Accès effectif au système de santé, à une alimentation de qualité, à un logement adéquat et abordable, aux droits sociaux, dignité des personnes sans abri, inclusion des personnes en situation de handicap, non-discrimination des personnes rom, droits de l’enfant, politique d’accueil des migrants… L’Europe sociale a encore du pain sur la planche. Après un manifeste en février dernier, une quarantaine d’associations de solidarités regroupées au sein du collectif #PourUneEuropeSolidaire a diffusé, lors d’une soirée le 15 mai, un plaidoyer contenant 25 propositions pour « faire progresser la solidarité en Europe ». Alors que les élections européennes se dérouleront le 26 mai en France, le collectif appelle « toutes les institutions européennes, et en particulier les futurs eurodéputés, à s’engager plus fortement et plus concrètement pour les droits et le bien-être des citoyens ».
En introduction de cette soirée, Louis Gallois, président de la Fédération des acteurs de la solidarité, a souligné : « Beaucoup de décisions qui concernent la lutte contre l’exclusion ou la pauvreté, l’accueil des migrants sont prises au niveau européen. L’Europe est un continent riche, c’est même la zone du monde la plus riche, et elle comporte 75 millions de pauvres, soit 15 % de la population de l’Europe. C’est une situation totalement inacceptable. Le débat que nous avons en France est à la puissance 2 ou 3 au niveau européen. 16 millions de personnes dépendent du Fond européen d’aide aux plus démunis, le nombre des sans-abri progresse dans tous les pays d’Europe. La manière dont sont traités les migrants se dégrade constamment et est devenue une honte européenne. Face à cette situation, les associations veulent montrer qu’il y a des réponses européennes possibles ».
L’Europe sociale, un mythe ou une réalité ? En novembre 2017, lors du Sommet social de Göteborg (Suède), les membres de l’Union ont adopté à l’unanimité un « socle européen des droits sociaux ». Ce socle comporte une liste de 20 recommandations en matière de droits sociaux, réparties en trois chapitres : égalité des chances et accès au marché du travail ; conditions de travail équitables ; protection sociale et inclusion sociale. Toutefois, ce texte est juridiquement non contraignant et les politiques de protection sociale sont essentiellement du ressort des compétences des Etats membres. Selon le collectif #PourUneEuropeSolidaire, il est nécessaire de transformer ces principes en droits effectifs. « Le socle européen des droits sociaux reprend nombre d’objectifs que l’Europe s’était déjà assignés sans y parvenir jusqu’ici. Les droits n’existent que s’ils sont effectifs, s’ils sont ouverts à toutes et tous sans discrimination, s’ils sont traduits en actes et en politiques volontaristes et que des sanctions sont prévues s’ils ne sont pas respectés », a insisté Malik Salemkour, président de la Ligue des droits de l’Homme. Le plaidoyer demande donc que l’Union européenne adopte « des propositions législatives concrètes » pour « donner corps » aux principes proclamés par le socle européen des droits sociaux, « notamment en intégrant le suivi de son application au Semestre européen [cycle de coordination des politiques économiques et budgétaires au sein de l’Union européenne, NDLR] et en mettant en place une feuille de route pour la mise en application de ses principes ».
Depuis la crise financière de 2008, la situation sociale des populations les plus fragiles au sein des Etats membres de l’Union s’est fortement dégradée. La stratégie « Europe 2020 », dont l’un des cinq objectifs clés était de réduire de 20 millions le nombre de personnes menacées de pauvreté, a échoué. Selon les estimations de la Feantsa (Fédération européenne des associations nationales travaillant avec les sans-abri) et de la Fondation Abbé-Pierre, chaque nuit, au moins 700 000 personnes dorment dans la rue, dans un logement d’urgence ou temporaire, dans l’ensemble des pays de l’Union européenne. Ce chiffre a augmenté de 70 % en dix ans. « La situation s’aggrave. Parmi les ménages pauvres, 25 % habitent dans des logements surpeuplés et 40 % sont confrontés à un taux d’effort excessif pour se loger. La Finlande est le seul pays européen où le nombre de personnes sans abri diminue », a souligné Ruth Owen, coordinatrice politique de la Feantsa.
Fortes de ce constat, les associations attendent des institutions européennes « une stratégie intégrée pour éradiquer le sans-abrisme » qui permette de soutenir, « par le biais des fonds structurels et des financements européens », les programmes nationaux. « Ces financements ne doivent pas se substituer mais renforcer les investissements des Etats en la matière, lesquels sont aujourd’hui insuffisants », insistent-elles. Alors qu’Elke Vandermeeschen, directrice de la communication de l’EAPN, réseau européen de lutte contre la pauvreté, a rappelé que « 113 millions de citoyens européens sont en risque augmenté de pauvreté, soit 22,5 % de la population », les associations réclament dans leur plaidoyer l’élaboration d’une directive-cadre instituant « un salaire minimum, un revenu minimum et une garantie chômage européens obligatoires, ajustés au coût de la vie de chaque Etat membre ».
Une mobilisation politique et budgétaire en faveur de l’inclusion sociale nécessite des financements. « La prochaine stratégie politique de l’Union doit être dotée de moyens budgétaires à même de changer la donne en matière de lutte contre la pauvreté, tant par des apports nationaux que communautaires. Or, dans le cadre du prochain budget européen pluriannuel 2021-2027, il n’est même pas garanti que les fonds dédiés à la lutte contre la pauvreté soient maintenus », alerte le plaidoyer. « Pour investir de manière massive sur les questions d’inclusion sociale et de transition écologique, il faut lutter contre tout ce qui concourt à l’affaiblissement des recettes fiscales des Etats, donc lutter contre l’évasion fiscale et l’optimisation fiscale au niveau européen », a insisté Laurent Seux, délégué auprès du secrétaire général du Secours catholique-Caritas France. Le collectif #PourUneEuropeSolidaire réclame également un cadre juridique européen visant à reconnaître le modèle non lucratif des associations, une simplification de l’accès aux fonds européens pour les associations et l’adaptation du droit communautaire aux spécificités des services sociaux d’intérêt général.