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Pôles inclusifs : l’accompagnement individualisé en péril ?

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Inscrite dans le projet de loi « Blanquer », la création des pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial) est perçue par les associations de parents d’enfants handicapés et les représentants des accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) comme un outil d’austérité au détriment de la qualité de l’accompagnement des élèves en situation de handicap.

Le Sénat a adopté, le 21 mai, en première lecture le projet de loi « pour une école de la confiance ». Lors des débats en séance publique, le 15 mai, sur le volet « école inclusive », Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education nationale et de la Jeunesse, a tenté de calmer les inquiétudes relatives à la généralisation des Pôles inclusifs d’accompagnement localisé (Pial). Inscrits dans l’article 5 quinquies du projet de loi, les Pial ont « pour objet principal la coordination des moyens d’accompagnement humain au sein des écoles et établissements » et « visent à mieux prendre en compte les besoins éducatifs particuliers de l’élève en situation de handicap en vue du développement de son autonomie ». Le gouvernement prévoit de mettre en place 2 000 Pial dès la rentrée 2019, « en priorité dans les collèges avec unités localisées pour l’inclusion scolaire ».

« Conditions contestables »

Expérimentés dans plusieurs départements depuis la rentrée 2018, la généralisation des Pial fait grincer des dents alors que leur efficacité et leur pertinence n’ont pas encore été évaluées. « L’expérimentation apparaît a posteriori comme une préfiguration », critique le Syndicat national des enseignements de second degré. Lors de leurs auditions devant la Commission d’enquête sur l’inclusion des élèves handicapés, les associations de parents d’enfants en situation de handicap, des syndicats d’enseignants, des collectifs d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) et même le défenseur des droits ont fait, tour à tour, entendre leurs craintes. « Il me paraît assez baroque d’envisager la généralisation par la loi d’un dispositif qui n’a commencé à être expérimenté dans les académies que depuis septembre 2018 ; de plus, nous n’avons pas le début du commencement d’une évaluation de sa mise en œuvre. La loi en cours d’examen va donc prévoir une généralisation dans des conditions assez contestables », a critiqué Ali Rabeh, directeur de cabinet du président de la Fédération des associations pour adultes et jeunes handicapés (Apajh).

Les sceptiques voient dans la logique de mutualisation des Pial un moyen de rationaliser le temps de travail des AESH plutôt que d’améliorer leur situation ou celle des élèves. « Nous nous interrogeons sur les dérives de ce dispositif qui, selon nous, repose avant tout sur une logique budgétaire et remet en cause l’évaluation des besoins de compensation. Les premiers documents que nous avons pu obtenir sur cette expérimentation indiquent la volonté de réduire les notifications d’aides humaines individualisées pour généraliser l’aide mutualisée », a mis en garde Caroline Coutant, vice-présidente de l’association Info Droit Handicap.

En commission, le Sénat avait introduit plusieurs amendements pour mieux cadrer les Pial et « assouplir » le recours à l’aide mutualisée. Ces modifications ont été approuvées en séance publique. L’article 5 quinquies prévoit que le retour à une aide individuelle sera possible à « chaque instant de la scolarité ». Concrètement, les familles pourront saisir la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) « en urgence » si l’accompagnement mutualisé ne donne pas satisfaction. Il est également prévu de faire des Pial « des lieux d’interface avec les professionnels de santé et le secteur médico-social ». Enfin, le recrutement conjoint d’AESH par l’Etat et les collectivités territoriales est autorisé afin de favoriser la conclusion de contrats à temps plein ainsi que la continuité de l’accompagnement en dehors du temps scolaire.

« Nous voulons sortir d’un système uniforme, vertical, qui a montré ses limites, pour construire un système de terrain, au service des élèves. Tous les soupçons relatifs à notre prétendue volonté d’économiser des postes sont évidemment à écarter. Nous créons, à la rentrée prochaine, autour de 3 500 postes d’AESH. Je parle de création nette, sans même évoquer les postes de substitution aux contrats aidés. Notre but n’est donc pas de faire des économies ; il est que les moyens que nous déployons soient réellement utiles aux élèves », a assuré le ministre de l’Education, devant les sénateurs.

Mobilisation des AESH

Des arguments qui n’ont pas convaincu les AESH qui ont manifesté, le 15 mai, à l’appel d’une intersyndicale, devant le Sénat à Paris, et devant les rectorats et préfectures dans les régions pour demander notamment le retrait de ce dispositif. Alors qu’ils réclament une revalorisation des salaires, un véritable statut de la fonction publique et une formation professionnelle sur leur temps de travail, les AESH redoutent que la création des Pial n’engendre une dégradation de leurs conditions de travail – avec des employeurs multiples, et une multiplication du nombre d’élèves suivis sur des lieux différents – et de la qualité de l’accompagnement des élèves handicapés. « Les AESH pourront accompagner un enfant en élémentaire de 8 h à 10 h puis un autre dans le collège à côté de 10 h à 12 h, puis encore un autre au lycée l’après-midi, critique la fédération Sud Education. L’administration ne tient pas compte du lien éducatif et pédagogique qui se construit avec l’élève, empêchant le suivi sur du long terme : c’est du saupoudrage d’accompagnement que nous promet le ministère ! »

Se définissant comme « le maillon fondamental de l’inclusion scolaire des élèves handicapés », les AESH ont poursuivi leur mobilisation contre ce projet de loi et les dispositions concernant l’école inclusive lors d’une grève nationale le 23 mai. « Nous sommes payés des salaires de misère (par exemple 843 € pour 28 heures hebdomadaires ; la grande majorité d’entre nous est à temps partiel imposé et vit sous le seuil de pauvreté), nous n’avons pas de statut stable, pas de formation adaptée, nous ne sommes pas inclus dans la communauté éducative et pédagogique. Nos collègues en contrat de droit privé (PEC CUI) se voient menacés de ne pas être renouvelés. Avec les projets de pôle de regroupement des AESH et le multi-employeur, le gouvernement prévoit de renforcer notre précarité », condamne la Fédération des travailleurs de l’Education de la CNT. Dans un communiqué en date du 24 mai, le collectif AESH national CGT Educ’Action dénonce « une inclusion au rabais » et « l’attitude méprisante » du ministre de l’Education pour leurs revendications.

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