ILYA, MAMUKA, MIGUEL, NERKIS, RAHIM, RUSLAN ET YINDIS sont incarcérés à la prison de Fresnes et ont tous, entre décembre et février dernier, cherché à déposer une demande d’asile. Aucun d’entre eux n’avait pu le faire avant car ils ont été interpellés à l’aéroport et mis immédiatement sous mandat d’arrêt extraditionnel ou condamnés en comparution immédiate à une peine complémentaire d’interdiction du territoire, sans passage en centre de rétention administratif ou en zone d’attente. N’ayant pas droit à une permission de sortie afin de se rendre au guichet unique d’enregistrement, ils ont adressé leur demande par courrier à la préfecture du Val-de-Marne, mais les sept demandes d’asile sont restées sans réponse.
Face à cette situation, et soutenus par quatre associations – Droits à l’urgence, la section française de l’Observatoire international des prisons (OIP-SF), la Cimade et le Gisti –, les sept détenus ont saisi le tribunal administratif de Melun de requêtes en référé. Des démarches qui se sont soldées par une victoire, le tribunal administratif du Val-de-Marne ayant rendu le 13 mars dernier sept ordonnances similaires. Dans ces documents, il est rappelé qu’il appartient aux services préfectoraux ainsi qu’à l’administration pénitentiaire de mettre en place des procédures permettant le recueil et l’instruction des demandes d’asile formulées en détention. Et d’ajouter : « Les auteurs du code (de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) ont souhaité qu’un étranger puisse, le cas échéant, faire valoir son droit de déposer une demande d’asile, y compris s’il est incarcéré. » Pour Julien Fischmeister, coordinateur du point d’accès aux droits au centre pénitentiaire de Fresnes, cette décision est importante : « C’est la première fois qu’une juridiction française rappelle que le droit d’asile a aussi son application dans l’espace carcéral, cela n’avait jamais été fait. »
Une situation qui n’est pas exclusive à la prison de Fresnes, comme en témoignent les associations : « Les personnes qui sollicitent des demandes d’asile depuis les prisons de France voient la plupart du temps leur demande couronnée d’un silence royal de l’administration. Cela pose problème pour les personnes qui font face à des procédures d’expulsion directement exécutoire le jour de la fin de peine. » Et d’ajouter : « Ils sont immédiatement pris en charge par la préfecture via la police aux frontières ou d’autres services de la police ou de gendarmerie pour une reconduite à la sortie du territoire. »
Déjà, le 9 mai 2014, le contrôleur général des lieux de privation de liberté avait alerté sur le caractère systémique de l’impossibilité de solliciter l’asile à laquelle les détenus faisaient face dans la quasi-totalité des établissements pénitentiaires. Ce qui amène certains à dire que « la prison est le parent pauvre du droit d’asile », car si les textes prévoient des procédures spécifiques relatives à l’examen des demandes d’asile en zone d’attente et en centre de rétention administrative, il n’en est rien quant aux demandes formulées depuis un établissement pénitentiaire. C’est la raison pour laquelle la Cimade, le Gisti, l’OIP-SF et Droits d’urgence militent pour une application de la procédure d’asile de droit commun dans l’espace carcéral par la mise en place d’un dispositif adapté et unique d’enregistrement des demandes de protection internationale. Julien Fischmeister souligne ainsi qu’à Fresnes « la police aux frontières se déplace déjà trois fois par semaine depuis des années pour notifier à des détenus étrangers des mesures d’éloignement ». Et de suggérer : « Il s’agirait donc à présent de mettre en place la présence une matinée par mois d’un représentant de la préfecture pour enregistrer les demandes d’asile », suggère-t-il.
Il n’est pas sûr que cette idée soit suivie. Alors que, le 13 mars, le tribunal administratif de Melun a enjoint la préfecture du Val-de-Marne d’enregistrer la demande d’asile des sept détenus dans un délai de quatre jours maximum, le 27 mars, rien n’avait été fait.