AVEC UNE FORTE AUGMENTATION ENTRE 2005 ET 2015 (DE 12,6 % À 22,7 % DES PATHOLOGIES ENREGISTRÉES), la part des troubles psychiatriques est devenue dès 2009 le premier motif de demande des titres de séjour pour soins. En 2017, l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) a recensé plus de 8 000 personnes faisant une demande de titre de séjour pour soins pour des troubles de la santé mentale. Or c’est aussi, en proportion, ce motif de demande de titre de séjour pour soins qui reçoit le plus de réponses négatives, avec un taux de rejet qui atteint les 75 %.
Un changement d’orientation a été acté depuis que la loi du 7 mars 2016 relative aux droits des étrangers en France a confié l’évaluation des demandes de titres de séjour pour soins – qui incombaient auparavant aux médecins des agences régionales de santé – aux collèges de médecins du service médical de l’Ofii, placé sous l’autorité du ministère de l’Intérieur. Entre 2014 et 2017, le nombre d’avis favorables, toutes pathologies confondues, est ainsi passé de 77 % à 52 % pour les premières demandes comme pour les renouvellements, alors que « les pathologies à l’origine des demandes et les nationalités des demandeurs ont peu varié », note l’Ofii dans un rapport rendu aux parlementaires en novembre 2018.
L’office y soulignait « une grande similitude dans les certificats médicaux reçus […] dans les récits et exactions rapportées (tortures, viols, menaces, sévices…), ainsi parfois qu’une corrélation entre discours rapporté et pays d’origine ». « Le problème de la réalité de l’affection se pose parfois, notamment quand le diagnostic repose essentiellement sur des éléments déclaratifs », ajoutait-il encore. Un rapport qui met « directement en cause la bonne foi et l’expertise des soignants qui suivent les demandeurs d’asile », selon Sarah Iribarnegaray et Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky, auteures de la pétition « Reconnaître le trauma psychique des réfugiés ». Et qui témoignerait, pour la Cimade, d’une « obsession de lutte contre la fraude ».
« Il est de plus en plus difficile de faire reconnaître nos patients qui présentent des troubles psychiatriques, parce que l’Ofii considère que le traitement est disponible dans leurs pays d’origine, souligne de son côté Hakima Saadi. On fait valoir le fait qu’il n’y a pas que les médicaments mais aussi l’accompagnement et le lien thérapeutique, qui ont beaucoup d’effet. On peut ne pas avoir de traitement mais faire une psychothérapie et aller beaucoup mieux. Mais même ce fait est nié. De plus, on sait que le retour au pays peut réenclencher le traumatisme que la personne a connu là-bas. »