La sortie de l’aide sociale à l’enfance (ASE) est une problématique pour tous les enfants placés et les professionnels qui s’occupent d’eux. A 18 ans, c’est un fait, la prise en charge n’est plus obligatoire et dépend d’une décision administrative départementale avec l’obtention d’un contrat « jeune majeur », pouvant durer jusqu’à 21 ans dans le meilleur des cas.
La direction de l’enfance, de la famille et de l’insertion (DEFI) de la Moselle a voulu en savoir plus sur ces jeunes sortant de l’ASE, en excluant les mineurs non accompagnés qui répondent à d’autres problématiques. Dans le cadre de l’Observatoire départemental de la protection de l’enfance, durant deux ans, 67 entretiens ont été menés en faisant le choix de les questionner sur leur parcours avant 18 ans et ce de manière approfondie pour qu’ils puissent rétrospectivement l’évaluer. Cette étude apporte ainsi des « données qualitatives très fines sur la manière dont les jeunes majeurs rationnalisent a postériori leur histoire et comment ils préparent leur avenir », commente Frédérique Streicher, sociologue et directrice scientifique de l’étude.
Cette étude, réalisée par des chercheurs et étudiants de l’institut régional du travail social et l’université de Lorraine, s’est organisée autour de deux phases : la première en 2016-2017 a permis d’interroger 41 personnes âgées de 16 à 21 ans, l’année suivante, seules 26 d’entre elles ont renouvelé leur participation. Une perte notable car celles qui n’ont pas souhaité prendre part à cette seconde phase étaient les plus en difficulté. La question du suivi des sortants de l’ASE est d’ailleurs une des difficultés de la protection de l’enfance puisqu’il n’existe aucune donnée sur le sujet, d’où l’intérêt de cette étude.
Il en ressort que les accompagnements éducatifs dans les espaces protégés ont favorisé la stabilité de l’environnement de l’enfant. Ils sont ainsi 85 % à considérer que les mesures de placement ont favorisé leur accès à des environnements éducatifs aidants, ainsi qu’à une future insertion sociale et professionnelle. Cependant, les mesures de placement ne parviennent pas à réduire les souffrances affectives et les difficultés de socialisation et d’apprentissage du fait d’un passé souvent traumatique, mais aussi de la répétition des changements de structures, ce qui entraîne inévitablement des ruptures relationnelles.
Les jeunes placés en famille d’accueil témoignent de leur chance alors que ceux qui ont été en collectivité auraient bien aimé en bénéficier. Néanmoins, la vie en foyer n’est pas négative, selon les témoignages rétrospectifs des jeunes interrogés. « Ce qui pose problème est la vie en collectivité, elle-même, avec la difficulté à trouver sa place, à s’isoler du bruit et des tensions entre jeunes », argumente Frédérique Streicher. Des problématiques qui n’enlèvent rien à l’accompagnement éducatif, 70 % des jeunes reconnaissent que les figures qui ont compté dans leur histoire sont les éducateurs spécialisés. « Ils racontent abondamment comment ces derniers les ont aidés dans leur orientation et leurs apprentissages », confie-t-elle. Parallèlement à cela, 80 % d’entre eux remercient l’ASE qui leur a permis de sortir de leur milieu d’origine et de faire des apprentissages psychosociaux, culturels et professionnels. « Ils analysent tous qu’ils auraient certainement mal tourné sans ce placement », conclut Frédérique Streicher.
Néanmoins, en fin de parcours et quelle que soit la réussite du jeune, l’anxiété est présente du fait de l’incertitude d’avoir un contrat « jeune majeur » ou même de l’échéance des 18 ou 21 ans, moment où le jeune va se retrouver seul sans le soutien de l’ASE ou l’appui leur famille d’origine.
Les résultats de cette étude seront présentés lors des prochaines Assises nationales de la protection de l’enfance, les 4 et 5 juillet à Marseille.