La Fnaafp-csp attendait Adrien Taquet, le 23 mai dernier, pour l’ouverture de sa rencontre nationale annuelle organisée à Paris. Mais finalement, le secrétaire d’Etat chargé de la protection de l’enfance n’est pas venu. Pourtant, les membres de cette Fédération nationale de l’aide à domicile avaient des choses à lui dire au sujet notamment des techniciens de l’intervention sociale et familiale (TISF), mais pas seulement.
Qu’à cela ne tienne, malgré son absence et la déception qui en découle, Stéphane Landreau, le secrétaire général de la Fédération de l’aide à domicile (Fnaafp-CSP), a rappelé le rôle important de ce secteur en revendiquant « être des acteurs du lien social ». Il a également rappelé les enjeux qui se jouent, depuis des années d’ailleurs, ceux de la reconnaissance des métiers à domicile : « Si ce ne sont que des mots pour les politiques, pour nous, cela passe par une revalorisation salariale de ces métiers. Ce n’est pas possible de rester dans cette situation où on impose des temps partiels, des rémunérations qui sont à 700 € ou 800 €. » Et de préciser : « Ce combat est lié à la tarification horaire de l’aide à domicile qui minute les interventions, c’est maltraitant pour les usagers et les professionnels. Nous sommes des acteurs du lien social, nous sommes des travailleurs sociaux, mais nous sommes les seuls à être rémunérés à l’heure », assène-t-il.
Parmi ces travailleurs sociaux du secteur du domicile, les techniciens de l’intervention sociale et familiale exercent, dans les services d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad) Famille, des missions dans le cadre de la protection de l’enfance – pour le réseau de la Fnaafp/CSP, cela représente la moitié de leurs interventions. Une expertise d’ailleurs reconnue notamment par le fait que cette fédération nationale de l’aide à domicile a intégré un des six groupes de travail de la concertation sur la protection de l’enfance, lancée le 27 mars dernier par Adrien Taquet.
Ces TISF interviennent au domicile des parents à la demande de l’aide sociale à l’enfance (ASE), donc des départements, pour les soutenir dans leur rôle parental alors que leur enfant bénéficie d’une mesure de protection, administrative ou judiciaire. Néanmoins l’intégration des Saad Famille dans les dispositifs de protection de l’enfance n’est pas la règle. « Souvent, l’action de l’aide sociale à l’enfance se centralise uniquement sur l’enfant sans se soucier de son entourage, c’est-à-dire sa famille, alors que celle-ci a certainement besoin d’un soutien à la parentalité, argumente Jean-Laurent Clochard, responsable du pôle « famille » de la Fnaafp-CSP. « Ce qui est d’autant plus choquant, c’est le fait que certains départements demandent que les familles paient une participation financière alors même que l’intervention des TISF se fait dans le cadre de l’ASE et qu’elles n’ont pas le choix », ajoute-t-il.
L’implication des techniciens de l’intervention sociale et familiale dans les dispositifs de la protection de l’enfance reste très hétérogène. Durant ce colloque, des exemples ont été donnés de partenariats intéressants qui ont été mis en place. Ainsi dans le Calvados, un dispositif spécifique a vu le jour dernièrement. Les TISF interviennent auprès des assistants familiaux qui accueillent des enfants avec de gros troubles du comportement pour éviter les multiples ruptures de placement. Une à deux fois par semaine, l’enfant est géré par la TISF, l’assistante familiale pouvant ainsi s’occuper des autres enfants accueillis. Delphine Brosse, responsable de secteur à l’Aafp/csp à Hérouville-Saint-Claire dans le Calvados, est également revenue sur l’intégration des TISF dans les placements éducatifs à domicile (PEAD) : « Les délais de mise en place étant très longs, on intervient le temps de son installation. Il y a quelques mois encore, notre intervention prenait fin dès l’effectivité du PEAD, ce n’est plus le cas, à présent. A la demande des services de PEAD, on poursuit notre action auprès de la famille, de manière moins soutenue certes, mais en complémentarité avec les acteurs de la protection de l’enfance. Cela évite ainsi une rupture de prise en charge et cela aide aussi les services de PEAD à entamer le travail avec l’enfant et la famille plus rapidement. » Un partenariat qui tend à se développer dans le Calvados.
Véronique Veyre, directrice-adjointe d’ADF 38, témoigne, elle, du fait que dans l’Isère, les Saad Famille sont pleinement reconnus comme acteurs en matière de prévention et protection de l’enfance. Ils participent ainsi à la rédaction du plan départemental d’aide aux familles et ont intégré Réseau 38, qui regroupe tous les acteurs de la protection de l’enfance. « Dans notre département, la question ne se pose plus, les TISF sont considérés comme des travailleurs sociaux et sont ainsi impliqués dès la signature du projet pour l’enfant. »
Le Calvados et l’Isère ont ainsi déployé des partenariats qui leur permettent d’être des acteurs identifiés de la protection de l’enfance. Mais il n’y a pas un modèle type, la responsabilité départementale de l’aide sociale à l’enfance expliquant cette situation. Lors de cette présentation, la différence entre ces deux départements s’est cristallisée sur le financement de la « visite médiatisée » ou « visite en présence d’un tiers ». Delphine Brosse regrette ainsi que le financement se limite à l’heure de visite sans valoriser le temps préparatoire et post-visite pour l’enfant. Une problématique qui n’est plus d’actualité dans l’Isère, car le financement prend en compte ces temps indispensables pour permettre un bon accueil et un après-visite satisfaisant pour l’enfant.
Les techniciens de l’intervention sociale et familiale œuvrent ainsi pour permettre aux parents de bien intégrer leurs missions parentales, mais ceux-ci ont également un rôle d’observation du lien parent/enfant notamment en matière de périnatalité. Une spécificité qui est reconnue notamment à travers leur rôle dans le programme d’accompagnement au retour à domicile des femmes ayant accouché (Prado). Néanmoins, dans ce cadre, si l’intervention des sages-femmes est totalement prise en charge, ce n’est pas le cas des TISF. Une participation des familles est demandée, un élément qui constitue un frein à son développement. La Fnaafp-CSP milite pour une prise en charge totale par la Caisse nationale des allocations familiales à travers notamment la création d’une prestation légale « périnatalité » universelle. Cette proposition repose sur un fait : 80 000 femmes sont touchées chaque année par la dépression du post-partum. Cette prestation permettrait l’intervention durant 20 heures d’un TISF au domicile de chaque femme sortant de maternité, si elle le souhaite. Selon les estimations de cette fédération nationale d’aide à domicile, le coût annuel serait de 560 millions d’euros si les 800 000 femmes qui accouchent acceptent cette prestation. Un coût certes important mais qui peut faire faire de grandes économies à moyen et long termes selon Jean-Laurent Clochard : « Avec cet investissement sur la prévention primaire, la société n’aura pas à soigner des adolescents ou des jeunes adultes qui ont été confrontés à la dépression post-partum de leur mère. » Et d’argumenter : « On constate que les problèmes psychologiques d’enfants sont dus notamment à des problèmes de dysfonctionnement du lien mère-nourrisson. »
Une proposition que la Fnaafp/CSP pourra certainement présenter et défendre lors de son futur entretien avec Adrien Taquet. Le secrétaire d’Etat chargé de la protection de l’enfance – qui devait assister à la rencontre annuelle de l’association nationale de l’aide à domicile le 23 mai mais qui s’est désisté – s’étant engagé néanmoins à les rencontrer pour compenser ce rendez-vous manqué.
Cette alliance regroupera des partenaires du champ social et de la santé. Elle aura pour objectif de convaincre les pouvoirs publics de l’urgence de consacrer d’importants moyens à la psychiatrie anté et post-natale, dans laquelle s’inscrivent les services d’aide à domicile spécialisés en périnatalité. Les membres fondateurs et associés de cette alliance sont les suivants : la Société Marcé Francophone, Waimh francophone, Maman blues, Fnaafp, Unafam, Fnapsy et Cngof.