La violence n’est pas « plus violente » mais il y en a de plus en plus en quantité, du fait que les ESMS [établissements sociaux et médico-sociaux] accueillent des populations davantage impactées par des pathologies sociales et identitaires, des difficultés psychosociales, que par le passé.
Tous les établissements, mais en particulier ceux qui accueillent des jeunes, car ils présentent ces mêmes pathologies de l’identité, de la socialité.
Il y a de la violence qui est d’une autre nature car liée à des troubles neurologiques. Mais il n’y a pas de violence gratuite. Toute violence est l’expression d’une pathologie, neurologique dans les Ehpad ou psychosociale dans les autres établissements.
Les établissements médico-sociaux se préoccupent actuellement davantage des effets de la violence que des causes. Prendre en compte la violence suppose d’aller à la recherche des causes, à chaque fois, individuellement. C’est ce qui s’appelle « faire de la clinique ». Cette démarche clinique et psychopathologique est moins prise en compte maintenant car les directions des établissements sont dans une logique de gestionnaires et les ESMS ne se préoccupent plus des soins et des prises en charge liées à la souffrance et aux difficultés des résidents.
A la suite de la loi de 2002, l’usager est devenu roi et on s’est interdit de punir ou de soigner. L’usager est le seul déterminant de sa prise en charge, les établissements sont devenus des centres de loisirs et les professionnels, des gentils animateurs. Les institutions ne sont pas maltraitantes, elles sont non traitantes. Or il ne faut pas oublier la mission – multiple – des ESMS, à la fois éducative, pédagogique, d’animation et thérapeutique. L’augmentation des actes de violence des usagers est une des conséquences de cet abandon. Il faut renouer avec cet impératif, cette mission des ESMS et retrouver l’articulation entre ces deux dimensions. Les professionnels aspirent à ce que l’on reconnaisse leurs compétences éducatives.
Cette méthodologie consiste à identifier les causes des actes de violence et à les traiter en fonction de leur dynamique et de leur origine. La thèse que je défends est que, dans toute violence, il y a une double dimension. Une dimension de délit, qui nécessite une réflexion sur la sanction, et une dimension pathologique, qu’il faut aborder sous un angle thérapeutique.
Prenons le cas d’un résident dans un foyer d’accueil médicalisé qui était sujet à des explosions de violence plurihebdomadaires. Certes, il y a un aspect pathologique, qui a nécessité un suivi psychologique, mais ses actes étaient délictueux, donc il devait être puni. Ce jeune homme souffrait de carences affectives, symboliques, mais également de carences éducatives, c’est-à-dire les limites, le possible et l’impossible. La prise en charge en termes de sanctions lui a permis d’intégrer que ses actes étaient répréhensibles et qu’il pouvait en assurer les conséquences, et il a progressé dans la socialisation. Cette double prise en charge a permis de faire chuter ses accès de violence à un ou deux par an.
Michel Brioul est psychologue clinicien et psychothérapeute. Il a exercé dans plusieurs établissements dans le champ du handicap. Il est aujourd’hui formateur.
(1) Comprendre et gérer la violence en institution médico-sociale. De la souffrance aux coups – Michel Brioul – ESF Editeur, 2e éd. 2019.