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Ehpad ou domicile ? Les réponses surprenantes d’un sondage

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A l’occasion de la sortie du numéro de Territoires du social d’avril 2019 intitulé « Mick Jagger ira-t-il en maison de retraite ? », l’Unccas a proposé un minisondage sur son site Internet afin d’interroger ses lecteurs sur leur perception des Ehpad. Les réponses, qui viennent d’être publiées, sont assez détonnantes.

La France vieillit. C’est un fait. Depuis quelques mois, et la remise du rapport « Libault » le 28 mars dernier en est la preuve(1), la société semble prendre conscience des conséquences que cela va engendrer. Il y a donc une nécessité d’agir et de transformer l’offre à notre disposition. Car il n’est plus question de rester dans la simple dualité « domicile vs établissement ». Il faut voir au-delà et proposer des solutions alternatives. Cependant, dans les faits, sur le terrain, et même si de nombreuses et diverses initiatives existent déjà, cette dualité s’exprime. Une personne âgée en perte d’autonomie à deux possibilités : vivre en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ou bénéficier des services d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad). Et majoritairement elle préfère vivre à domicile. Ce que confirment bon nombre de sondages, études et autres enquêtes. Une volonté qui s’exprime même chez les professionnels de l’action sociale.

C’est en tout cas ce que montre un récent mini-sondage publié sur le site de l’Union nationale des centres communaux d’action sociale (Unccas). Effectuée du 2 au 24 avril dans le cadre de la sortie du numéro de Territoires du Social d’avril 2019, intitulé « Mick Jagger ira-t-il en maison de retraite ? », cette micro-enquête a été réalisée auprès des abonnées de la newsletter de l’Unccas. Deux questions étaient proposées : « Envisagez-vous, dans le futur, de vivre dans un Ephad ? » et « Pour quelles raisons (optionnel) ? ». « Le but n’était pas de mener un travail scientifique mais de collecter quelques témoignages sur le sujet et d’avoir une idée de la représentation que peuvent avoir de ce type d’établissements des personnes ayant un niveau de connaissance de la gérontologie plus averti que la moyenne, du fait de la fonction qu’ils exercent pour la plupart en centre communal ou intercommunal d’action sociale. Ce qui rend les résultats d’autant plus surprenants », explique Benoît Calmels, délégué général de l’Unccas. Car ce mini-sondage est catégorique : sur les 191 réponses, 22,4 % des personnes ont répondu envisager de vivre en Ehpad, contre 78,6 %.

Une offre en Ehpad pas totalement adaptée

Plus précisément, plusieurs grandes tendances se dessinent parmi les répondants envisageant ce mode d’hébergement. Ainsi, seuls 17 % livrent des commentaires indiquant qu’ils trouvent adaptés les lieux et leurs services (« vivre dans un lieu sécurisé, entouré d’intervenants en cas de besoins, vivre dans un lieu où des activités sont organisées »). « Les organisations de travail des salariés conjuguées à la faiblesse des moyens des établissements ne permettent pas d’adapter complètement l’accompagnement des personnes âgées, reconnaît Jean-Christian Sovrano, directeur de l’autonomie et de la coordination des parcours de vie à la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs (Fehap). En effet, il n’est pas rare que dans les établissements il n’y ait qu’un soignant pour réaliser 15 à 20 toilettes. Et ce alors même que l’on devrait accompagner, réaliser des soins de nursing, prendre en compte les spécificités de chaque personne… » Et de poursuivre, fataliste : « On voit bien que la réponse aux besoins des personnes accueillies n’est pas adaptée parce qu’elle n’est pas à la hauteur des enjeux de santé publique du fait d’un manque de moyens et parfois de formation. »

Pour ceux qui envisagent de vivre en Ehpad, les autres raisons invoquées relèvent du registre de la contrainte : 26 % évoquent des motifs de santé (Alzheimer…), 20 % manifestent un éloignement de leur famille et de leurs proches, 37 % souhaitent ne pas être « une charge » pour leurs proches. « Ce qui veut dire que les professionnels se rendent compte que s’occuper d’une personne âgée, à domicile ou autre, est extrêmement contraignant pour l’entourage familial, analyse Benoît Calmels. Eux-mêmes, en tant que professionnels, ne veulent pas vivre la même situation. »

« Autre surprise de ce sondage : dans les “non”, seulement 26 % des personnes énoncent principalement le souhait de vivre à leur domicile, ajoute le délégué général de l’Unccas. Le domicile ne fait donc pas un gros score pour autant. De même, 8 % ont évoqué la question de l’euthanasie ou du suicide assisté dans leur réponse. Là encore, c’est étonnant. » Parmi les autre raisons évoquées, 19 % délivrent une vision des Ehpad fortement marquée par l’Ehpad bashing régulièrement pratiqué par les médias, 18 % évoquent le coût élevé des établissements, 15 % ne veulent pas vivre en collectif ou encore 7 % s’appuient sur leur expérience professionnelle pour motiver leur souhait.

« Ne surtout pas opposer domicile et établissement »

Si le domicile est privilégié, pour autant, peut-on vraiment y finir ses jours ? Rappelant qu’un rapport de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), publié février 2019, montre que 11 % des seniors âgés de 90 ans ou plus sont aidés pour les activités de la vie quotidienne et sont classés en GIR 1 ou 2, Julien Jourdan, directeur général de la Fédération française de services à la personne et de proximité (Fedesap), estime que oui. « Des personnes âgées à domicile ont la visite d’un médecin une fois par semaine ; d’une infirmière deux ou trois fois par semaine ; et d’un service d’aide et de maintien à domicile presque quotidiennement, analyse-t-il. On balaie donc l’argumentaire qui dit que les personnes âgées sont plus en contact avec des professionnels en établissement qu’à domicile. Ce n’est pas vrai. De même, l’individualisation des besoins est beaucoup plus importante à domicile.Fédésap. » « Bien évidemment, les établissements sont des réponses à apporter à des personnes qui, pour leur santé et la santé intellectuelle de leurs proches, ne peuvent pas rester au domicile, poursuit-il. Mais, là, on est vraiment dans de l’hospitalisation. L’établissement est un établissement de soins. »

« Il ne faut surtout pas opposer le domicile et l’établissement, pour la simple et bonne réponse que l’on ne peut pas demeurer chez soi en cas de très grande perte d’autonomie, nuance Jean-Pierre Riso, président de la Fédération nationale des associations de directeurs d’établissements et services pour personnes âgées (Fnadepa). Aujourd’hui, la question de l’accompagnement à domicile se heurte à celle des moyens donnés dans le cadre de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Mais aussi à la question de la capacité des services à domicile à développer des offres, des services, des prestations qui concourent à un accompagnement à domicile efficient. » Et de prêcher pour sa paroisse : « Je suis convaincu que l’on ne peut pas imaginer accompagner correctement le grand âge en désinstitutionnalisant et en faisant croire qu’il n’y aura plus d’établissement demain. On ne peut pas se passer des Ehpad. On doit faire en sorte de les adapter pour les ouvrir, pour les rendre de plus en plus inclusifs, de plus en plus des lieux de vie, de socialisation. »

Les avis divergent sur la nécessité de changer le terme d’« Ehpad »

Dernière statistique particulièrement marquante de ce mini-sondage de l’Unccas : 7 % des personnes qui ont répondu ne pas vouloir vieillir en Ehpad considèrent ces établissements comme des « mouroirs ». Et ce alors même, encore une fois, que ce sont, pour la plupart des répondants, des professionnels de l’action sociale. Dès lors que l’Ehpad n’a pas vocation à disparaître, il apparaît nécessaire de rendre cette structure plus attractive. Parmi les propositions du rapport « Libault », la proposition 64 consiste à faire évoluer la sémantique officielle, « jugée trop stigmatisante pour les personnes âgées elles-mêmes », en changeant le terme d’Ehpad. Pour Jean-Christian Sovrano, si cela reste « symbolique », ce n’est pas une mauvaise chose, « même si ce n’est pas le plus urgent ». « Il y a le nom et la réalité des choses, estime le représentant de la Fehap. “Mouroir”, si le terme est très péjoratif, il correspond à une réalité : la plupart des résidents décèdent en établissement. »

Benoît Calmels ne partage pas cet avis. « Quand un gâteau n’est pas bon, en France, on se dit qu’il faut changer la boîte, image-t-il. En agissant ainsi, le gâteau sera toujours aussi mauvais. Un Ehpad restera un Ehpad. » D’autant que les propositions du rapport « Libault » (« maisons du grand âge » ou « maison médicalisée des seniors ») ne lui conviennent pas. « Maison du grand âge cela fait encore plus mouroir qu’un Ehpad. Cela fait terminus pour personnes âgées, assure le délégué général de l’Unccas. On aura beau changer le nom, ça ne changera pas fondamentalement que l’on associera l’établissement à la fin de vie. Parce que c’est le cas. Une fois que l’on est entré en Ehpad, l’avenir c’est la mort. » « Je trouve le terme “Ehpad” assez barbare, indique Jean-Pierre Riso. Mais, en même temps, il est entré dans les mœurs. Donc changer pour changer ne me semble pas cohérent. Ce n’est pas ça qui va transformer fondamentalement le modèle. Car, au-delà du changement de thématique, l’enjeu est de changer la façon dont on traite les équipes, la façon dont on les valorise, dont on les revalorise, dont on donne du sens à ces métiers-là. »

Et Benoît Calmels de conclure : « Un Ehpad demeure un établissement avec des personnels soignants, des gens en blouse. Vous pouvez mettre des fleurs, de belles couleurs… cela ne changera rien au problème. Changer de nom ne changera pas fondamentalement la logique du système. C’est cette dernière qu’il faut adapter. » Et donc s’interroger sur l’utilité de l’Ehpad à l’avenir… Pas une mince affaire.

Notes

(1) Voir ASH n° 3105 du 5-04-19, p. 6.

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