« DÉCEPTION » … C’EST LE MOT QUI REVIENT LE PLUS DANS LES RÉACTIONS des fédérations de services d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad), après la publication d’un décret qui fixe les modalités de répartition de l’enveloppe de 50 millions d’euros destinée au secteur (1). Le texte est aussi censé « préfigurer » un nouveau modèle de financement du domicile, selon sa notice et son titre. « Ce décret est un signe extrêmement négatif envoyé au secteur », nous a confié l’UNA (Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles). Le 18 avril, le Comité national consultatif des personnes handicapées avait d’ailleurs rendu un avis défavorable.
« C’est une déception avant tout, soupire Régis Granet, directeur juridique de la Fedesap (Fédération des services à la personne et de proximité). Au bout d’une année de concertation entre le ministère de la Santé et les principaux acteurs du domicile, le décret propose un mode de financement que nous avions déjà rejeté l’année dernière, à l’occasion de la précédente expérimentation. » Déception aussi du côté de la fédération des associations Adessadomicile. Pour Jérôme Perrin, responsable « aide et accompagnement », l’exécutif et le secteur avaient là « une occasion de mettre en place un nouveau système de financement du domicile ». Mais le décret ne répond visiblement pas aux attentes à ce sujet. Mehdi Tibourtine, directeur juridique de la Fesp (Fédération du service aux particuliers), va dans le même sens : « Pour traiter les problèmes du domicile, il faut de la trésorerie et donc refonder le modèle économique pour qu’il soit pérenne pour tout le monde. Dans le groupe de travail, on parlait tous d’un tarif “socle”, ce qu’on ne trouve pas dans le projet de décret, et il n’y a aucune garantie sur l’existence prochaine d’un tarif national. »
Mais ce que le décret fait bien, c’est de déterminer les critères de répartition de la première enveloppe de 50 millions d’euros pour le secteur. Le principe : un appel à candidatures opéré par le département, en contrepartie de la conclusion d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM). Les critères de sélection doivent reposer sur le profil des bénéficiaires, l’amplitude horaire des interventions et les caractéristiques du territoire d’intervention. Qui sont les départements sélectionnés ? En fait, tous. La direction générale de la cohésion sociale (DGCS) a nationalisé l’enveloppe sans la consacrer à des collectivités spécifiques. Pour Maud Collomb, directrice adjointe de l’Union nationale ADMR, la DGCS était confrontée à un choix cornélien : « Le décret a dû être rédigé un peu dans l’urgence. C’est compliqué pour elle et la CNSA de se positionner sur l’avenir, au vu de l’arrivée prochaine du projet de loi sur la dépendance. » Martial Lagrue, directeur administratif et financier, acquiesce : « Avec cette enveloppe prévue pour être renouvelée, c’est vrai qu’on est dans un entre-deux. On a l’impression que c’est pour nous faire attendre. »
Pour Jérôme Perrin, la somme de 50 millions d’euros n’est pas « révolutionnaire » : « Sur le total de la masse des heures réalisées par les services à domicile, cela représente 20 centimes de l’heure en plus. C’est du saupoudrage, ce décret ne simplifie rien. De plus, les trois critères qu’il fixe pour bénéficier de l’enveloppe sont extrêmement larges, on peut mettre n’importe quoi dedans. Il aurait été plus intéressant de poser des critères plus fins. Pour moi, le décret est dans la logique de légaliser ce que faisaient déjà les départements, à savoir choisir les services qu’ils veulent. » Régis Granet relève, lui aussi, qu’« aucune exigence particulière n’est fixée ». Le directeur juridique de la Fédésap a une estimation. Au terme de « saupoudrage », Mehdi Tibourtine préfère ceux de « fonds de survie ». A l’ADMR, les propos sont plus mesurés : « Si la DGCS avait choisi de cibler la répartition de l’enveloppe sur certains départements et/ou certaines structures, cela aurait quand même fait des mécontents », tempère Martial Lagrue.
(1) Décret n° 2019-457 du 15 mai 2019, J.O. du 17-05-19 – Voir analyse dans la veille juridique, p. 24.