Recevoir la newsletter

Les mesures se font toujours attendre

Article réservé aux abonnés

Image

Les mesures se font toujours attendre

Crédit photo Sarah Bos
Coups, jets de pierre, insultes, menaces… Les actes homophobes augmentent cette année encore, comme le soulignent deux rapports parus à quelques jours de la Journée mondiale de lutte contre l’homophobie.

Les rapports de sos homophobie se suivent et se ressemblent. Pour la troisième année consécutive, l’association, qui publie depuis 1997 un état des lieux des violences contre les personnes LGBT, enregistre une augmentation des signalements d’actes haineux. Pour l’année 2018 – qualifiée dans leur rapport annuel d’« année noire »  –, elle a reçu 1 905 témoignages d’actes LGBTphobes (qui vont des discriminations aux insultes et aux agressions). Il s’agit d’une augmentation de 15 % par rapport à 2017, après des augmentations de 4,8 % par rapport à 2016 et de 19,5 % par rapport à 2015. L’an dernier, 231 agressions physiques (coups et blessures, principalement) ont été signalées, soit une augmentation de 66 % par rapport à 2017. Au dernier trimestre de 2018, une agression physique par jour, en moyenne, a été signalée à SOS homophobie. Les actes lesbophobes rapportés ont augmenté de 42 %, passant à 365 actes, tandis que les actes gayphobes ont progressé de 10 % par rapport à 2017. La biphobie, quant à elle, représente 8 % des cas recueillis en 2018, et la transphobie 13 %.

Une libération de la parole

« Il est difficile de dire qu’il y a eu plus d’actes dans la mesure où on ne détient pas toutes les informations, nuance Véronique Godet, coprésidente de l’association. L’augmentation des témoignages vient plutôt de la prise de conscience que le droit autorise les personnes à être ce qu’elles sont. On n’accepte plus d’être maltraité, d’être discriminé et on donne à voir les conséquences des agressions dont on est victime. La visibilité de la victime est très importante car elle permet à d’autres personnes de témoigner. Je pense que les lois contre la discrimination, celle de 2013 [ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe] et celle de 2016 [facilitant le changement d’état civil pour les personnes transgenres] ont donné une légitimité à la parole des personnes LGBT. L’augmentation de 42 % de témoignages d’actes lesbophobes illustre cette prise de conscience : la vague “metoo” a permis aux femmes de bénéficier de la libération de la parole. »

Dans le détail, le rejet et l’ignorance sont les formes les plus dénoncées (62 %). Les personnes bi et trans en sont particulièrement la cible : 92 % des personnes bi et 85 % des personnes trans ont signalé en avoir été victimes. Comme en 2017, des insultes sont proférées dans 51 % des faits évoqués, en particulier dans le voisinage (89 %) et les lieux publics (80 %). Des discriminations et harcèlements sont dénoncés dans respectivement 38 % et 20 % des cas. Les faits relevant du harcèlement sont particulièrement présents dans les milieux scolaire et professionnel (44 % et 42 %). Quant aux agressions physiques, elles ont principalement été signalées dans les lieux publics (rues, jardins publics, transports en commun) pour 35 % des cas. Parmi les agressions physiques signalées, 15 % ont lieu dans le voisinage. L’an passé, 23 % des cas enregistrés par l’association font état de LGBTphobies sur Internet. Cela fait plusieurs années que le Web, notamment les réseaux sociaux, demeure le principal contexte des actes de LGBTphobie. Viennent ensuite les lieux publics (13 %), le travail (11 %), la famille (10 %), le voisinage (9 %), les commerces (6 %) et le milieu scolaire (5 %). « Il convient de souligner la moindre part des manifestations d’homophobie et de transphobie dans le milieu scolaire, en recul de deux points par rapport à 2017 », notent les auteurs du rapport.

Parmi les victimes qui ont signalé une agression à SOS homophobie, 73 % sont des hommes et 19 % des femmes. La première manifestation de la haine lesbophobe est le rejet (78 % des cas de lesbophobie signalés), puis viennent la discrimination (50 %) et les insultes (39 %). Les lesbiennes sont particulièrement la cible d’hommes, seuls ou en groupe, qui non seulement tiennent des propos injurieux mais leur font aussi des avances sexuelles : sifflements, propositions, attouchements, agressions, menaces de viol.

Un climat de peur et d’insécurité décrit également par l’enquête Ifop réalisée pour la Fondation Jasmin-Roy – Sophie-Desmarais, en partenariat avec la Fondation Jean-Jaurès et la Dilcrah, et publiée le 10 mai. Ainsi, deux tiers des LGBT interrogés ont déclaré avoir déjà évité de tenir la main (62 %) ou d’embrasser (63 %) un partenaire de même sexe en public de peur de se faire agresser. Environ un tiers des LGBT ont déjà évité de se rendre dans certaines zones (37 %, soit + 3 points depuis 2018), de rentrer seuls à leur domicile (33 %) ou de porter une tenue susceptible de révéler leurs préférences sexuelles (28 %, soit + 4 points). Et 16 % des LGBT souhaitent changer de ville de résidence en raison du climat homophobe qui y règne.

Un impact également psychologique

Cette étude met aussi en lumière l’impact d’une agression sur leur santé psychologique. 60 % des LGBT victimes d’une agression physique dans l’année admettent avoir pensé à se suicider au cours des douze derniers mois, soit trois fois plus que chez celles ou ceux n’ayant jamais été agressés (18 %), et douze fois plus que parmi l’ensemble des Français (4,7 %). 39 % des LGBT ayant déjà fait l’objet d’une forme de discrimination ont déjà fait une tentative de suicide dans leur vie, soit une proportion beaucoup plus forte que les moyennes observées dans l’ensemble des populations LGBT (24 %) ou au sein de la population générale (7,2 %).

« On note que les personnes transgressant le plus les normes corporelles assignées à leur genre (par exemple, des hommes au style “féminin” selon les stéréotypes de genre) sont systématiquement plus exposées aux risques d’agression ou de discrimination, signe que les mécaniques de l’homophobie sont inséparables des injonctions sociales à se plier aux normes de genre », explique François Kraus, directeur du pôle « genre, sexualités et santé sexuelle » de l’Ifop.

Face à de telles situations, la réponse gouvernementale se fait encore attendre. Au lendemain du rassemblement parisien organisé le 30 octobre 2018 en réponse à la série d’agressions subies par des membres de la communauté LGBT – et notamment au meurtre de Vanessa Campos, prostituée transgenre –, des mesures avaient été annoncées : la possibilité de déposer une plainte en ligne (et non plus simplement une préplainte), l’amélioration de la formation des magistrats, des forces de police et du personnel pénitentiaire, le développement du référé civil et des ordonnances pénales, une campagne de sensibilisation contre les LGBTphobies dans les écoles. Parmi ces mesures, seule la dernière a été mise en œuvre. Une circulaire adressée aux parquets rappelant l’arsenal législatif et pénal sur la question appelle à une mobilisation accrue des pôles antidiscrimination contre les LGBTphobies. Des référents luttant contre la haine anti-LGBT sont annoncés dans toutes les brigades de gendarmerie et les commissariats de police, et devraient être formés à l’accueil des victimes d’actes de haine. « Des mesures d’urgence appliquées de façon très ponctuelle, voire marginale », résume Véronique Godet, qui dénonce un manque de volonté politique.

La coprésidente de SOS homophobie poursuit : « Le ministre de l’Education nationale s’est engagé, il y a eu un séminaire pour former les cadres du rectorat, mais il faut que cette formation soit déclinée à l’échelle du territoire, et c’est à mon sens plutôt le personnel d’accueil, de proximité qu’il faut former en priorité. Il va falloir attendre des mois avant que cela n’arrive. On dénonce par ailleurs l’utilisation du terme “urgence”. Le temps politique n’est manifestement pas celui des victimes. »

L’association mise avant tout sur la prévention et préconise la mise en place d’une grande campagne nationale pour rendre les personnes LGBT plus visibles. « On le fait en ce moment pour le sport, dans les terrains de football, c’est une expérience novatrice, estime-t-elle. Il faudrait un plan global, et que l’histoire des LGBTphobies soit enseignée à l’école, qu’il y ait une plus grande visibilité des familles plurielles dans les manuels scolaires, que les familles homoparentales soient bien accueillies dans les établissements – sans parler de la procréation médicalement assistée, qu’on attend toujours… Il faut que les personnes LGBT soient présentées comme des citoyens à part entière. Se tenir la main pour une personne bi ou gay ne devrait plus être vu comme un acte militant, mais de tendresse, comme pour n’importe quel couple. »

Source : SOS Homophobie

Focus

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur