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Exécution du budget de l’Etat en 2018 : les analyses de la Cour des comptes

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Quel a été, l’an dernier, le niveau de rigueur de l’Etat dans sa gestion financière ? la Cour des comptes a publié le 15 mai ses analyses sur l’exécution de chaque mission du projet de loi de finances pour 2018, dans lesquelles elle répond de manière exhaustive à cette question.

COMME CHAQUE ANNÉE, L’INSTITUTION REND UN RAPPORT TECHNIQUE ET DÉTAILLÉ sur l’exécution du budget de l’Etat par les administrations et sur la juste prévision des dépenses par le projet de loi de finances. En 2018, première année complète de la présidence d’Emmanuel Macron, la cour a constaté une exécution « mieux maîtrisée qu’au cours des années précédentes ». Les recettes se sont révélées plus élevées que prévu, mais le déficit s’est tout de même creusé. Nous avons pu tirer la substantifique moelle de ces analyses, rendues publiques le mercredi 15 mai dernier.

Travail et emploi : sous exécution des contrats aidés

La mission « travail et emploi » comporte quatre programmes, dont le budget total en loi de finances initiale (LFI) était de 15,4 milliards d’euros en crédits de paiement. Le montant exécuté s’établit finalement à 14,9 milliards d’euros, soit une baisse de 3,7 % par rapport à la LFI. La Cour des comptes note que, « contrairement à 2017, aucune reprogrammation de crédits n’a été nécessaire en cours d’exercice pour faire face à des sous-budgétisations initiales ». Cela s’explique notamment par la sous-réalisation des contrats aidés. Sous-budgétés en 2017, ils ont vu, l’année suivante, leur définition se restreindre : le gouvernement a diminué le taux de prise en charge de l’Etat de moitié et l’a recentré sur le secteur non marchand. De surcroît, le nombre de contrats signés (128 000) est fortement inférieur à ce qui était originellement prévu (200 000).

Solidarité et insertion : une meilleur appréciation des dépenses

Cette mission comporte quatre programmes, dont, d’une part, « inclusion sociale et protection des personnes » (n° 304) et, d’autre part, « handicap et dépendance » (n° 157). La cour souligne d’emblée que « le poids budgétaire des différents programmes est très inégal ». En effet, les programmes 304 et 157 représentent à eux seuls plus de 92 % des crédits de paiement exécutés en 2018. Les dépenses fiscales de la mission sont en augmentation de près de 20 % depuis dix ans, et ont atteint 14,3 milliards d’euros l’an dernier.

La Cour des comptes relève comme « événement notable » le fait que la loi de finances rectificatives de fin d’année 2018 a ouvert seulement 261 millions d’euros de crédits. En 2017, il avait fallu 1,2 milliard d’euros pour redresser les comptes de cette mission. « Il a en particulier été mis fin à la sous-budgétisation récurrente de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), que la cour avait relevée dans ses notes d’exécution budgétaire précédentes : le ministère a en effet pris en compte, au stade de l’élaboration du projet de loi de finances pour 2018, les prévisions techniques de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), dont il convient au demeurant de souligner la qualité », analysent les magistrats. « Pour la première fois depuis cinq ans, aucune ouverture de crédit n’a été nécessaire sur le programme 157 », ajoute la cour.

Ce n’est, en revanche, pas le cas de la prime d’activité, qui a nécessité 261,5 millions d’euros supplémentaires pour être financée. Ce chiffre est toutefois nettement inférieur à ce qui avait été levé durant l’exercice précédent (841 millions d’euros). Pour la cour, ce résultat a lui aussi été obtenu « par une meilleure prise en compte des notes de prévision de la Cnaf ».

Les magistrats tentent également d’attirer l’attention de l’exécutif sur deux réformes majeures mises en œuvre pour 2019, à savoir la revalorisation de l’AAH à 900 € à taux plein et la revalorisation et l’élargissement des conditions d’éligibilité de la prime d’activité, qui « vont encore accroître le poids des dépenses de guichet pour la mission ». La Cour des comptes relève enfin que les dépenses fiscales de cette mission « solidarité et insertion » sont « très mal connues par les administrations concernées » et que « le pilotage interministériel dont elles font l’objet est quasi inexistant ».

Justice et Pénitentiaire : des création de postes non suivies d’embauches effectives

La mission « justice » a bénéficié en 2018 de 8,7 milliards d’euros en crédit de paiement. Comme la Cour des comptes le relève, ceux-ci sont encore en progression par rapport à 2017 (2,11 %). Les emplois financés augmentent également avec 1 753 postes supplémentaires, principalement absorbés par les missions « justice judiciaire » (n° 166) et « administration pénitentiaire » (n° 107). La cour relève cependant que le recrutement de personnels de surveillance, de conseillers d’insertion et de probation ainsi que de greffiers a été « moindre qu’escompté » pour un total de 142 équivalents temps plein.

C’est l’administration pénitentiaire qui absorbe la plus grande partie des crédits de la mission « justice » (41 %). Pour la cour, « des tensions nouvelles apparaissent sur la masse salariale ». Ce sont les mesures indemnitaires prises en sortie des mouvements de grève des surveillants pénitentiaires qui ont pesé sur la gestion de la mission. Elles n’avaient pas été budgétées et ont nécessité la mobilisation complète de la réserve et un transfert de crédit de 11 millions d’euros de la part des autres programmes de la mission.

La Cour des comptes reconduit sa recommandation relative aux partenariats public-privé et appelle à nouveau l’Etat à prévoir que les autorisations d’engagement à ce sujet « couvrent l’intégralité de son engagement ». Elle recommande également à nouveau à l’Etat de se doter d’indicateurs de performance en matière de réponse pénale – taux de récidive et taux et délai d’application des peines –, ce qui passera par « une meilleure systématisation de l’agrégation de données ». Cette dernière recommandation vaut aussi bien pour les personnes majeures que pour les enfants condamnés par la justice, dont la mesure de la récidive n’est plus opérante depuis 2013.

Immigration, asile et intégration : « incapacité » de l’État à anticiper la demande d’asile

Cette mission se caractérise par un dépassement des crédits autorisés en loi de finances initiale à hauteur de 86,4 millions d’euros en crédits de paiement, hors fonds de concours. Bien que ses crédits aient été « significativement renforcés en loi de finances initiale pour 2018 », la mission pâtit une nouvelle fois d’une sous-budgétisation : « En particulier, détaille la Cour des comptes, la programmation des dépenses d’allocation pour demandeur d’asile repose sur des hypothèses de délais de traitement des demandes d’asile (60 jours) et de croissance de leur nombre (+ 10 % de la demande d’asile globale) qui apparaissent optimistes au regard des données de l’année 2017 (185 jours de délai moyen de traitement et + 17,3 % de croissance des demandes). » La hausse de la demande d’asile a été bien supérieure à la prévision (+ 24,5 % s’agissant des premières demandes déposées à l’Ofpra).

La Cour ajoute encore que cette mission « pâtit de la difficulté d’anticiper l’évolution de la demande d’asile, qui dépend en grande partie de facteurs exogènes peu prévisibles ». Elle recommande à l’Etat de « retenir des hypothèses de croissance de la demande d’asile plus prudentes » et épingle la qualité des indicateurs de performance de la mission qui, selon elle, « ne reflètent que partiellement la réalité de l’activité de la mission ». Ceci est notamment dû à leur modification permanente, mais aussi à l’évolution du cadre législatif et réglementaire de la mission.

Les thématiques « santé » et « logement » sont traitées sur le site web ash.tm.fr

Petit glossaire des finances publiques

• Crédits de paiement. Il s’agit de la ressource financière d’une administration, dûment autorisée par le Parlement dans le cadre de la loi de finances. Ils ne sont pas à confondre avec les autorisations d’engagement, qui sont une autorisation de dépenses futures.

• Dépense fiscale. Plus communément appelée « niche fiscale », il s’agit d’un avantage donné aux contribuables sur le paiement d’un impôt ou de taxes, sous conditions. Pour l’Etat, cet avantage se traduit par une dépense supplémentaire.

• Dépense de guichet. C’est une dépense de l’Etat dont le versement au demandeur est automatique dès lors qu’il remplit les critères. L’Etat n’a aucune maîtrise sur ces dépenses. C’est notamment le cas des prestations sociales, comme la prime d’activité ou l’allocation aux adultes handicapés.

• Indicateur de performance. Il permet de mesurer la réalisation d’un objectif d’un programme. Exemple : le taux de retour à l’emploi.

• Loi de finances. Votée à la fin de l’année N-1 par le Parlement, elle intègre le solde budgétaire prévisionnel et détermine les moyens financiers pour chaque mission de politique publique. Les prévisions sont corrigées dans une loi de finances rectificative.

• Missions et programmes : Ils sont définis par l’article 7 de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf). Une mission est « un ensemble de programmes concourant à une politique publique définie ». Un programme regroupe les moyens financiers, doit répondre à des objectifs précis et fait l’objet d’une évaluation. Les programmes sont parfois subdivisés en actions.

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