Il n’est pas question de communautarisme mais d’affinitaire, de respect de l’identité. Quelles que soient son orientation sexuelle, sa culture, son identité de genre, tout le monde se retrouve sur la question : avec qui ai-je envie de vieillir ? La règle républicaine égalitaire que l’on nous rabat aujourd’hui est totalement maltraitante et fausse. Il existe déjà des lieux communautaires qui regroupent des personnes âgées par affinités, en fonction de leur religion, les entreprises – établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) pour anciens cheminots, par exemple –, les foyers Adoma pour les immigrés âgés. Ou encore par sélection financière comme pour certaines résidences services seniors. Cette faculté qui existe pour certains, n’existe pas pour les personnes LGBT. La filière gérontologique n’est pas respectueuse de l’identité des individus. Toute la vie, on choisit avec qui on mange, avec qui on dort, avec qui on baise, avec qui on rit. Pourquoi faudrait-il que cela change une fois qu’on est vieux ? Quand une personne âgée fait partie d’une minorité en raison de son orientation sexuelle ou de son identité de genre, on comprend vite que ces lieux ne sont pas assez respectueux. Vous allez craindre de dire à votre voisin de chambre que vous êtes homosexuel. Ne parlons pas des personnes trans qui ne peuvent pas parler de leur transition et de comment ils ou elles l’ont vécue. La société doit s’adapter et proposer des lieux inclusifs, qui permettent de se sentir libre, respecté. Des lieux dans lesquels on peut raconter sa vie sans se sentir ostracisé ou montré du doigt. C’est le b.a.-ba de la bientraitance.
Cette démarche donne un signal fort de la prise en compte des identités et de la diversité comme une composante essentielle de la qualité de vie des personnes. Ce label va être un signal d’appel. Mais il ne s’agit pas de faire du « pink washing », c’est-à-dire de mettre en avant une charte et que rien ne soit fait en termes d’outils, de formation et de sensibilisation des personnels. Pour faire vivre la démarche auprès des salariés, des bénévoles, des résidents et des familles, il est prévu la nomination d’un référent du label dans les établissements ou services d’aide à domicile, la création d’outils et de fiches de situation. On propose également une ligne d’écoute pour faire une auto-évaluation pendant un an et partager les bonnes pratiques. Cette démarche va sensibiliser tout le secteur associatif LGBT qui est dans l’exclusion plus encore que la société civile. Les associations familiales LGBT ne se préoccupent quasi exclusivement que de la filiation et pas des vieux.
Ce projet, sur un mode affinitaire, est soutenu par le centre d’action sociale et la régie immobilière de la ville de Paris. L’objectif est de permettre à un groupe de quatre personnes, dont trois de plus de 65 ans, qui ont envies de vieillir et de vivre ensemble, d’être locataires d’un grand appartement parisien. La cohabitation entre dans le cadre des habitats alternatifs du rapport de Dominique Libault(1). Ce type de colocation est très facilement duplicable.
Fondateur de l’association Grey Pride, Francis Carrier est un militant de la première heure de la lutte contre le sida et bénévole aux Petits Frères des pauvres. Des engagements qui l’ont conduit à se préoccuper des conditions de vie des personnes âgées et plus particulièrement des seniors LGBT+.