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Paroles d’une ancienne enfant placée

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Julia(1) a été placée à 11 ans dans une structure d’hébergement d’urgence, avant d’intégrer un foyer de la protection de l’enfance. Dans le même temps, sa mère a été prise en charge en hôpital psychiatrique. Récit.

« Je considère que j’ai eu beaucoup de chance, j’ai été entourée par une équipe éducative avec une référente de l’ASE [aide sociale à l’enfance] qui a toujours bien fait son travail. J’ai été mise en relation avec une psychologue qui m’a aidée à accepter ma mère, à comprendre qu’elle était malade, alors qu’elle pouvait être monstrueuse : elle se rasait la tête, se scarifiait et pouvait être dangereuse vis-à-vis d’elle-même – une mère qu’on n’avait pas envie de voir à la sortie de l’école. Malgré son état psychologique très altéré, le lien a été conservé. Mes éducateurs référents étaient très investis, bien formés. Avec mes frères et sœurs, qui étaient placés ailleurs, on se rassemblait tous les mois dans une agence de l’ASE située à mi-chemin, où ma mère était également conviée. Elle n’a jamais raté aucun rendez-vous, et venait parfois avec deux heures d’avance. L’équipe sur place et celle de mon foyer étaient très ouvertes, et ne l’ont jamais ni jugée, ni critiquée devant moi. Il était important de voir que les éducateurs comprenaient la situation, qu’ils nous accompagnaient et qu’en elle ils voyaient une mère. Quand elle venait spontanément au foyer, ils l’accueillaient toujours et ne lui refusaient jamais l’accès. Jamais ils n’ont entravé le rapport entre ma mère et moi, même en voulant me protéger. Si c’était nous qui exprimions une peur, ils faisaient en sorte qu’on n’aille plus chez elle. Mais ils ne le faisaient jamais sans qu’on en exprime le besoin. Ils ont su gérer la situation avec ma mère. Grâce à cela, je suis aujourd’hui une adulte – à peu près – équilibrée. Les éducateurs ont fait un travail formidable, surtout pour que je ne me détache pas complètement de cette mère, malade malgré elle. Mais sans minimiser la peine et la haine que je pouvais ressentir envers elle. Pour moi, ma mère était une victime. Elle était présente aux réunions, elle était demandeuse. Cela aurait été un double châtiment que de couper le contact entre elle et nous. On a eu de la chance que ma tante aide les travailleurs sociaux à comprendre, à faire en sorte qu’on l’accepte.

Je ne sais pas si c’était un manque de moyens, de temps ou de connaissance, mais je pense que ma mère n’a pas du tout bénéficié du même soutien que nous. Lorsqu’elle a été hospitalisée, elle était avec des personnes qui souffraient de maladies différentes et qui étaient à des stades de déconnection plus avancés. Elle aurait dû avoir un référent social, un psychologue qui la suive régulièrement, et peut-être qu’elle aurait eu quelque chose à quoi se raccrocher. Elle a évité l’hospitalisation sur le long terme parce que ma tante, avec laquelle elle a vécu pendant dix ans, a joué le rôle de référente. La première fois qu’elle a été hospitalisée, ils l’ont gardée quatre mois, et ensuite un mois seulement, sans suivi après. Quel genre de diagnostic ont-ils fait, quel genre de traitement lui ont-ils administré ? Ils n’ont jamais dit ce qu’avait ma mère, et n’ont pas dit à ma tante comment l’aider pour la suite. »

Notes

(1) Le prénom a été changé.

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