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Etat des lieux du racisme en France

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Dans son rapport annuel sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme signale une tolérance en progression, mais elle souligne des actes discriminatoires toujours sous-évalués.

Le 28e rapport de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) s’ouvre sur un constat optimiste :« Les sentiments à l’égard des immigrés et des minorités évoluent vers plus de tolérance. » L’indice longitudinal de tolérance, mode de calcul de l’évolution des préjugés, en forte amélioration depuis 2013, a augmenté de deux points pour atteindre 67 sur 100. L’année 2018 est « une année record pour l’acceptation des musulmans et de l’islam », et l’indice a progressé de deux points envers les Maghrébins. Un phénomène « d’autant plus remarquable qu’il intervient dans un contexte où la menace terroriste et la question de l’accueil des réfugiés continuent à être au cœur du débat public », note la CNCDH. Mais une analyse plus fine est essentielle. Par exemple, si les Noirs sont associés à l’indice de tolérance le plus fort – donc à la meilleure ouverture d’esprit –, il n’en reste pas moins que « dans le débat public, sur les réseaux sociaux et dans la vie de tous les jours, c’est à leur encontre que s’exprime le racisme le plus cru, infériorisant et animalisant », souligne le rapport.

Surtout, les actes discriminatoires restent largement sous-évalués. Pour établir leur nombre, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme ne peut s’appuyer que sur deux sources : le ministère de l’Intérieur et le Service central du renseignement territorial (SCRT). Le premier comptabilise 5 170 infractions commises en raison de l’origine, de la nature, de la prétendue race ou religion en 2018, soit une baisse pour la troisième année de suite de ce type de contentieux. A l’inverse, le SCRT constate qu’après une baisse des faits comptabilisés entre 2015 et 2017, « cette dynamique est enrayée » : le nombre d’actes racistes est en hausse de 20 % entre 2017 et 2018. Les actes antisémites sont en forte hausse (+ 74 % par rapport à 2017) tandis que les actes antimusulmans connaissent une baisse de 18 %.

La CNCDH pointe le caractère lacunaire de ces statistiques, qui s’expliquerait, entre autres, par un « phénomène massif de sous-déclaration du racisme ». Les associations interrogées constatent une « forme de banalisation et d’accoutumance des victimes à ces expressions du racisme ordinaire. Ces incidents, qui ont un impact réel sur la vie des personnes, ne sont ainsi que très peu signalés. » Selon l’enquête « Cadre de vie et sécurité » de l’Insee 2018, 1,1 million de personnes ont été victimes d’au moins une atteinte à caractère raciste, antisémite ou xénophobe en 2017. Loin des quelques milliers recensés par le ministère de l’Intérieur. La réponse pénale reste par ailleurs limitée, avec environ 9 % des affaires donnant lieu à des condamnations pour infractions racistes, selon le ministère de la Justice.

Les Roms « particulièrement rejetés »

La Commission nationale consultative des droits de l’Homme recommande, dans la perspective d’améliorer la prise en compte des actes racistes, de « diffuser largement la possibilité pour les associations de pouvoir se manifester auprès du ministère de l’Intérieur afin d’assurer des permanences dans les commissariats ». Mais aussi de former davantage le personnel de police et gendarmerie à l’accueil des victimes, ou encore de poursuivre l’expérimentation du dispositif de pré-plainte en ligne. Sur les peines prononcées, la CNCDH recommande de « ne pas recourir de manière accrue au rappel à la loi, mais de favoriser des peines à vertus plus pédagogiques » comme la médiation pénale, ou en promouvant le développement de pratiques innovantes par les associations antiracistes ayant acquis une expérience dans ce domaine.

Alors que la situation s’améliore globalement pour les autres minorités, les Roms restent « particulièrement rejetés, et la tolérance à leur endroit a très peu évolué depuis novembre 2016 », relève la CNCDH. Cette minorité, avec un indice de tolérance de 35 points, contre 79 pour les Noirs ou 73 pour les Maghrébins, est la plus stigmatisée. Conséquence, entre autres, de ces préjugés négatifs, les Roms « font face à de vraies difficultés pour accéder à certains droits fondamentaux tels que le droit au logement ».

Le rapport met également l’accent sur les discriminations subies par les Français des outre-mer. Démarches administratives « fastidieuses » et pratiques discriminatoires « illégales » parsèment le parcours des ultramarins arrivés en métropole. Les plus récurrentes touchent au droit au logement, comme en attestent les saisines des associations et les condamnations du défenseur des droits concernant notamment « la pratique du refus de caution locative en cas de domiciliation bancaire dans les outre-mer ».

Droit à la scolarisation

La non-scolarisation touche en particulier « les enfants roms ou perçus comme tels, enfants du voyage, enfants vivant en bidonvilles ou squats, mineurs non accompagnés et enfants vivant dans les outre-mer, en particulier en Guyane et à Mayotte ». La CNCDH déplore le refus de certains maires d’inscrire ces enfants dans l’école de leur commune, les expulsions entraînant des ruptures dans la scolarisation, ou encore le manque d’infrastructures et de personnel dans les outre-mer – qui impacte principalement les groupes stigmatisés comme les Amérindiens ou les Bushinenge en Guyane. La CNCDH rappelle les pouvoirs publics aux recommandations formulées en 2017 concernant l’effectivité du droit à l’éducation dans les outre-mer. Elle demande que soit engagée « une action coordonnée permettant à tous les enfants d’être scolarisés, quelle que soit leur origine réelle ou supposée », conformément à la Convention internationale des droits de l’enfant de 1989. Concernant le racisme à l’école, la commission recommande une étude initiée par le ministère de l’Education nationale sur les discriminations produites par le système scolaire. Enfin, elle encourage le ministère à « renforcer les liens qu’entretient le système éducatif avec les associations de lutte contre le racisme ».

Face à ces discriminations, le paysage associatif antiraciste s’est diversifié ces dernières années. La CNCDH s’est intéressée à ces nouveaux aspects. « La question de l’intersectionnalité se place au cœur des préoccupations des associations de nouvelle génération », note-t-elle ainsi. Entre autres exemples, l’association Lallab organise des ateliers, tables rondes et événements à la croisée des luttes entre racisme et sexisme, autour des femmes musulmanes. Le public, « plutôt jeune, souvent majoritairement féminin », de ces nouvelles associations se méfie « d’un universalisme qui, à ses yeux, risque de les ignorer dans leurs spécificités ».

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