EN 2018, L’ÉTAT A RENONCÉ À PRESQUE 18 MILLIARDS D’EUROS DE RECETTES FISCALES EN FAVEUR DU LOGEMENT. Et encore, il ne s’agit que d’une estimation, qui doit être profondément revue. Dans un rapport publié le 21 mars, la Cour des comptes formule sept recommandations sur ce sujet, qu’elle a déjà traité à de nombreuses reprises depuis 2012. Sur le plan technique, elle a approfondi ses travaux, notamment en ce qui concerne le contrôle des dépenses fiscales consenties.
Le nouveau profil des dépenses dressé par la cour « est de nature à mettre en cause l’efficience de la plupart de ces dépenses fiscales, voire leur utilité ». En clair, pour mettre en œuvre sa politique du logement, l’Etat offre trop de cadeaux fiscaux sans en calculer le retour sur investissement. De plus, la complexité et l’éparpillement des dispositifs, qui se chevauchent parfois, ne permettent pas de dégager un cap cohérent. En effet, ce sont aujourd’hui pas moins de 66 dispositifs qui coexistent, dont 25 ont été conçus avant 2000. La plus ancienne date même de 1936. Cette « sédimentation », la Cour des comptes l’explique notamment par la double origine de ces mesures : deux tiers proviennent d’une proposition du gouvernement, les autres résultent d’amendements parlementaires au projet de loi de finances. La plupart d’entre elles n’ont été précédées « ni d’une réflexion sérieuse au regard de la moins-value de recettes qui en résulte, ni d’une recherche des mesures alternatives qui auraient permis d’atteindre les objectifs visés ». La cour recommande ainsi à l’Etat de limiter dans le temps les avantages fiscaux en faveur du logement et de conditionner leur renouvellement à une évaluation.
Une fois que la dépense fiscale est effectuée, encore faut-il évaluer ses effets et son efficacité. La Cour des comptes reconnaît qu’il s’agit, en règle générale, d’un exercice délicat. Et c’est encore plus vrai en matière de logement. « De surcroît, relèvent les magistrats, cette mesure est trop rarement fondée sur des objectifs quantitatifs (par exemple en termes de nombre de logements construits ou de prix des loyers sur un territoire) qui auraient été fixés lors de la création de la dépense fiscale, ou sur des données recueillies, partagées et analysées par les différentes administrations concernées. » Les effets indésirables, comme le risque inflationniste, l’inefficacité du ciblage ou la captation par des tiers ne sont pas non plus suffisamment mesurés. Principale raison : le manque de communication entre les différents services de l’Etat. La cour recommande d’améliorer le partage et l’exploitation des informations utiles à l’évaluation des dépenses fiscales en faveur du logement.
Deux dépenses fiscales sont dans le viseur de la cour et elles concernent toutes les deux les logements sociaux. S’agissant de l’exonération d’impôt sur les sociétés accordée aux organismes de logement social (OLS), c’est quasiment une habitude, la Cour des comptes en demandant l’abrogation depuis déjà plusieurs rapports : les bénéfices ne sont pas « forcément réinvestis » et l’avantage profite davantage aux organismes construisant peu ou ayant un parc occupé par des ménages plus aisés que la moyenne. Enfin, la cour souligne les effets néfastes des exonérations et dégrèvements des OLS portant sur les impôts locaux, qui « pénalisent les territoires dans lesquels ils sont les plus concentrés ».