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« On note des améliorations dès lors que la parentalité est mise en avant »

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Psychologue clinicien et psychothérapeute formé à l’approche systémique des familles et des institutions
Travaille-t-on différemment avec des parents souffrant de troubles mentaux ?

Savoir que quelqu’un est un schizophrène ne va pas forcément aider un travailleur social à se positionner. J’ai tendance à penser que le plus important, c’est de se rapprocher de la carte de lecture du monde de la personne en face. Pour l’aider à exprimer ses compétences, il faut partir de là où il est et ne pas l’attendre là où l’on voudrait qu’il soit. Quand je vais être avec un schizophrène, il y a fort à parier que mon regard sera coloré de tout ce que je sais de la maladie, et je risque de projeter sur lui quelque chose d’une image qui n’appartient qu’à moi. Ce travail demande un exercice particulier. Puisque l’autre me ressemble moins dans la compréhension du rapport au monde, cela va me demander de m’adapter un peu plus. On essaie de ne pas se contenter de les regarder à travers un prisme : « Vous venez voir votre enfant, vous avez été diagnostiqué schizophrène, très bien, mais moi ce qui m’intéresse, c’est vous en tant que papa, en tant que maman, et comment cela va se passer avec l’enfant. » La schizophrénie entraîne des particularités dans le comportement qui peuvent avoir un impact, je ne le nie pas. Mais ce qui m’importe, c’est de me demander comment les choses peuvent se passer de la manière la plus profitable pour la personne comme pour son enfant. Dès lors que les parents sont regardés différemment, et pas uniquement comme des malades, dès lors que la parentalité est bien mise en avant, on note un certain nombre d’améliorations.

La protection de l’enfance avance-t-elle sur ce type de problématique ?

Il y a encore du travail, mais, dans les groupes de travailleurs sociaux que j’accompagne, les choses bougent. J’ai un plaisir immense à mesurer la différence entre le début de la formation, où les personnes arrivent avec un certain nombre de préjugés, de craintes, et la capacité qu’il y a après à dire : peut-être que ce sont mes stéréotypes et que je vais arrêter de les projeter sur la personne en face. Ils gagnent une capacité à prendre du recul. On ne peut pas dire qu’il y ait eu des résultats qui se soient vérifiés partout. Mais on a pu observer des avancées, soit au niveau des conseils départementaux, soit au niveau des équipes, dans les mesures en Aemo [action éducative en milieu ouvert] qui sont raccourcies : une mesure qui durait en moyenne deux ans et demi est passée, après quelques mois de travail de formation, à un an et demi. Quand on considère les personnes comme des parents compétents et en capacité de faire les choses, le besoin de les accompagner se révèle moindre. Dans certains départements, en effet, il y a eu moins de placements, non du fait de notre travail mais de manière concomitante, avec le développement de placements hors les murs, et l’idée qu’on va travailler au domicile, où les enfants sont au sein de la famille.

Ces parents sont-ils suffisamment accompagnés ?

Travailler à la parentalité, cela doit se faire avec les parents et avec les enfants. Certains parents interrogeaient des travailleurs sociaux : « Vous me demandez de montrer que je suis capable de gérer mon enfant, mais il est placé. Comment suis-je supposé faire ? » Parfois, les placements sont la seule solution, mais c’est la plus violente qui soit à disposition dans la protection de l’enfance, parce qu’elle implique une séparation, souvent mal vécue par tout le monde. Ils doivent rester exceptionnels et pensés comme un moyen d’amener le changement, et pas une fin en soi. Les enfants doivent être mis à l’abri le temps que les choses évoluent. Ce lien aux parents existe, et il faut faire en sorte qu’il soit le plus porteur possible, d’autant que ces parents-là peuvent avoir eu aussi des histoires difficiles. La psychologie et la psychiatrie ont clairement leur place dans la protection de l’enfance, et une place non négligeable. Il y a des gens qui peuvent avoir vécu des traumatismes étant enfants, et il leur faut un espace où ils sont reçus et entendus. Et si ces difficultés sont moins compliquées à supporter pour eux, elles le seront d’autant moins dans leur rapport à leurs enfants. Je ne sais pas si cet espace doit relever ou non de l’injonction : on peut le leur proposer, et si la personne accepte, le travail avec le psychologue sera facilité. Mais les soins vont coûter et il faut accepter d’y mettre les moyens, car quand les familles sont accompagnées par quelqu’un qui a déjà 30 mesures à gérer, le temps qui leur est consacré n’est pas le même.

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