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Une « seconde vie » pour des aides techniques

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Le réseau d’entreprises de l’économie sociale et solidaire Envie, connu pour son recyclage de matériel électroménager, a lancé en 2015 Envie Autonomie, qui propose une offre complémentaire de matériel médical. Une forte demande ayant été constatée pour ces aides techniques remises à neuf, le projet a essaimé sur tout le territoire français.

En 2012, à Angers (Maine-et-Loire), l’association CLH (Comité de liaison pour les personnes en situation de handicap) frappe à la porte du réseau d’entreprises solidaires Envie, forte d’un constat : un nombre croissant de personnes ont du mal à financer leur matériel médical (fauteuil roulant, lit médicalisé, chariot de douche…). Paradoxe : l’association récupère en parallèle du matériel non utilisé. « Cette démarche nous a touchés, se souvient Philippe Robin, directeur général d’Envie Autonomie 49. Récupérer et recycler, c’est notre culture. D’autant que, là, il s’agissait de proposer une offre de bien et de services avec du matériel financé par le système de santé, autrement dit par le citoyen. »

Aussitôt, l’entreprise désigne un porteur de projet afin d’évaluer la récupération possible de matériel médical. « Il fallait vérifier s’il y avait une quantité suffisante pour engager ce projet de manière durable. » Mais il s’agissait également de savoir si, malgré notre système de santé, un besoin d’offre complémentaire était nécessaire. En quelques mois, près de 500 aides techniques sont collectées. Non adapté, cassé ou obsolète, le matériel se trouvait mis de côté. « Tous les Ehpad ont une sorte de local de stock, observe Philippe Robin. Nous avons ensuite fait venir des ergothérapeutes pour qu’ils évaluent ce matériel. Ils sont tombés des nues, ils trouvaient ça incroyable ! » Le réseau Envie réunit alors des partenaires possibles (maison départementale des personnes âgées, conseil départemental, caisse d’assurance retraite et de la santé au travail, CPAM, directeurs d’Ehpad), avec une seule question : ce projet d’économie circulaire est-il viable ? Si les institutions se montrent sceptiques, les professionnels intervenant à domicile rejoignent le constat de CLH.

En 2014, Envie finit par conclure que la seule manière de déterminer si les besoins sont réels est de se lancer dans l’aventure. L’entreprise loue un bâtiment de 800 m2, embauche à nouveau un porteur de projet, puis un technicien en matériel médical. Plus de 1 200 aides techniques seront collectées en 2015 rien que sur le Maine-et-Loire. Avec celles-ci, le réseau parvient à équiper 270 personnes. La même année, la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie) lance un appel à projets sur le thème « économie circulaire des aides techniques ». La fédération Envie est retenue, ce qui permettra une évaluation des débuts angevins.

Trois ans plus tard, en 2018, la récolte s’élève à 3 800 aides techniques sur le département pour 670 personnes équipées. Entretemps, Envie Autonomie s’est déployé à Rennes, à Saint-Etienne, à Nancy, à Strasbourg, à La Roche-sur-Yon, à Reims et à Montbéliard. Au total, 20 sites fonctionnent ou sont en cours de développement. « Sur chaque territoire, il y a des “conférences de financeurs de l’autonomie”, explique le directeur général. Les départements qui mettent en place ces comités de pilotage choisissent les projets. Nous construisons donc l’offre avec eux. » Pour toucher le plus d’institutions et de personnes possible, le réseau a dû faire un large travail de communication. « Il a fallu convaincre les gens que cette offre conforme et solide pouvait les intéresser. » Un mécénat d’Orange a permis de mettre à disposition un ingénieur commercial. Un véritable travail de porte-à-porte s’est engagé. Malakoff Médéric a participé au financement de showrooms. Des articles de presse ont fait le reste.

Un modèle fondé sur le don

Depuis, le projet se porte bien, car les besoins sont là. Les structures, les particuliers donnent leur matériel médical. « Le modèle économique fonctionne sur le don. » Envie Autonomie répare et remet à neuf le matériel pour lui offrir une seconde vie. Surtout, l’entreprise propose une garantie de deux ans et un prix à 30 % du marché. « La plupart du temps, le matériel standard est pris en charge à 100 % par la sécurité sociale, constate Philippe Robin. Mais dès que l’on sort un peu des sentiers battus, on constate que, pour beaucoup de matériel, il y a un reste à charge conséquent. On voit des particuliers avec plus de 5 000 € de reste à charge. » Du coup, les gens abandonnent l’idée d’acquérir ce dont ils ont pourtant besoin.

D’autres difficulté ont émergé, dont celle du matériel non pris en charge : « Tout ce qui concerne la toilette, par exemple des chariots de douche. » Mais aussi une problématique de plus en plus présente : le « second matériel ». Pour un particulier qui serait amené à vivre dans deux lieux différents, un seul fauteuil est pris en charge. « Nous observons trois autres cas. D’une part, des personnes qui ont du mal à faire valoir leurs droits, par exemple à la couverture maladie universelle, à cause d’un système administratif complexe, et celles qui n’y ont pas accès. D’autre part, des “petits” Ehpad qui viennent également se fournir chez nous, pour du matériel complémentaire. Enfin, des cas où le médecin-conseil de la CPAM dit à la personne que ce serait du matériel “de confort”. » Des situations qui font d’Envie Autonomie une solution pertinente.

En tant qu’entreprise d’insertion, cette dernière a fait d’une pierre deux coups : sur ses 10 salariés angevins, 6 sont en contrat d’insertion. « Nous avons pour cela un chargé de mission, explique Nicolas Ecuyer, responsable d’activités sur le site. Il s’agit d’aider les personnes à remettre le pied à l’étrier, à les requalifier. » Pour ce faire, les salariés bénéficient d’une formation « prestataire de services et distributeur de matériels » (PSDM). « Nous faisons aussi des formations auprès de fabricants pour continuer à se former et développer des compétences », ajoute Philippe Robin.

En priorité pour les particuliers

Si les établissements viennent parfois se fournir à Envie car, selon Nicolas Ecuyer, « avec un même budget, ils peuvent acheter le double de matériel », celui-ci précise : « Les particuliers restent notre cible prioritaire. » Concrètement, les personnes contactent le site, puis un ergothérapeute évalue les besoins, règle et adapte le matériel adéquat et passe, si besoin, par l’atelier de réparation ou de maintenance. « Souvent, les gens téléphonent. On ne fait déplacer que lorsqu’on est sûr d’avoir le matériel correspondant. Trouver son fauteuil à 1 280 € au lieu de 4 500 € soulage beaucoup de monde. » Envie Autonomie fait également les réparations et la location des aides techniques. Pour sa part, le réseau vient de créer une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), composée d’un directoire avec cinq directeurs. Le but ? Que le développement au niveau national soit le plus fluide possible, pour mutualiser et couvrir d’ici trois ans une soixantaine de départements. « En Pays de la Loire, nous avons un “outil complet”. Il s’agit de penser à l’échelle régionale, de créer une structure régionale pour les cinq établissements. Ainsi, l’atelier est à Nantes, la Vendée et la Mayenne disposent, elles, d’un showroom. »

En parallèle, le réseau est en pourparlers avec l’Afnor. « Nous voulons avoir la même norme pour tous les Envie Autonomie. Une certification est gage d’une même qualité sur tous nos sites », rapporte Philippe Robin. Nous avons une exigence de qualité collective encore plus forte que sur l’électroménager. » En attendant cette certification, le projet, déjà parrainé par le ministère de la Santé, fait partie de l’initiative gouvernementale « French Impact » portée par le ministère de la Transition écologique et solidaire. Ce qui permettra à Envie Autonomie de vérifier l’efficience et les impacts de cette nouvelle économie circulaire au service de ceux qui en ont le plus besoin.

Témoignage

François, 60 ans, en fauteuil roulant après plusieurs AVC.

« Quand j’ai souhaité un fauteuil électrique pour remplacer le manuel, j’ai trouvé Envie Autonomie. L’ampleur de la structure et la richesse du choix m’ont surpris. Quant au prix, par rapport au neuf, ça n’a rien à voir. Je ne suis pas riche comme dans le film Intouchables, mais ça m’embêtait de re-solliciter les aides pour un autre fauteuil. L’avantage, à Envie, c’est aussi le temps. Passer par les circuits habituels, c’est attendre parfois un an son matériel. Là, je me suis déplacé une fois, on a fait les réglages avec l’ergothérapeute et ils sont venus me l’apporter la semaine d’après. J’ai acheté un second fauteuil, verticalisateur cette fois, toujours chez eux. Les deux fois, tout s’est bien passé. Il faut aussi penser aux gens qui n’ont pas le droit aux aides. Et puis réuti­liser un matériel qui a déjà vécu, je trouve ça très bien. »

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