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Un an après, tout reste à faire

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Dévoilée le 6 avril 2018 en grande pompe par le Premier ministre, la stratégie « autisme » au sein des troubles du neuro-développement a fêté sa première année. Loin d’être enthousiastes, les associations de familles s’impatientent car ses effets tardent à se faire sentir. Le point d’étape fait le 1er avril par Sophie Cluzel, secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées, ne les a pas davantage convaincues.

Trois cent quarante-quatre millions d’euros jusqu’en 2022, cinq engagements, vingt mesures phares… Et pourtant, un an après le lancement de la stratégie « autisme » au sein des troubles du neuro-développement, la déception est grande au sein des familles concernées. Le gouvernement se veut malgré tout rassurant et avance que cette stratégie portera ses fruits à la rentrée. Sophie Cluzel, secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées, et Claire Compagnon, déléguée interministérielle chargée du dossier, ont d’ailleurs étayé cette affirmation en faisant un premier point d’étape le 1er avril dernier – veille de la Journée mondiale de l’autisme – sur la mise en œuvre de cette stratégie. « C’est plutôt un travail souterrain qui a été mené ces derniers mois, souligne Claire Compagnon. Il ne montre pas encore de résultats concrets en termes d’action mais il était nécessaire. » Alors que Sophie Cluzel exprime une certaine satisfaction : « La mobilisation intense autour de cette première année de mise en œuvre a permis de soutenir une dynamique de co-construction inédite. »

Une intervention précoce

Les recommandations de bonnes pratiques de la Haute Autorité de santé indiquent que la précocité des interventions est déterminante pour ces enfants atteints de troubles du spectre autistique. Une priorité qui semble avoir été suivie dès la première année de cette stratégie puisque, d’ores et déjà, un « parcours de bilan et d’intervention précoce pour les enfants de 0 à 6 ans » a été acté via un forfait « intervention précoce » créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019. Ce forfait permet de « solvabiliser » les bilans diagnostiques et les interventions d’ergothérapeutes et de psychomotriciens : 1 500 € sont prévus pour chacun d’eux, comprenant un premier bilan (140 €) puis la prise en charge, d’environ 35 séances sur 12 mois. Ce à quoi s’ajoute un bilan complet d’un psychologue, d’une valeur de 300 €. Le forfait « intervention précoce » garantit donc un reste à charge nul pour les familles, ce qui, selon Sophie Cluzel, représenterait 3 300 € d’économies.

Ce forfait est, certes, acté mais pas encore réellement opérationnel… Et pour cause : ce sont les plateformes d’intervention précoce qui valident son octroi. Au nombre de 30, celles-ci doivent être mises en place d’ici à la fin de l’année, dont une dizaine à la fin juin – un obstacle certain à une intervention précoce. Un autre point de tension peut également ralentir l’effectivité du forfait : le fait que les médecins n’y aient pas encore été sensibilisés. Ces derniers ont à leur charge d’orienter les familles vers de telles plateformes, qui sont la seule porte d’entrée pour accéder au dispositif. Problème de taille, les médecins doivent être outillés, notamment grâce à une grille de repérage des signaux d’alerte, laquelle n’est toujours pas finalisée. C’est d’autant plus dommageable que deux consultations majorées pour le repérage des troubles du spectre autistique ont déjà été officialisées au Journal officiel. Selon Danièle Langloys, présidente de l’association France autisme, cette mesure est pourtant positive : « La majoration des tarifs des consultations peut permettre de motiver les médecins à accepter de suivre des enfants autistes, patients qui nécessitent plus de temps. »Avant de conclure, agacée : « Mais ces professionnels de santé n’ont pas été formés en amont, cela va donc retomber à plat. L’Etat a mis la charrue avant les bœufs. »

Lors de sa présentation le 6 avril 2018, le maître mot de cette stratégie était l’inclusion, notamment à l’école. Elle prévoit ainsi de tripler le nombre d’unités d’enseignement en maternelle autisme (UEMA), avec la création de 180 nouvelles unités. Mais seulement 30 d’entre elles seront ouvertes à la rentrée 2019. Afin de favoriser la fluidité des parcours, une offre de scolarisation renforcée en école élémentaire est par ailleurs mise en place pour les enfants autistes. Six unités élémentaires sont ­désormais ouvertes et dix autres ouvriront à la rentrée 2019. Mais le compte n’y est pas, selon les associations de familles, qui s’interrogent sur ces chiffres alors qu’à la rentrée prochaine l’instruction des enfants devient obligatoire dès 3 ans et que, chaque année, plus de 6 000 enfants naissent autistes.

Une génération d’enfants sacrifiés ?

Aujourd’hui, ce sont plus de 600 000 personnes qui souffrent de troubles du spectre autistique, même si seulement 75 000 sont diagnostiquées, dont 20 % lourdement handicapées. Pour ces dernières, l’inclusion dans la société ne pourra pas se faire par le logement partagé ou par l’emploi accompagné, favorisés dans cette stratégie, car elles ont besoin d’être accompagnées en permanence dans tous les gestes de la vie. « Pour toutes ces personnes, il n’y a aucune perspective, la stratégie ne prévoit rien », commente Christine Meignien, présidente de la fédération française de l’association Sésame autisme. Et d’ajouter : « Le ministère dit travailler pour la génération actuelle, les enfants qui sont nés en 2018-2019, mais qu’est-ce qu’on fait pour ceux qui sont là et qui attendent depuis des années dans des états de déshérence ? Ce sont plus de dizaines de milliers de personnes qui sont abandonnées… » Une critique qui avait déjà été faite lors de la présentation de cette stratégie, mais s’y ajoute à présent le constat d’une insatisfaction, plus de douze mois après le lancement de sa mise en œuvre. « Celle-ci nous a été présentée comme une révolution, cependant, strictement rien n’a changé sur le terrain. Au contraire, les familles se plaignent que la situation régresse. » Danièle Langloys détaille : « Les diagnostics sont de plus en plus compliqués, l’école est de plus en plus exclusive et les maisons départementales des personnes handicapées orientent systématiquement les enfants autistes qui dérangent dans des instituts médico-éducatifs qui ont trois ou quatre ans d’attente, sont souvent très incompétents en autisme et ne scolarisent pas dans la grande majorité des cas. »

Cette stratégie a pour ambition de rattraper le retard historique de la France dans sa politique de l’autisme. Un retard qui a d’ailleurs été pointé dans le dernier compte rendu de la rapporteuse spéciale des Nations unies sur les droits des personnes handicapées, publié en mars dernier. Dans ce document, Catalina Devandas Aguilar s’inquiète du sort des personnes autistes dans l’Hexagone : « Le manque, voire l’absence totale, d’informations relatives à l’autisme en France complique considérablement le travail de conception et d’élaboration de mesures adaptées aux besoins des intéressés et de leurs droits. » Le gouvernement a donc tout à faire d’ici à 2022 pour convaincre les associations des familles, les personnes autistes – et la rapporteuse des Nations unies – que cette stratégie est le bon choix afin d’améliorer la prise en charge des personnes autistes.

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