque de liens entre les équipes de soins des établissements sanitaires et les professionnels des établissements médico-sociaux.
Pour les personnes déficientes intellectuelles en institution médico-sociale et à domicile, on observe un délai de diagnostic pour le cancer du sein, du côlon et le mélanome malin supérieur à celui de la population générale. Le dépistage du cancer du sein en institution est équivalent à celui de la population générale, de l’ordre de 60 %. Le dépistage du cancer du colon est de 34 % en population générale et de 23 % en institution.
La notion de cancer n’est pas entrée dans l’esprit des professionnels du médico-social. Et quand on n’identifie pas un problème, on ne cherche pas de solutions pour le résoudre. Par ailleurs, les personnes déficientes intellectuelles ne communiquent pas leurs symptômes. Elles peuvent se mettre dans un coin sans parler ou deviennent hyperactives ou agressives à l’extrême. On met longtemps à comprendre que derrière un comportement très changé il n’y a pas une cause psychique, mais une cause physique.
Le dépistage est une chance unique de découvrir une tumeur avant qu’il soit trop tard. Les équipes éducatives ne sont ni informées ni formées aux actions médicales, ce n’est d’ailleurs pas leur boulot. Toutefois, sans leur aide, c’est très difficile. Il faudrait qu’elles soient incluses dans les dépistages car elles connaissent bien les résidents.
Les professionnels des institutions médico-sociales éprouvent un sentiment de culpabilité à la suite de diagnostics retardés de cancers chez les personnes prises en charge. Par ailleurs, ils ne possèdent pas la connaissance technique pour accompagner un résident atteint d’un cancer. Avec le soutien de la Fondation Malakoff-Médéric Handicap nous avons mené en 2016-2017 une action-recherche infirmière-institution (ARII), qui a montré les nombreuses difficultés à toutes les étapes du parcours de soins des résidents touchés par des cancers : accompagnement, prise de rendez-vous, parcours diagnostique, suivi thérapeutique et post-thérapeutique. L’agence régionale de santé Occitanie nous a ensuite accordé un financement pour mettre en place le dispositif depuis janvier. Le rôle des infirmières de liaison « Iscao » est de favoriser les connaissances des professionnels du milieu médico-social sur les cancers : dépistage, prévention, sensibilisation aux symptômes pouvant évoquer un cancer. Elles épaulent les professionnels des structures et facilitent leurs contacts avec le secteur de l’oncologie. Actuellement, le dispositif intervient dans les institutions médico-sociales de l’Hérault. Il s’étendra ensuite aux départements limitrophes (Gard, Aveyron, Tarn et Aude), avant de couvrir la totalité de la région Occitanie.
Daniel Satgé est médecin anatomo-pathologiste (diagnostic des cancers au microscope) et docteur ès sciences. Il travaille depuis 23 ans sur les cancers des déficients intellectuels.