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Des sénateurs prônent une assurance obligatoire par répartition

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Un rapport corédigé par les sénateurs Michelle Meunier et Bernard Bonne, rendu public le 4 avril, défend l’idée d’une assurance dépendance obligatoire. Elle s’élèverait à 12 € par mois en moyenne pour chaque Français, si la cotisation démarre à l’entrée dans la vie active.

Parallèlement à la mission confiée à Dominique Libault de définir les grandes lignes d’une réforme de la prise en charge de la perte d’autonomie, la commission des affaires sociales du Sénat s’est penchée sur les aspects financiers de la dépendance. Ces travaux complémentaires, menés par Bernard Bonne (sénateur Les Républicains de la Loire) et Michelle Meunier (sénatrice du groupe socialiste et républicain de la Loire-Atlantique), ont été rendus publics le 4 avril. Et force est de constater qu’ils prônent un financement bien différent de celui issu de la concertation « grand âge et autonomie ». En effet, les auteurs du rapport, adopté le 3 avril par la commission des affaires sociales du Sénat, écartent immédiatement la piste du recours à la solidarité nationale.

Ainsi, alors que le rapport « Libault »(1) évalue à quelque 9 milliards d’euros par an, à l’horizon 2030, la dépense publique nécessaire pour financer la dépendance et préconise de maintenir, au-delà de sa fin théorique en 2024, la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), Bernard Bonne et Michelle Meunier proposent de mettre en place une assurance obligatoire par répartition. « Disons-le franchement : la trajectoire financière tracée par le rapport “Libault” ne nous paraît pas assez réaliste, justifie le sénateur de la Loire. Ce dernier affiche en effet la conviction que les financements publics dégagés par l’extinction de la dette sociale suffiront, dès 2024, à combler l’ensemble des besoins aujourd’hui exprimés par les personnes âgées dépendantes. » « Convaincus des lacunes de ce modèle, nous avons ensemble convenu qu’avant l’intervention de la solidarité nationale, la couverture financière de la dépendance devait prioritairement faire appel à un mécanisme assurantiel, dont la dimension solidaire ne serait pas seulement assurée par l’universalité du droit, mais aussi par la mutualisation préalable du risque », développe encore Michelle Meunier.

Une cotisation proportionnelle aux revenus

Concrètement, selon le rapport sénatorial, cette assurance pourrait coûter à chaque Français en moyenne 12 € par mois si elle était mise en place dès le début de la vie active. « Mais les cotisations seraient modulées en fonction des revenus. Certaines personnes paieront ainsi 1 € ou 2 € et d’autres qui paieront 20 €. On ne devrait cependant pas dépasser cette somme », assure le sénateur de la Loire. Cette assurance permettrait à chacun d’obtenir une rente de quelque 500 € par mois en moyenne en cas de dépendance dès le GIR 4 (groupe iso-ressources), et se cumulerait avec l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Toutefois, les rapporteurs reconnaissent « une légère divergence quant à la nature de l’assureur ». Si Michelle Meunier souhaite une intégration au système public de sécurité sociale, Bernard Bonne, pour sa part, se montre favorable à ce que cette gestion du risque dépendance relève du secteur privé. « Je ne suis pas obtus. Pourvu que l’on ait une recette assurantielle et qu’elle soit vraiment affectée à la dépendance, c’est l’essentiel, nuance ce dernier. Si jamais, pour que ce schéma soit accepté, il faut en passer par des recettes publiques, cela ne me gênerait pas. Qu’elle soit privée ou publique, peu importe, il faut qu’elle soit obligatoire ».

Et à ceux qui vont leur reprocher de créer une nouvelle taxe, alors même que la ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, a encore récemment affirmé que la future réforme ne créerait pas d’impôt supplémentaire, les sénateurs ont déjà aiguisé leurs arguments. « Il faut être clair, soutient Bernard Bonne. A un moment donné, il faut répondre à la prise en charge de la dépendance. Cela fait 20 ans que l’on débat sur le sujet sans prendre de décision, sans trancher. Donc, oui, nous préconisons de créer un nouveau prélèvement obligatoire. » En sachant qu’il y aura entre 20 000 et 40 000 personnes dépendantes de plus tous les ans d’ici 2050, et en ne commençant pas à prévoir leur prise en charge, « nous courons à la catastrophe », prévient-il. Les sénateurs appuient leur argumentation avec l’exemple de l’Allemagne. Dans ce pays, cette assurance obligatoire à partir de 40 ans, d’un montant de 28 €, existe depuis 1995. Et ils préconisent pour la France « qu’elle le soit dès l’entrée dans la vie active de façon à ce que la cotisation soit moins élevée et que les répartitions soient plus larges et plus faciles. »

Le « reste à charge », « un problème préoccupant »

Au-delà de tracer les contours d’un nouveau modèle de financement de la dépendance, ce rapport, qui contient un total de 20 propositions, met en avant deux autres grands axes de réflexions. En premier lieu, les sénateurs ont tenté de définir plus précisément la notion de « reste à charge » des personnes âgées dépendantes qui s’avère être « un problème préoccupant ». Selon les données du rapport sénatorial, il y a un reste à charge global de 7 milliards d’euros pour une population de 1,2 million de personnes. Ce qui donne un résultat moyen mensuel de 490 €. « Ce chiffre cache néanmoins de très importantes disparités entre les personnes suivies à leur domicile et les personnes accueillies en établissement : 80 € par mois en moyenne pour les premières et près de 950 € pour les secondes », détaille Bernard Bonne. « Cette profonde disparité entre le domicile et l’établissement n’est pas due, à notre sens, qu’aux frais mécaniquement plus élevés qu’engendre un accueil hôtelier en Ehpad, poursuit le sénateur de la Loire. Elle s’explique par un phénomène particulier, jusqu’ici trop peu connu : le renoncement de la personne âgée suivie à domicile à une partie du plan APA auquel elle a pourtant droit sur la seule base de ses ressources financières. »

L’autre axe de réflexion du rapport est de rappeler le rôle essentiel du conseil départemental. Alors que l’exercice de la politique publique de la dépendance menée par ce dernier est largement critiqué (certaines voix estiment notamment qu’il y aurait une trop grande hétérogénéité de l’offre), les sénateurs proposent de renforcer ses attributions. « L’offre des départements n’est pas si différente et disparate que cela, assure Michelle Meunier. Nous sommes donc persuadés que les départements ont encore un rôle à jouer. Ils ont la connaissance, les compétences, la proximité… C’est vraiment l’échelon idéal. En tout cas, il faut une entrée unique. La tarification dichotomique actuelle entre l’Etat et les départements ne doit plus exister. Si nous ne disons pas précisément dans le rapport qui sera le seul financeur entre l’Etat ou les départements, nous préconisons très fortement les départements. »

Une phase d’expérimentation

Pour aider à bien évaluer la situation, les rapporteurs recommandent d’expérimenter, dans une ou deux régions, le principe d’une prise en charge pour moitié par les départements et pour moitié par l’Etat, par le biais des agences régionales de santé (ARS) afin de juger qu’elle est la meilleure des solutions. « Pendant trois ans, on regarde s’il y en a un qui gère mieux que l’autre, ce qui est le plus intéressant, le plus économe et le plus pratique dans l’intérêt des personnes âgées, précise Bernard Bonne. Dans tous les cas, il y aurait une économie importante de réalisée au niveau de chaque structure. Aujourd’hui, on se rend compte que les directeurs ont à répondre à deux tarificateurs, à refaire des dossiers. Tout est compliqué. On ne sait pas si l’aide-soignant est payé par le département ou par l’ARS. Nous voulons donc simplifier tout ça. Ce qui redonnerait aussi une légitimité à l’action sociale du département. » En pleine crise des « gilets jaunes », cette idée est peut-être à creuser de la part du gouvernement.

Vers un surloyer solidaire dans les Ehpad ?

La proposition n° 13 du rapport préconise « de mettre en œuvre la modulation du tarif hébergement en fonction des ressources dans les Ehpad publics et privés à but non lucratif (qui représentent près de trois quarts de l’offre disponible), en prévoyant un contrôle du tarificateur ». « Concrètement, nous proposons de mettre en place un surloyer solidaire, comme cela existe déjà dans certaines crèches pour enfants, explique Michelle Meunier. Ainsi, il serait possible de bénéficier de la même structure, du même personnel tout en ne payant pas le même montant selon les ressources. »

Notes

(1) Voir ASH n° 3105 du 5-04-19, p. 6.

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