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L’ONU tacle les « contradictions » de la France

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Après dix jours de visite en France, la rapporteure spéciale de l’ONU sur le droit au logement, Leilani Farha, présentait ses conclusions le 12 avril. Hébergement indigne, droit au logement opposable peu efficient, sans-abrisme… Elle dénonce des violations de droits fondamentaux.

Rapporteure spéciale de l’ONU sur le droit au logement décent, Leilani Fahra s’est rendue, du 2 au 11 avril, dans les quatre coins de la France : Paris, Clichy-sous-Bois, Marseille, Toulouse, Calais, Grande-Synthe… Pour sa dernière année de mission, et alors qu’elle a parcouru « les pires bidonvilles d’Inde ou d’Egypte », la juriste canadienne l’assure : « C’était l’une des missions les plus chargées en émotion de ma carrière. » Elle a soulevé en préambule une série de « contradictions ». Intéressée depuis longtemps par le dispositif du droit au logement opposable (Dalo), un modèle législatif « très en avance » par rapport aux autres pays, elle affirme repartir avec « une certaine désillusion ». « J’ai rencontré beaucoup de personnes concernées par le Dalo mais qui attendent depuis dix ans, alors que la loi dit pas plus de six mois, raconte-t-elle. Dix ans ! » Autre contradiction majeure : « Vous avez un assez grand stock de logements sociaux, mais ceux-ci sont assez rares et inaccessibles pour ceux qui en ont le plus besoin. »

La rapporteure a mis particulièrement l’accent sur la situation des sans-abri. « Le sans-abrisme est le résultat de l’échec du gouvernement à mettre en œuvre le droit au logement », martèle-t-elle. Si elle salue l’existence du numéro d’urgence 115, connu de toutes les personnes rencontrées, elle note que « lorsque vous appelez, personne ne répond ». La qualité des services d’urgence et de la mise à l’abri fait défaut. Entre autres, « les hôtels pour les familles ne sont absolument pas dans le cadre des droits internationaux ». Elle se souvient d’une jeune femme victime de violences sexuelles au cours de son parcours migratoire, enceinte en France, hébergée dans une chambre au rez-de-chaussée d’un hôtel. « J’ai remarqué tout de suite qu’elle n’avait pas de fenêtre. Juste en face de sa porte, il y avait les toilettes publiques, avec des hommes qui ne cessaient de passer. Mais elle devait laisser sa porte ouverte, à défaut d’autre moyen d’aération. Il n’est pas nécessaire d’être avocate des droits de l’Homme pour se rendre compte que ce n’est pas une vie digne. »

Leilani Fahra s’est également dite « préoccupée » par les campements informels qu’elle a pu découvrir à Toulouse et à Marseille. Dans un squat occupé par 300 personnes migrantes, « les conditions de vie étaient épouvantables, les pièces surpeuplées. Sans aucun accès à l’alimentation, sans argent, les gens doivent récupérer les matelas dans la rue pour dormir. Il suffisait de voir leurs avant-bras avec toutes ces morsures et piqûres ! » Cette fois, l’experte de l’ONU l’assure : « C’était vraiment l’une des visites les plus difficiles que j’ai effectuées. Je me suis rendue dans les pires bidonvilles d’Inde et d’Egypte, mais c’était dur de voir cela dans un pays riche. »

A la suite de sa visite, la rapporteure s’attellera à la rédaction d’un rapport, voué à être présenté au Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, en mars 2020. Elle en a annoncé les contours au ministère du Logement le 11 avril. A l’heure actuelle, ni le ministre ni la porte-parole du gouvernement ne se sont prononcés publiquement à ce sujet.

Moratoire sur les expulsions forcées

A Calais et à Grande-Synthe, où l’obsession des « points de fixation » guide les pratiques des forces de l’ordre envers les exilés, Leilani Fahra s’est intéressée aux évacuations répétées. Elle rapporte des expulsions « toutes les 48 heures », au cours desquelles, « souvent, leurs biens sont confisqués : ils perdent leurs tentes, leurs papiers ». Du point de vue juridique, « les expulsions forcées constituent une violation grave du droit au logement. Quand celles-ci sont systématiques, dans le cadre d’une politique constamment appliquée, cela relève d’un traitement cruel, inhumain et dégradant », conclut-elle. Saisie en février par 34 associations sur la situation dans le nord de la France, Leilani Fahra demande un moratoire sur ces expulsions.

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