« Le système de santé français est trop généreux et favorise l’arrivée sur le territoire d’étrangers venus pour bénéficier de soins de meilleure qualité et être mieux pris en charge financièrement que dans leurs pays d’origine. » Très répandue et régulièrement reprise par certains politiques ou éditorialistes, cette affirmation est… fausse. C’est ce que démontre, entre autres, le rapport du défenseur des droits « Personnes malades étrangères : des droits fragilisés, des protections à renforcer », publié le 13 mai. Plus précisément, selon cette enquête qui complète celle effectuée en mai 2016 sur les droits fondamentaux des étrangers, « le besoin de soins est une cause d’immigration plutôt marginale ».
Dans le détail, sur 225 500 titres de séjour délivrés à l’issue d’une première demande en 2018, seuls 4 310 l’étaient pour raisons médicales (soit moins de 2 %). De même, moins de 1 % des dossiers présentés aux médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) en vue de l’obtention d’un titre de séjour pour soins sont concernés par la fraude. Et pourtant, le défenseur souligne : « Malgré ces faits clairement établis par les autorités publiques, force est de constater que ces personnes sont le plus souvent considérées, dans la législation comme dans les pratiques, d’abord comme des étrangers avant d’être regardées comme des malades nécessitant, en tant que tels, des protections spécifiques. »
D’autant que les réformes législatives – et c’est la seconde information principale du rapport – ont induit de nouveaux obstacles. A cet égard, la réforme de l’assurance maladie dite « Puma », en 2016, est pointée du doigt par le défenseur des droits. En effet, selon cette enquête, elle a « conduit à une régression des droits des étrangers en situation régulière, tandis que les étrangers en situation irrégulière demeurent exclus du système de protection universelle ». Si, depuis la mise en place de cette réforme, des améliorations ont été apportées, des difficultés demeurent. Ainsi, le défenseur estime que « le contrôle de la régularité du séjour est plus restrictif qu’auparavant ». Il déplore aussi le fait « que les étrangers récemment installés en France ne parviennent pas toujours à s’affilier ». Enfin, il regrette que « certains étrangers bénéficiant du maintien de leurs droits à la suite d’une perte momentanée de leur droit au séjour n’accèdent pas à la complémentaire maladie universelle (CMU-C) ».
In fine, Jacques Toubon recommande « l’adoption de mesures visant à garantir l’accès à l’assurance maladie de tous les étrangers régulièrement installés en France, et ce dès les premiers jours de leur installation » ; « la fusion des dispositifs assurance maladie-AME [aide médicale de l’Etat] ou, a minima, la création pour les bénéficiaires de l’AME d’une carte numérique ouvrant l’accès aux mêmes facilités que pour les personnes affiliées à l’assurance maladie » et « la modification des textes pour garantir à tous les étrangers, y compris demandeurs d’asile ou déboutés, la possibilité de solliciter une admission au séjour pour soins à tout moment ainsi que l’obtention d’un récépissé dès l’enregistrement de la demande ».
Pour les étrangers en situation irrégulière, le défenseur des droits déplore au sujet de l’AME « un dispositif dérogatoire, coûteux et favorisant des pratiques discriminatoires », tels des « refus de soins », illégaux mais souvent justifiés « par le surcoût administratif, voire financier » pour les médecins. Selon le rapport, cela peut passer par un « refus direct » de prise en charge ou « indirect », par le biais d’horaires limités de rendez-vous ou d’une demande de justificatifs administratifs supplémentaires.