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L’habitat inclusif, la troisième voie

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La loi « Elan » a apporté à l’habitat inclusif le cadre juridique qui lui faisait défaut. Les textes d’application devraient très prochainement paraître pour permettre d’engager la généralisation de cette réponse complémentaire au logement ordinaire et à l’hébergement en institution des personnes âgées et des personnes handicapées.

Offrir une alternative entre l’hébergement institutionnel dans un établissement médico-social et le logement individuel en milieu ordinaire… Depuis de nombreuses années, des projets d’habitat inclusif ouvrent une troisième voie aux personnes âgées et à celles en situation de handicap. Habitat partagé, groupé, accompagné, adapté, connecté… Ces dernières années, diverses formes de logement avec des services associés se sont développés dans le cadre d’initiatives portées par des bailleurs sociaux, des communes et leurs centres communaux d’action sociale, des gestionnaires d’établissements et de services sociaux et médico-sociaux ou des associations, comme le Groupement pour l’insertion des handicapés physiques (GIHP), APF France handicap ou l’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei). Dans les faits, l’habitat inclusif existe déjà, mais sans cadre juridique et sans encadrement financier pour aider les personnes âgées et handicapées. En décembre 2016, le comité interministériel du handicap (CIH) avait créé un observatoire de l’habitat inclusif afin de promouvoir le développement de ce type d’habitat, grâce notamment à la diffusion de bonnes pratiques ou à la formalisation d’outils pour les porteurs de projets. En novembre 2017, à l’initiative de plusieurs administrations de l’Etat, un guide de l’habitat inclusif a été publié. Des appels à candidatures ont été lancés par des agences régionales de santé (ARS) pour expérimenter des solutions d’habitat inclusif.

Entrée dans le droit commun

La loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi « Elan », a permis la reconnaissance officielle de ces initiatives et leur entrée dans le droit commun. Elle a inscrit dans le code de l’action sociale et des familles (CASF) la définition de l’habitat inclusif pour les personnes handicapées et les personnes âgées. Selon l’article 129 de cette loi, l’habitat inclusif est « destiné aux personnes handicapées et aux personnes âgées qui font le choix, à titre de résidence principale, d’un mode d’habitation regroupé, entre elles ou avec d’autres personnes ». Le législateur a fait le choix d’une définition souple, peu normative afin de laisser une marge de manœuvre aux porteurs de projets et permettre « la plus grande diversité possible d’habitats inclusifs », précise la direction générale de la cohésion sociale (DGCS). « Le projet d’arrêté fixe six grandes orientations de l’habitat inclusif : les fondamentaux, l’environnement de l’habitat inclusif, l’accompagnement des habitants, le public visé, l’élaboration du projet de vie sociale et partagée, la conception de l’habitat. » Ces formes d’habitat pourront notamment se constituer dans « un logement meublé ou non, occupé en colocation et construit ou aménagé spécifiquement à l’usage des personnes et comprenant des locaux communs affectés à la vie collective, ou dans un ensemble homogène de logements autonomes dans un immeuble ou dans des logements contigus comprenant également un local commun affecté au projet de vie collective ». La loi « Elan » a ouvert la possibilité d’organiser de la colocation dans le parc de logement social pour des personnes âgées ou des personnes handicapées, ce qui devrait faciliter la naissance de projets d’habitat inclusif.

Après la phase de la reconnaissance, le secteur social et médico-social aspire désormais à une généralisation de ces formes d’habitat sur les territoires. « Une mission est en cours, confiée à Pierre Jamet, conseiller maître à la Cour des comptes, ancien directeur général des services du département du Rhône, pour définir le modèle économique de la généralisation de l’habitat inclusif. Aujourd’hui, de l’ordre de 240 projets ont été identifiés dans 48 départements. Ce nombre demeure relativement faible, comparé aux 2 300 résidences autonomie et 620 résidences services seniors », souligne le rapport de l’atelier « cadre de vie et inclusion sociale » de la concertation « grand âge et autonomie ».

Un financement forfaitaire

L’habitat inclusif est obligatoirement assorti d’un projet de vie sociale et partagée. Celui-ci va être défini par un cahier des charges national, qui devrait être publié au premier semestre 2019, par arrêté des ministres chargés des personnes âgées, des personnes handicapées et du logement. Le projet d’arrêté prévoit que l’appui aux habitants se fait dans quatre dimensions : la veille et la sécurisation de la vie à domicile, le soutien à l’autonomie de la personne, le soutien à la convivialité et l’aide à la participation sociale et citoyenne. L’article L. 281-2 du CASF crée un forfait qui a vocation à financer l’organisation de la vie sociale de l’habitat inclusif. Il permettra ainsi, d’une part, aux personnes handicapées et aux personnes âgées qui ne peuvent vivre de façon autonome, de vivre dans leur chez-soi, dans un environnement sécurisé et adapté à leurs besoins et à leur rythme et, d’autre part, d’assurer la viabilité financière des projets d’habitat inclusif. Ce forfait « habitat inclusif », financé par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), est attribué à la personne morale chargée d’assurer le projet de vie sociale et partagée. Le montant, les modalités et les conditions de son versement seront fixés prochainement par décret. Selon la CNSA, le forfait « ne serait pas différencié entre personne âgée en perte d’autonomie et personne handicapée ; ne serait pas modulé selon le niveau de dépendance des personnes éligibles ; ne serait pas versé selon des critères d’éligibilité relatifs au statut et à la taille du porteur de projet ». A ce stade des discussions sur le texte, le forfait devrait se situer entre 3 000 € et 6 000 € par habitant. Chaque projet ne devrait pas recevoir plus de 60 000 €. Ce choix d’un financement par forfait s’inspire d’une expérimentation menée en 2017 et 2018, qui reposait sur l’attribution à chaque agence régionale de santé (ARS) d’une aide spécifique forfaitaire de 60 000 € par la CNSA pour le financement d’un projet d’habitat inclusif expérimental par région. Ce forfait était destiné à couvrir les frais de coordination, de gestion administrative et de rémunération d’une personne veillant à la régulation de la vie collective et sociale au sein de l’habitat inclusif. En 2019, la CNSA allouera, dans le cadre de la phase de généralisation, 15 millions d’euros au soutien à l’habitat inclusif pour les personnes âgées et les personnes en situation de handicap. La stratégie nationale pour l’autisme au sein des troubles du neuro-développement du 6 avril 2018 prévoit la création d’un habitat inclusif par département en 2019-2022. Des crédits à hauteur de 6,06 millions d’euros seront délégués aux ARS (2 millions de crédits nouveaux en 2019, 2020 et 2021) pour financer le forfait à hauteur d’un habitat inclusif pour adultes autistes par département. Pour les autres habitats, les ARS devront fixer « leurs priorités en termes de publics » selon les axes de leur projet régional de santé, indique le projet de circulaire budgétaire médico-sociale 2019. Dans son rapport remis le 28 mars à la ministre des Solidarités et de la Santé, Dominique Libault, pilote de la concertation « grand âge et autonomie », propose de demander la réalisation au conseil de l’âge du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA), avant fin 2021, d’une première évaluation à l’échelle nationale du forfait social habitat inclusif, « afin d’évaluer la pertinence d’un ajustement de son montant et de fixer un cadre favorisant la mutualisation des initiatives au niveau territorial ».

Mutualisation de la PCH

Pour les personnes handicapées, le financement de cette forme d’habitat regroupé a été l’occasion d’expérimenter la mutualisation d’une partie de la prestation de compensation du handicap (PCH) attribuée aux personnes, permettant une présence quotidienne de professionnels de l’accompagnement. En 2017, la DGCS avait publié une note récapitulant les « modalités de mise en commun de la PCH ». « Les dispositions législatives et réglementaires n’y font aucun obstacle », rappelait l’administration centrale. « Décidée par les personnes handicapées, la mise en commun permet, dans certains cas, d’accéder ou de faciliter l’accès à un service à domicile au sein d’un habitat inclusif ou partagé ou d’augmenter l’amplitude horaire d’intervention d’aide humaine. » Tous les volets de la PCH peuvent être mutualisés, partiellement ou totalement : l’aide humaine mais aussi les aides techniques ou l’adaptation du logement. Le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) avait alors émis un avis défavorable sur cette note. Dans le cadre de la préparation de la 5e Conférence nationale du handicap, qui doit être conclue en juin 2019, et au cours de laquelle sera abordé le chantier de la réforme de la PCH, la Coordination handicap et autonomie-Vie autonome France a réaffirmé, dans une contribution publiée en mars 2019, être totalement opposée à toute mutualisation de la prestation de compensation du handicap. « En aucun cas les heures de PCH “aide humaine” ne pourraient être mutualisées puisqu’elles sont le fruit d’une évaluation des besoins individuels pour des temps à consacrer uniquement à une personne. Les partager reviendrait à dire qu’une personne n’aurait pas vraiment l’utilité de ces temps d’accompagnement individuel, ce qui est faux par nature. Une telle mutualisation serait nécessairement aliénante en ce qu’elle s’opposerait, pour l’intéressé, à sa sortie du dispositif de mutualisation, que ce soit pour partir ponctuellement (week-end, vacances) ou changer carrément de mode de vie », considère la Coordination handicap et autonomie. « En outre, si des choix personnels librement déterminés, sans questions de moyens financiers, doivent pouvoir être respectés par la collectivité, l’introduction par la loi de la possibilité de prévoir la mise en commun d’heures de PCH ouvre la porte à une évaluation non individualisée des besoins. Ainsi, pourquoi n’en arriverait-on pas à envisager qu’un même salarié puisse nourrir deux personnes simultanément puisqu’il dispose de deux mains ? Si cette question peut apparaître très exagérée dans l’immédiat, le restera-t-elle à l’appel des sirènes comptables ? Alors, l’habitat partagé révélerait vraiment l’objectif poursuivi à l’opposé même de la notion d’autonomie et de choix de vie ! », critique-t-elle. Elle demande pour les personnes souhaitant vivre en habitat partagé ainsi que pour les personnes vivant en habitat individuel mais gérant plusieurs auxiliaires de vie, d’ajouter à leurs PCH individuelles un volet “coordination”, c’est-à-dire un quota d’heures permettant d’assurer la coordination des intervenants. A contresens, le rapport « Libault » propose, lui, que la DGCS rédige une note à l’intention des départements précisant le cadre légal permettant la mise en commun de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) (ou de la future prestation autonomie) entre les résidents d’un habitat regroupé. La polémique sur la mutualisation de l’APA entre les occupants d’un habitat regroupé gagnera-t-elle le secteur du grand âge ?

Le pilotage

Au niveau des territoires, le pilotage du déploiement de l’habitat inclusif relève de la conférence départementale des financeurs. Elle est chargée de recenser les initiatives locales et de définir un programme coordonné de financement de l’habitat inclusif, dont le financement par le forfait pour l’habitat inclusif. Pour ce faire, elle doit s’appuyer sur des diagnostics territoriaux existants et partagés entre les acteurs concernés.

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