La grande majorité des établissements médico-sociaux sont, certes, informatisés. Cependant, il reste encore de nombreux chantiers relatifs à la sécurisation, à la dotation en matériel, à l’interopérabilité des logiciels, notamment entre l’Ehpad et l’hôpital. Il y a constamment des ruptures dans le parcours de la personne accompagnée. La France avance dans le bon sens et va combler son retard en la matière.
Pour moderniser les SI du secteur médico-social et favoriser l’interopérabilité, la feuille de route « Accélérer le virage numérique » prévoit la mise en œuvre, en octobre 2019, d’un groupe de travail relatif à la construction du référentiel et dispositif de certification SIH « médico-social compatible ». Il réunira des industriels, des spécialistes du secteur médico-social, des experts techniques. Les premiers pilotes de ces futurs SIH « médico-social compatibles » seront normalement constitués pour le second semestre 2020, avant une généralisation en 2021-2022. La feuille de route prône également une « harmonisation des SI de gestion de l’allocation personnalisée d’autonomie » (APA). Le référentiel est un point d’appui à privilégier, la loi est nécessaire pour mentionner le respect d’un référentiel qui pourra lui-même évoluer indépendamment avec beaucoup plus de souplesse. La gouvernance ne doit cependant pas se transformer en dictature et tuer dans l’œuf les initiatives disruptives, notamment au sein des start-up, car les évolutions technologiques permettent de révolutionner les usages. Le plan de financement pluriannuel sur trois ans annoncé par la ministre permettra aussi de donner la visibilité nécessaire aux éditeurs de logiciels. Ils pourront alors intégrer les évolutions techniques qui donneront vie à cet écosystème interopérable.
L’objectif est de réunir sur la même plateforme tous les services existants, dont le dossier médical partagé. Cet espace numérique de santé ne se limitera pas à un entrepôt de données, ce sera entre autres le « carnet de santé numérique » de chaque citoyen. Il devrait grandement fluidifier le parcours patient et les échanges interprofessionnels.
Il y a malheureusement peu de choses dans le rapport « Accélérer le virage numérique » sur le sujet de l’expérience usager et sur l’utilisabilité des logiciels par les professionnels de santé. La mise en place de l’interopérabilité est essentielle mais, avant tout chose, il faut alimenter ces bases, et quoi de mieux qu’un outil correctement conçu pour assurer la bonne saisie des informations ? Aujourd’hui, une infirmière en Ehpad passe 40 % de son temps devant un écran à remplir de données. Or les logiciels sont faits par des informaticiens pour des informaticiens. Sur le sujet de l’ergonomie et des applications « User Friendly », les éditeurs de logiciels du secteur sont souvent plus proches de l’argument marketing que de la norme. Le chemin est encore long mais, à travers la construction du référentiel et dispositif de certification SIH « médico-social compatibles », nous pourrons peut-être avancer sur ce point.
Nicolas Pistorio exerce depuis les années 2000 dans le domaine de l’e-santé. Il est à l’origine de la création d’un logiciel de gestion du circuit du médicament et de planification des actes d’accompagnement et de soins utilisé dans plus de 2 500 établissements médico-sociaux.