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Le CVS, outil au service de la collaboration avec les familles

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Catherine Chevalier Gallardo, éducatrice spécialisée, et Fanny Rachet-Charnoz, psychologue clinicienne, défendent le rôle essentiel du conseil de la vie sociale afin d’améliorer la relation entre professionnels et parents, et ce, toujours dans l’intérêt de l’enfant.

Dans son écriture des missions de l’aide sociale à l’enfance, la loi de 1986 pose la nécessité de collaborer avec la famille(1). En 2002, une nouvelle loi détaille les outils pour traduire dans les actes cette façon neuve de travailler avec les parents. Ils ont pour visée d’impliquer concrètement les détenteurs de l’autorité parentale et les mineurs dans la vie de l’institution. Le conseil de la vie sociale (CVS) s’inscrit dans cette perspective. Il représente cette part démocratique où chacun peut mettre sa pierre à l’édifice, toujours dans l’intérêt de l’enfant.

Pourtant, comme le souligne le rapport du Conseil supérieur du travail social en mars 2015, le travail avec les parents reste souvent “un discours obligé, convenu”(2). Alors comment “associer les personnes bénéficiaires des prestations au fonctionnement de l’établissement ou du service”(3) ?

Le cadre du CVS

Quelques postulats sont essentiels pour mettre en place un conseil de la vie sociale dans une institution afin de garantir son authenticité et permettre sa pérennité :

• ouvrir un espace de parole libre pour chacun – cela implique la perte de la maîtrise du contenu de ces échanges ;

• garantir le respect et l’écoute de la parole de chacun ;

• poser d’emblée que ces rencontres concernent exclusivement le fonctionnement institutionnel, et non l’histoire personnelle de chacun.

Quelles formes ce dispositif peut-il prendre ?

Certaines institutions organisent de simples réunions qui jalonnent l’année. D’autres proposent une journée “troc” ou encore une assemblée générale des familles(4), à laquelle chacun est libre de participer et qui permet la collaboration de l’ensemble des usagers-mineurs et de leurs parents.

Les initiatives sont nombreuses. La Fnars [ancien nom de la Fédération des acteurs de la solidarité], par exemple, a réalisé un projet vidéo qui retrace les différentes étapes de constitution de cette instance, et ceci afin de permettre à ses adhérents de mieux appréhender l’organisation d’un conseil de la vie sociale(5).

La pertinence du CVS

• Ouverture d’un espace de parole aux familles. Selon une enquête de l’Anesm, “pour les usagers participant, le premier apport est le sentiment d’écoute et de la valorisation de leur parole”(6).

Dans le cadre du CVS que nous avons expérimenté en service d’adaptation progressive en milieu naturel (SAPMN)(7), les familles se sont saisies de cet espace pour s’exprimer tant sur le soutien apporté que sur ce qui fait énigme pour elles dans notre fonctionnement. En effet, le vocabulaire parfois trop spécialisé leur est souvent inaccessible ; elles ne repèrent pas toujours les spécificités du travail de chacun des professionnels qui les soutiennent ; elles n’ont pas toujours accès à la transmission des informations les concernant… Autant de sujets qui préoccupent aussi les professionnels et ne sont souvent discutés qu’en interne. Ces échanges d’idées ont permis l’élaboration de solutions expérimentées ensuite sur le terrain.

• Implication dans la vie institutionnelle : mise en place d’outils mieux adaptés. Ces rencontres permettent de créer d’autres groupes de travail et de nouveaux outils avec les familles. Au SAPMN Pluriels, la collaboration avec les familles a permis une réflexion autour du travail avec les professionnels ; afin d’être plus accessible, le livret d’accueil de l’institution a également été revu et corrigé avec l’aide de parents, et un groupe de parole entre parents a vu le jour.

• Transmission de savoirs d’une famille à une autre. Beaucoup de respect et d’écoute mutuelle ont émané de cet espace du CVS. Certains parents ont créé entre eux des liens d’entraide, d’autres ont révélé de grandes compétences à porter la parole des autres. Il apparaît de façon indéniable que, pour certains, des bénéfices personnels ont émergé. Ils ont pu exister dans un groupe, prendre la parole et en être porteurs. Un parent l’a exprimé : “Grâce au CVS, j’ai appris à prendre plus d’initiatives dans ma propre vie.” En effet, l’Anesm souligne : “La grande majorité […] des représentants des familles […] se sentent investis dans leur rôle et parfois même dans une mission de représentation des usagers. Ils éprouvent de la fierté à l’assumer.”(8)

Garantir l’espace de parole malgré la contestation

Inévitablement, les débats ont fait surgir parfois la controverse. Cet espace étant créé pour que de la parole advienne, elle est donc parfois directe, maladroite et provoque des malentendus… Ainsi, les familles ont pu exprimer leur désaccord avec certains actes posés par les professionnels. Cependant, cette incompréhension a pu se dépasser en se mettant en mots lors du conseil de la vie sociale.

L’enjeu pour l’institution est qu’elle ne se sente pas attaquée dans ses fondements, ce qui pourrait l’amener à remettre en question l’existence du conseil. Lors de ces échanges, il importe de tenter de faire entendre que nos actes professionnels doivent être posés dans le cadre des missions qui s’imposent à tous. Il ne s’agit donc pas de les justifier, mais bien de témoigner de la place à laquelle nous avons à les poser.

Certaines familles peuvent, par exemple, exprimer leur incompréhension sur le fait que les professionnels s’adressent systématiquement au parent “absent”. L’obligation légale qui est faite de soutenir l’ensemble de la famille et de respecter l’autorité parentale peut être ainsi rappelée à tous. Il ne s’agit pas de favoriser quiconque, mais bien de respecter les droits de chacun, comme l’ordonne la loi. S’assujettir à la lettre de nos missions permet de se dégager du miroir, source de rivalité imaginaire.

Un outil d’avenir

Aujourd’hui, à l’ère des évaluations internes, ce temps du CVS apparaît comme un véritable outil pour améliorer nos pratiques. Il amène à une collaboration concrète avec les familles, ouvre un espace de parole, voire une instance où de nouveaux projets peuvent émerger et être soumis pour avis. Loin de “ces enfants qu’on sacrifie”(9), “ces parents qu’on soutient”(10) trouvent ici leur place. C’est pour nous l’“à-venir” de l’action sociale et médico-sociale. »

Notes

(1) Extrait du code de l’action sociale et des familles (CASF), art. L 221-1, détaillant les missions de l’ASE.

(2) « Refonder le rapport aux personnes. “Merci de ne plus nous appeler usagers” », CSTS (2015).

(3) Art. L 311-6 du CASF, modifié par la loi 2002-2, prévoyant la mise en place du CVS par décrets n° 2004-1136 du 21 octobre 2004, puis n° 2005-1367 du 2 novembre 2005.

(4) Initiative de l’association Pluriels (Drôme), qui met en œuvre des mesures d’assistance éducative à domicile.

(5) A voir sur https://bit.ly/1yKZFWL.

(6) « La participation des usagers au fonctionnement des établissements et services sociaux et médico-sociaux. Recueil des pratiques et témoignages des acteurs », Anesm (2014).

(7) SAPMN-Sapsad Pluriels de Pierrelatte (Drôme).

(8) Anesm, op. cit.

(9) D’après l’ouvrage de Maurice Berger (éd. Dunod, 2005).

(10) D’après l’ouvrage de Jean-Pierre Thomasset (éd. érès, octobre 2018).

Contact : catherine.chevalier.gallardo@gmail.com – fannyrachetcharnoz@gmail.com

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