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Construire la politique familiale de demain

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La politique familiale doit s’adapter aux évolutions de notre société et répondre aux besoins de toutes les familles d’aujourd’hui, sans exception. C’est ce que défend Stéphane Landreau, secrétaire général de la Fnaafp-CSF, fédération de l’aide et des soins à domicile.

La politique familiale s’est construite à l’origine sur deux objectifs : l’un démographique, l’autre, plus pragmatique, étant de permettre aux familles de subvenir aux besoins de leurs enfants.

Aujourd’hui, les modèles familiaux ont beaucoup évolués. La famille “traditionnelle” ne représente plus que 25 % des ménages. Les besoins des familles ont également changés du fait des recompositions familiales, de l’éloignement des membres, de la reconnaissance nécessaire des familles mono et homoparentales, de l’allongement de la vie et de ce que nous reconnaissons comme “faisant famille”.

Au travers du concept de “familles”, nous approchons d’autres notions essentielles comme la coparentalité, l’intergénérationnelle, les nouvelles formes familiales, les charges d’éducation des enfants, l’aidant, les congés parentaux, la conciliation vie familiale/vie professionnelle… Il renvoie également à des besoins et à des droits dans les domaines de la santé, de l’éducation, du logement, de la consommation, de la culture et des loisirs. Cette représentation globale et transversale des “familles” explique pourquoi notre fédération aspire à construire sa propre vision de la politique familiale. En effet, l’aide à domicile telle que nous la mettons en œuvre se situe à l’intersection des valeurs associatives, des principes de l’économie sociale et solidaire, et d’une politique familiale attentive aux aspirations des familles et de leurs membres. Nous ne voyons pas l’aide à domicile comme un marché lucratif. Ce qui nous motive est ailleurs : le bien-être des familles que nous accompagnons est notre seule motivation et il passe par la construction d’une politique familiale rénovée et ambitieuse.

La politique familiale doit donc nécessairement être questionnée au regard de ces réalités, tout en continuant à s’appuyer sur trois piliers essentiels : l’universalité, la solidarité et la prévention.

1. L’universalité. Le principe d’universalité de la politique familiale découle de l’ordonnance du 4 octobre 1945 instaurant la sécurité sociale : “Le but à atteindre est la réalisation d’un plan qui couvre l’ensemble de la population du pays contre l’ensemble des facteurs d’insécurité.” La Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 stipule que “toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale”. C’est sur ce fondement que nous portons l’idée que chaque famille doit pouvoir bénéficier d’une politique ambitieuse de prestations, d’équipements et de services. Cette universalité a son pendant : chaque bénéficiaire doit contribuer au financement de la politique familiale en fonction du niveau de ses propres ressources.

La famille a connu de profondes mutations. Ainsi, tenter de la définir, d’établir un profil type, relève pour nous d’une démarche discriminatoire. Parce qu’elle doit être universelle, la politique familiale s’adresse sans aucune exception à toutes les familles dans leur diversité. Nous parlons des familles et non de la famille.

Il fut un temps où les responsables de certains mouvements familiaux valorisaient certaines familles “méritantes” comme les veuves ou les veufs, au détriment des familles devenues monoparentales suite à une séparation, un divorce ou les “filles mères” qu’il fallait remettre sur le droit chemin. Nous avons combattu ces stéréotypes avec la Confédération syndicale des familles et la Fédération syndicale des familles monoparentales, organisations familiales proches de la Fnaafp-CSF.

Aujourd’hui, les familles homoparentales, pour ne citer qu’elles, restent fortement discriminées même si la loi permet désormais aux couples de personnes de même sexe de se marier et d’adopter. Les stéréotypes portés notamment par la “Manif pour tous”, sont encore bien présents, et doivent être combattus sans relâche. La société ne progresse que lentement vers l’acceptation d’une réelle égalité des droits et aucun retour en arrière ne pourrait être accepté.

C’est pourquoi notre mouvement, chaque fois qu’il le peut, intervient pour contribuer à la disparition de toute forme de discrimination.

Nous sommes, par exemple, régulièrement confrontés, dans les travaux menés au niveau national, à des rédactions qui mettent en avant, parfois sans volonté d’exclure, le modèle familial “raditionnel” : un père, une mère, des enfants. Nous devons être vigilants à porter un message en direction de toutes les familles, à affirmer la place des deux parents quand ils sont deux, où celle du parent quand il est seul. Il faut rappeler sans relâche que le psychisme de l’enfant ne se structure pas uniquement parce qu’un père est avec la mère dans la relation à l’enfant.

2. La solidarité. Les différentes branches de la sécurité sociale, dont la branche famille, sont fondées sur un principe de solidarité dite “horizontale”. Il s’agit de couvrir des risques ou besoins jugés essentiels, et ceci quels que soient les revenus des personnes. Même s’il est mis à mal régulièrement, c’est ce principe qui permet par exemple l’accès et le remboursement des soins pour tous, ou un financement des retraites par la solidarité entre actifs et non actifs. De même, l’accompagnement à la parentalité, l’accès aux crèches, à l’aide à domicile, et à l’ensemble des dispositifs de la politique familiale doivent profiter à toutes les familles.

Une autre solidarité existe dite “verticale” qui s’incarne quant à elle dans les politiques sociales et dans l’impôt. Chaque individu doit participer au financement des services publics et de la protection sociale, en fonction de ses facultés contributives. Ambroise Croizat, l’un des fondateurs de la sécurité sociale, proposait que “chacun cotise selon ses moyens et reçoive selon ses besoins”.

C’est l’équilibre entre ces “deux solidarités” qui permet de construire une société égalitaire, solidaire des plus démunis. Cette articulation fine entre un accès universel à des aides et services publics, et la redistribution des ressources est aujourd’hui mise à mal. Il doit être questionné, non pas dans le sens d’un moindre accès à des prestations ou services, mais bien pour garantir l’accès de toutes et tous à une politique familiale répondant réellement aux besoins des personnes.

3. La prévention. La montée en puissance de la Convention internationale des droits de l’enfant de 1989 a permis la reconnaissance d’une nouvelle citoyenneté accordée aux enfants. Mais la mise en œuvre de ces nouveaux droits, qui a logiquement été confiée aux parents, reste un défi d’autant plus difficile à relever que la société impose à l’enfant d’aujourd’hui d’être dans la performance et la compétition.

Encourager une politique familiale universelle et solidaire, c’est permettre à tous les parents, avant même la survenance de difficultés, d’acquérir les moyens d’agir sur le bien-être de leurs enfants dès le plus jeune âge, sur leurs droits et de leur assurer un avenir ; c’est faire le choix d’orienter les financements publics vers plus de prévention primaire.

Accorder à tous les parents davantage de congés parentaux favorise les liens parents enfants nécessaires à leur bon développement.

Autre exemple : les dépenses de la Caisse nationale des allocations familiales pour l’accompagnement au domicile des familles en prévention de la dépression du post-partum, évitent des dépenses bien supérieures lorsqu’il s’agit de prendre en charge tardivement dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance, de la protection judiciaire de la jeunesse, ou dans des établissements de santé, des enfants et des jeunes ayant vécus, bébés, des troubles relationnels avec leur mère.

Notre proposition d’une nouvelle prestation familiale “périnatalité” illustre parfaitement ce que pourrait être une politique familiale efficace, universelle, solidaire et préventive. Cette prestation viserait à inscrire notre accompagnement à domicile en sortie de maternité par un(e) technicien(ne) de l’intervention sociale et familiale (TISF) dans un dispositif légal qui garantit les droits de toutes les familles.

La Fnaafp-CSF s’inscrit dans la longue tradition de la politique familiale fondée sur des principes forts que nous portons encore aujourd’hui. Si les changements sociaux ont profondément bouleversé le visage de la famille, la généralisation du travail des femmes, le choix de la conception, les légitimes revendications féministes et homosexuelles n’ont pas détricoté les liens familiaux. L’indifférenciation croissante des rôles féminins et masculins, le rééquilibrage des rapports entre les sexes, les nouvelles formes familiales, les modifications des repères traditionnels de la filiation et l’essor de nouvelles normes éducatives témoignent du déclin du modèle et des valeurs patriarcales. Ces bouleversements nous placent face à un défi important : penser la politique familiale de demain.

Avec toutes les familles, avec les associations qui les représentent, bien au-delà du cercle “classique” des associations familiales, nous devons réfléchir et faire évoluer le système actuel vers toujours plus de solidarité et d’égalité des droits.

C’est un immense chantier, mais c’est un chantier nécessaire à l’heure où le président de la République va restituer les contributions des Français au « grand débat national », auquel la Fnaafp-CSF, forte de son mouvement, de ses valeurs et de son histoire, a pris toute sa part. »

Contact : slandreau@fnaafp.org

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