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Un lieu d’apaisement pour les familles

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L’établissement public Félix-Guillou – Au fil de l’Aux, près de Nantes, a créé un service de soutien à la parentalité (SSP) qui médiatise le lien parent-enfant grâce à des temps conviviaux. De plus, ce dispositif permet d’envisager autrement la rencontre entre l’institution et la famille, en redonnant à cette dernière une place souvent négligée.

Un pari, doublé d’une envie. Né des suites d’un appel à projet de la Fondation de France, le service de soutien à la parentalité (SSP) porté par l’établissement Félix-Guillou de La Montagne (Loire-Atlantique), à 20 kilomètres de Nantes, a vu son financement validé à l’été 2017 par le conseil départemental. L’établissement, qui gère une maison d’enfants à caractère social (Mecs), mais également un service de milieu ouvert d’intervention soutenue à domicile (ISD) et de visites en présence d’un tiers (VPT), se lance dans cette aventure expérimentale en septembre de la même année. « Pour donner corps à ce SSP, nous avons fait le choix de recruter en interne des professionnels de nos différents services, se rappelle Laure Guillot, directrice de l’établissement. Il nous fallait des gens passionnés, engagés, convaincus par un travail avec les familles. » Composé d’une coordinatrice, d’une psychologue, d’un chef cuisinier et de trois éducatrices spécialisées (tous détachés pour le service à environ 20 % de leur temps), le SSP prend forme le mercredi, le samedi ou un week-end entier autour de diverses activités : un atelier cuisine, un temps de médiation animale, un « bricolatoire » avec des travaux manuels, ou encore de courts séjours afin que chaque famille puisse se sentir bien dans un atelier qui lui sied. Nadia Maillard, une des trois éducatrices, observe des familles plus apaisées : « Les parents se vivent souvent comme disqualifiés. Grâce aux ateliers, où la médiation n’est qu’un support, un prétexte à la rencontre, on prend le temps de se faire plaisir, de partager. Nous-mêmes ne connaissons pas tout l’historique de la situation, notre regard est donc neuf sur la famille et le lien parent-enfant. »

Les familles concernées ne sont pas choisies au hasard. Ce sont les référents des autres services de l’établissement chargés de suivre les enfants en milieu ouvert ou dans la Mecs qui suggèrent à leurs collègues du SSP le bien-fondé pour telle famille de participer à un atelier. « Le service de soutien à la parentalité est un plus, présenté comme une continuité de service. Nous adaptons le support pour que cela soit attractif, pour que le parent puisse venir se mettre en lien avec l’enfant », explique Nadia Maillard. Les ateliers s’organisent sur la base du volontariat, réunissant à chaque fois deux ou trois familles au maximum. « La groupalité – la rencontre entre les familles et la socialisation entre les parents – est également importante. » Pour la médiation animale, l’établissement fait appel à un centre équestre, dont une intervenante se déplace avec ses poneys. Mais les ateliers sont élaborés et menés par les travailleurs sociaux. Pour les ateliers cuisine et les activités artistiques ou bricolage, « nous faisons évidemment avec nos accointances personnelles », sourit l’éducatrice. « Nous apprécions toutes les activités manuelles. »

Des ateliers sécurisants

Extrêmement ritualisés, d’une durée de trois heures en moyenne et accompagnés par un binôme de professionnels, ces ateliers sont pensés pour être contenants, sécurisants pour l’enfant et sa famille. Ils comprennent un temps d’accueil avec une collation, pour pouvoir échanger et présenter le déroulé de l’atelier, mais aussi un rituel de fin d’atelier, avec un café ou un goûter, afin de faire ensemble le bilan. « Tout est séquencé. Pour les activités créatives, nous préparons le matériel en amont, nous pouvons avoir un thème… Modelage, pliage, couture, peinture, décoration, nous touchons à tout. »

Pour l’atelier cuisine, c’est Jean-Claude Kerisit, le cuisinier de l’établissement, qui est le chef. L’homme, qui a travaillé pour de grands restaurants, cuisine un samedi par mois avec les familles volontaires. « Je propose un menu, mais l’idée est de sortir des sentiers battus, de leur faire découvrir quelque chose de nouveau et, surtout, de les rendre acteurs. » Si le cuisinier apprécie de partager sa passion, il aime avant tout « voir les enfants et leurs parents se découvrir lors de l’atelier, être absorbés et subjugués par le résultat ». Un menu comme dans un restaurant, élégant, servi à l’assiette et dégusté le midi même. « Dans ces ateliers, ils ne se sentent pas du tout jugés. C’est une opportunité de pouvoir être ensemble, dans un lieu neutre. Ça crée une harmonie entre les professionnels, les enfants et les parents. »

Pour ce qui est des week-ends ou des courts séjours, il s’agit d’offrir aux familles un temps de répit ou de vacances. Lors des séjours (sur trois nuits et quatre jours, en gîte ou en mobile home), chacun a son espace et vit en autonomie dans sa cellule familiale. Seuls les temps de repas sont collectifs. « Nous ne sommes pas dans le registre de la contrainte mais dans celui d’une proposition, insiste Nadia Maillard. Nous sommes là pour apporter conseils et soutien si nécessaire, mais aussi pour permettre aux parents de souffler, de déléguer un peu si besoin, ou au contraire de profiter de temps individualisé avec leur enfant. » Chaque atelier ou séjour est donc « un interstice bénéfique », et régulièrement des familles resollicitent le service pour un nouveau temps.

Si le SPP fonctionne bien, c’est aussi que ces temps conviviaux représentent pour les professionnels des temps d’observation, donc de travail. Rien n’est laissé au hasard. Chaque atelier fait l’objet d’un bilan écrit, d’un temps d’échange avec la psychologue et le reste de l’équipe, puis avec les éducateurs référents du service qui suit l’enfant concerné. « On est dans le travail, note la travailleuse sociale. Il y a un retour de nos observations aux référents. Il est d’ailleurs intéressant de croiser les points de vue. » Pour Laure Guillot, la directrice, il est primordial de laisser une place aux familles, de « les soutenir dans leur place de parents ». « Le SSP voit des choses auxquelles personne d’autre n’a accès… » Conseillère en économie sociale et familiale (CESF) et coordinatrice du dispositif, Emeline Portier tient à cette dynamique : « On s’interroge en continue sur ce qu’on fait. Pour nous, ce service est complémentaire en termes d’observations. Mais il est important d’avoir également un retour des familles. » En juin 2018, un temps de bilan a ainsi été proposé aux familles participantes. L’équipe recueille les avis, les propositions des parents pour améliorer le dispositif. « Avec le recul, nous remarquons aussi que ce service pacifie les relations entre les parents et les professionnels. Les ateliers sont très “réparant”, ça les détend, ça leur donne confiance », conclut la coordinatrice, avant un nouveau bilan en juin prochain.

« On a construit ce projet en avançant, c’est stimulant pour tout le monde, très participatif », reconnaît la direction. Depuis longtemps, celle-ci souhaitait donner une place plus conséquente aux familles et avait amorcé institutionnellement un travail en ce sens, avec des conférences sur le thème de l’autorité parentale. « Si on ne travaille pas avec les familles, on passe à côté du travail de l’accompagnement de l’enfant. Or c’est une nécessité pour la qualité de cet accompagnement. » Un avis visiblement partagé par la fondation de France et le conseil départemental, puisque ce service expérimental vient d’être reconduit jusqu’à la fin de l’année, avec, au bout du chemin, une intention évidente de pérennisation.

Repères

L’établissement Félix-Guillou ne compte pas s’arrêter en si bon chemin dans son rapport aux familles. Alors qu’un conseil de la vie sociale (CVS)-enfants fonctionne depuis un moment, les équipes viennent d’instituer un CVS-familles. Cette instance de participation se veut un temps de rencontre des familles entre elles, afin de partager expériences et questionnements, de les accompagner sur la notion de « représentation ». Elle permet également aux professionnels de recueillir les doléances sur le fonctionnement de l’établissement. Le premier CVS-familles s’est tenu en mars dernier, avec trois familles. Les ateliers du SSP offrent l’occasion d’informer les parents de l’existence de cette instance, comme le note Laure Guillot : « Nos précédentes tentatives étaient un échec. En parler aux familles par le biais des ateliers du SSP, ça marche beaucoup mieux. » A terme, l’équipe espère que ce temps puisse être animé uniquement par des familles élues. Le prochain CVS a lieu ce mois-ci.

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