« On nous a dit que tout était entendable, tout était étudiable. » Si Luc de Gardelle, président de la Fédération des entreprises d’insertion, se satisfait de l’ouverture à la réflexion du Conseil national de l’inclusion lors de la remise des 28 mesures de son organisation, il reconnaît qu’il y aura « une difficulté à tout mettre en œuvre, dans un temps donné ». Ce, d’autant plus que la réforme de l’IAE doit être opérationnelle dès 2020. « On ne peut pas imaginer doubler le nombre de personnes en parcours d’insertion dans le secteur en étant frileux. Il ne faut pas avoir peur de faire des mesures à impact, qui changent les cultures, en interne dans les entreprises d’insertion [EI] et les entreprises de travail temporaire d’insertion [ETTI], dans l’administration, ou dans les entreprises classiques. L’IAE peut être un réel acteur de qualification et de retour à l’emploi des personnes, mais il n’y a pas que des moyens financiers pour y parvenir. Parmi toutes les mesures que l’on a faites pour libérer les énergies, très peu ont un impact budgétaire », explique-t-il.
Sur les 28 mesures proposées par la fédération, dix ont un objectif de simplification du secteur. « Aucune autre mesure ne fonctionnera si l’on ne simplifie pas les choses. Ce choc de simplification est un préalable indispensable. » En ligne de mire, notamment, les difficultés rencontrées par les EI et ETTI pour recruter et accompagner les salariés en insertion. « Selon une étude réalisée en 2018 auprès de nos adhérents, ces derniers ne recrutent pas à hauteur de ce qu’ils pourraient du fait de lourdeurs administratives, souligne la fédération. Au moins 10 à 15 % de personnes supplémentaires pourraient ainsi être accueillies à court terme si l’on appliquait un principe simple : confiance a priori, contrôle a posteriori. » Dans cette optique, elle propose la création d’une labellisation « qualité inclusion », attribuée par un tiers certificateur du type Afnor, « qui deviendrait la pierre angulaire de la relation avec les pouvoirs publics et constituerait le passeport pour le conventionnement et l’agrément ». Ce label reposerait sur un référentiel construit avec l’ensemble des partenaires. « Non seulement le secteur de l’IAE doit non seulement être conventionné par l’Etat, mais l’ensemble des personnes en parcours d’insertion doivent être agréés par Pôle emploi. Ce contrôle a priori est un frein énorme. Avec un label “qualité inclusion” le conventionnement devient plus facile. L’Etat peut faire confiance à la structure pour le recrutement sans avoir besoin de l’agrément car il reconnaît ses capacités à rechercher, à diagnostiquer et à embaucher les personnes qui relèvent de la politique d’inclusion par l’emploi. On ne demande pas à être juge et partie, mais à ce que notre compétence soit reconnue et que l’on nous fasse confiance a priori. Le dialogue de gestion qui a lieu tous les trois est alors l’étape du contrôle a posteriori. »
La fédération des entreprises d’insertion propose également une série de mesures permettant un rapprochement, « des passerelles économiques » entre les entreprises et les structures de l’IAE. « Nos entreprises s’autofinancement à 85 %, il nous faut donc faire du chiffre d’affaires. Si on veut faire 20 à 30 % de plus par an, il va falloir des incitations à faire appel à nous », explique Luc de Gardelle. La fédération propose notamment la création d’un « bonus inclusion » pour les entreprises classiques quand elles recrutent des salariés en parcours d’insertion ou font appel aux EI et ETTI pour de la sous-traitance. Autre mesure attendue : la possibilité d’avoir un financement « hors les murs » pour accompagner la personne dans l’entreprise pendant un certain temps.
« La première étape de créer des passerelles économiques entre les EI et ETTI et l’entreprise classique. La deuxième est d’aider les entreprises d’insertion à avoir une structuration juridique, managériale, économique qui permette d’accueillir ce business. Le troisième volet porte sur la simplification, l’automatisation d’un certain nombre d’agréments pour pouvoir fluidifier les recrutements. Le quatrième est axé sur l’accompagnement et la formation des salariés en parcours d’insertion. La cinquième étape est à nouveau le lien avec l’entreprise classique pour un emploi durable pour les personnes. L’entreprise est un élément essentiel puisqu’elle est la visée finale. Si l’on n’a pas au final cette promesse que l’on est capable avec les entreprises de qualifier les personnes et de leur trouver une place dans le milieu économique classique, nous allons juste recruter 100 000 personnes de plus que l’on va remettre au chômage par la suite. »
La commande publique représente environ 10 % du PIB, soit environ 200 milliards d’euros par an. Or elle est encore « sous-utilisée » pour construire une économie de l’emploi inclusive. Le plan national d’action pour des achats publics durables 2015-2020 donne comme objectif, pour tous les acheteurs publics, que 25 % des marchés (en nombre) intègrent une disposition sociale à l’horizon 2020. « La promotion de l’emploi et du travail en vue de l’insertion des individus dans la société doit être partie intégrante de la stratégie d’achat de l’ensemble des acheteurs publics », considère la Fédération des entreprises d’insertion.