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Une histoire de con

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Tu t’appelles Damien. Tu es jeune, tu es grand, tu es fort. Je m’appelle Florine, je suis un peu moins jeune, pas très grande et pas très forte.

Et pourtant, nous avons plein de points communs.

Le matin, faut pas me parler tant que je n’ai pas bu mon café. Comme toi. J’ai une trouille viscérale des araignées. Comme toi. Ma pizza préférée c’est la quatre fromages. Comme toi. Quand je suis seule en voiture, j’écoute la musique très fort. Comme toi. Je dors en étoile de mer et je prends toute la place dans le lit. Comme toi. Je connais par cœur toutes les répliques de La cité de la peur. Comme toi.

Le soir, quand je rentre chez moi, j’aime enlacer la femme que j’aime. Comme toi.

Je pourrais continuer ainsi pendant des pages et des pages. Je pourrais aussi te raconter ce qui nous sépare.

Toi, dans la rue, tu marches sans te retourner. Pas moi. Toi, quand tu es avec ta copine, tu lui tiens la main. Pas moi. Toi, à l’hôtel, tu demandes une chambre avec un grand lit et personne ne te fait de réflexion à ce sujet. Pas moi. Toi, tu parles librement de ta vie privée à tes collègues. Pas moi.

Toi, tu sors avec tes amis le soir et tu n’as pas peur. Pas moi.

Tu vois, Damien, on se ressemble, mais pas tant que ça. Toi, tu es LGBTphobe. Moi, je suis lesbienne. En fait, Damien, tu ressembles aux autres.

Tu ressembles à celui qui m’a humiliée à la boulangerie. Tu ressembles à celui qui nous a insultées au restaurant. Tu ressembles à ceux qui m’ont frappée en bas de chez moi. Des hommes, très souvent. Jeunes, grands, forts. Alcoolisés parfois. Sûrs d’eux, toujours. Des hommes en meute. Des meutes qui chassent, qui insultent, qui humilient, qui frappent. Des meutes haineuses. Des hommes LGBTphobes. Des femmes aussi.

Pourtant, Damien, tu n’as aucune raison de me détester. Je ne t’ai rien volé. Je ne t’ai pas piqué la dernière place de parking en face du cinéma. Je n’ai pas eu l’appartement que tu convoitais. Je n’ai pas obtenu de promotion à ta place. Non, vraiment, je ne t’ai rien fait de mal. Je me contente d’aimer une femme qui, de toute façon, ne t’aurait pas aimé. Ma femme n’aime pas les cons. Je sais, vu les circonstances, ça peut prêter à confusion.

Tu emploies à mon égard des mots tels que « broute-minou », « gouine », « camionneuse », « butch », « goudou », « gouinasse »… Au vu des sobriquets dont tu m’affubles, tu sembles très intéressé par ce que je fais de ma vie et de mon corps. Mais dis-moi, Damien, en quoi ça te regarde ? Est-ce que je te demande, moi, si tu préfères les blondes ou les brunes ? Les slips ou les caleçons ? Le missionnaire ou la levrette ?

Tu parles d’un lobby LGBT. Mais quel lobby, Damien ? Le lobby des gens qui ont peur ? Le lobby de celles et ceux qui subissent harcèlement, discriminations, humiliations et agressions ? C’est ça notre fameux lobby ? Tu parles d’une chance !

Tu sais quoi, Damien ? Tu me fatigues. J’en ai assez de ta haine, de tes insultes, de ta violence. J’en ai assez de tes discours stigmatisants sur ce que je suis censée être ou ne pas être. J’en ai assez d’avoir peur.

Parce qu’au fond, le problème n’est pas de savoir qui aime qui ou qui couche avec qui. Le vrai problème, Damien, c’est que ce soit un problème pour toi.

La minute de Flo

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