LA RÉFORME DE L’ALLOCATION PERSONNALISÉE D’AUTONOMIE (APA) à domicile par la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement (ASV) du 28 décembre 2015 visait à aider davantage les personnes les plus dépendantes, à diminuer la participation financière du bénéficiaire tout en offrant davantage de répit aux proches aidants. Et c’est pour mesurer l’application de la loi que la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) a, en 2016, remodelé son dispositif d’enquête trimestrielle de suivi de cette allocation qui, fin 2016, était perçue par plus de 758 000 bénéficiaires pour une dépense qui s’élevait à 3,3 milliards d’euros. Tout en excluant du champ de l’enquête les bénéficiaires de l’APA forfaitaire d’urgence et les prises en charge facultatives des groupes iso-ressources (GIR) 5 et 6, elle a interrogé 101 conseils départementaux pendant huit trimestres successifs, de début 2016 jusqu’à fin 2017. Un document intitulé « Deux ans d’application de la loi d’adaptation de la société au vieillissement », paru le 13 mars, est le fruit de ce travail.
Pour rappel, les plafonds des plans d’aide par GIR avaient été rehaussés de manière conséquente – de 1 312,67 € à 1 713,08 € mensuels pour les personnes en GIR 1 – par la loi « ASV ». Avec l’application progressive de la réforme au cours de l’année 2016, dix mois ont été laissés aux conseils départementaux pour réévaluer les plans d’aide saturés (à savoir ceux pour lesquels le montant total du plan équivalait au seuil légal d’avant la réforme). « Au cours de l’année 2016, les taux moyens de révisions[1] augmentent à partir du deuxième trimestre », relève la Drees, bondissants de 9,9 % à 14,1 % au deuxième trimestre. « C’est surtout lors de ce trimestre que le rythme de révision est le plus élevé ainsi qu’au quatrième trimestre (11,5). » De manière somme toute logique, les départements mettent progressivement en place les nouvelles directives jusqu’à l’échéance légale de révision des plans d’aide saturés. Le rythme de révision des plans d’aide se poursuit ensuite au premier (10,3 %) et au second (10,2 %) trimestres 2017 avant de subir un ralentissement par la suite (respectivement 7,7 % et 8,5 % de révision aux troisième et quatrième trimestres. « Ces résultats ne permettent toutefois pas de distinguer quelle part de la hausse correspond spécifiquement à la mise en œuvre de la loi “ASV”, et quelle part s’explique par d’autres facteurs ou par des variations de nature saisonnière », prévient la Drees, qui ne disposait pas de données trimestrielles pré-réforme permettant la comparaison.
A la question de savoir si, dans un contexte de révision toutes voiles dehors, les autres évaluations réalisées par les équipes médico-sociales – notamment l’examen des nouvelles demandes et les renouvellements de droits – des départements avaient souffert de la mise en œuvre de la loi « ASV », l’institution répond par la négative. « La hausse des taux d’évaluation globaux (de 21 % à 25 %) est très similaire à celle observée pour les seuls taux de révision (de 9,9 % à 14,1 %), soit 4 points de pourcentage dans les deux cas. Ce parallélisme suggère que la variation des évaluations globales est portée principalement par l’augmentation des révisions sous l’effet de la loi “ASV”. Cette hausse des révisions ne semble donc pas s’être opérée au détriment des renouvellements ou du traitement des nouvelles demandes. »
La Drees note par ailleurs que les bénéficiaires dont le plan d’aide était, à l’époque, saturé, ont vu leur situation révisée – avec un potentiel nouveau plan au montant plus élevé à la clé – de manière prioritaire. « Entre début 2016 et fin 2017, la proportion de bénéficiaires ayant accès à des plans d’aide d’un montant supérieur aux plafonds en vigueur avant réforme augmente fortement. » Au premier rang des bénéficiaires, les GIR 1, catégorie dans laquelle près d’un allocataire sur deux a profité de la revalorisation des plafonds. En effet, si au premier trimestre 2016, les taux de plans d’aide dit « hors plafonds » (avant réforme) sont similaires pour les quatre niveaux de GIR, il quadruple pour les GIR 1 au deuxième (de 5 à 20 %) et poursuit son envolé à 38 % au quatrième trimestre, avant d’atteindre 46 % en décembre 2017. Pour les autres catégories, bien que l’évolution soit notable (+ 33 % pour les GIR 2, + 26 % pour les GIR 3 et + 13 % pour les GIR 4 entre début 2016 et fin 2017), elle n’est pas aussi spectaculaire.
Le montant desdits plans d’aide augmente également avec le niveau de dépendance. « En décembre 2017, il s’élève à 1 246 € mensuels pour les GIR 1, à 937 € pour les GIR 2, 650 € pour les GIR 3 et 362 € pour les GIR 4 », indique le document, pour un reste à charge inversement proportionnel au GIR, « les personnes les plus dépendantes s’acquittant en moyenne d’une plus faible part ». Une participation plus faible que par le passé (21 % pour les GIR 1 en 2016 contre 16 % fin 2017), qui pourrait signifier que le nouveau calcul du ticket modérateur a « davantage réduit la part restant à la charge des bénéficiaires les plus dépendants », l’un des objectifs de la loi « ASV ».
La dépense supplémentaire est principalement à la charge des départements, puisque sur les 547 € mensuels moyens alloués aux bénéficiaires de l’APA à domicile au mois de décembre 2017, 434 € proviennent des conseils départementaux. La moitié d’entre eux prennent en charge entre 76 % et 82 % du montant du plan d’aide notifié (la variation s’expliquant par le ticket modérateur), pour une participation du bénéficiaire qui tourne autour de 20 %.
Enfin, pour ce qui est des mesures d’aide aux proches aidants, qui consistent à majorer un plan d’aide saturé à hauteur d’environ 500 € annuels afin de financer un hébergement temporaire ou un accueil de jour, la Drees reste prudente.
Si elle remarque que « la proportion des conseils départementaux où au moins un bénéficiaire a pu profiter de cette mesure évolue progressivement de 6 % début 2016 à 31 % fin 2016, et 49 % fin 2017 », ce qui laisserait penser que la mise en place du dispositif est « relativement lente », les chiffres ne concernent que la moitié des départements.
Pour les autres, les remontées statistiques disponibles ne lui permettent pas de distinguer les cas où les départements n’ont pas encore mis en place la mesure des cas où elle est mise en place sans que personne n’en bénéficie, et également de ceux où le suivi statistique n’est pas suffisant.
(1) Calculés comme « le nombre de révisions réalisées durant le trimestre, rapporté au nombre total de bénéficiaires payés au titre du dernier mois du trimestre ».