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Génération désenchantée

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Monsieur Weber a vieilli. Comme monsieur et madame Muguet. Comme beaucoup de gens autour d’eux. C’est inéluctable. Quand on vit longtemps, on finit par vieillir.

Bien sûr, la vie n’a pas toujours été un long fleuve tranquille. Maladie, accidents, maternité, proche handicapé, chômage, retraite…

Mais en France, Etat-providence, on trouve presque toujours une solution. Presque.

Maintenant, les voilà libérés de tout ça. L’heure de la retraite a sonné depuis longtemps, ils ont tous trois traversé les méandres de la vie avec plus ou moins de bonheur, ils peuvent jouir d’un repos bien mérité. Non, pas le repos éternel, juste la plus ou moins longue période qui précède et que l’on appelle communément la vieillesse.

Aaaaaah, la vieillesse ! Ce doux temps du vivre pour soi… Le temps libre, la douce chaleur du foyer, le jardinage, les excursions avec le club du troisième âge… Dans les prospectus, ça avait l’air tellement merveilleux !

Sauf qu’en fait la douce période fantasmée n’aura pas duré bien longtemps…

Le temps libre ? Monsieur Weber n’entend plus très bien, et suivre une conversation lui est devenu difficile, alors il voit de moins en moins ses amis. Il s’isole, et s’ennuie.

La douce chaleur du foyer ? La maison de madame Muguet est bien belle, et elle contient tant et tant de souvenirs… mais y vivre, c’est autre chose. Il y a des petites marches à l’entrée, la baignoire est inaccessible, les toiles d’araignée narguent tranquillement les visiteurs.

Le jardinage ? L’arthrose est passée par là, c’est douloureux de se baisser, de tenir les outils…

Le club du troisième âge ? Pour monsieur Muguet, ça a été direction l’Ehpad. La maladie d’Alzheimer n’aide pas à entretenir les amitiés. La vieillesse…

Monsieur Weber pourrait trouver de bons appareillages auditifs.

Madame Muguet pourrait faire faire quelques travaux dans la maison, et prendre une aide à domicile pour l’entretien du logement. Et même, pourquoi pas, un jardinier ?

Oui, mais… ça coûte cher. La pension de retraite n’est pas fabuleuse. Et il y a l’Ehpad de monsieur Muguet à payer…

Oh bien sûr, il y a des aides… mais pas assez, et pas pour tout.

Je tourne et retourne leurs dossiers dans tous les sens. Trop ceci, pas assez cela. Pas dans les bonnes cases. Pile entre deux. Voilà, c’est ça leur vieillesse : un entre-deux. Entre deux mondes, entre deux dépenses.

Il ne comprend pas, monsieur Weber. Il a travaillé, il a cotisé, alors pourquoi ?

Elle ne comprend pas, madame Muguet. Elle s’est tant occupée des autres, donnant de son temps et de son argent sans compter, alors pourquoi ?

Il ne comprend pas, monsieur Muguet. Que fait-il dans cet Ehpad, avec ces gens qu’il ne connaît pas ?

Et moi, Florine, assistante sociale, je ne trouve rien à leur dire. Je suis désolée. Je n’ai rien à leur proposer. Parce que la vieillesse n’est pas une maladie. Parce que la dépendance, ça coûte cher. Parce qu’il vaut mieux mourir en bonne santé.

Alors ils attendent, monsieur Weber, monsieur et madame Muguet, et les autres. Ils attendent une loi, une aide. Et en attendant, ils comptent. Ils comptent leurs sous et leurs jours.

Macabre attente, funeste décompte.

La minute de Flo

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