LES ENFANTS DE MOINS DE 6 ANS CONFIÉS À L’AIDE SOCIALE À L’ENFANCE (ASE) représentent 14 % de l’ensemble du public accueilli. Ils étaient 21 340 au 31 décembre 2015. Et alors que nombre d’études ont été menées sur les adolescents pris en charge par l’ASE, peu de travaux existaient sur cette tranche d’âge. Or la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant et la conférence de consensus de 2017 sur les besoins de l’enfant ont mis en lumière les besoins spécifiques de ces enfants. Dans ce contexte, l’Observatoire national de protection de l’enfance (Onpe) a lancé en 2016 une étude sur cet accueil spécifique(1). Elle concerne spécifiquement les dispositifs de suppléance familiale à la suite d’une mesure de séparation de leurs parents (pouponnières, accueils familiaux ou encore maisons d’enfants à caractère social).
L’enfance jusqu’à 6 ans est une période déterminante en matière de développement de l’enfant à court et à long terme. L’Onpe affirme dans ce rapport qu’il est nécessaire de penser et construire les politiques et les pratiques à partir d’une attention constante aux besoins spécifiques des jeunes enfants confiés. Et d’ajouter : « “Penser petit” est une exigence au regard de la constante difficulté des adultes à se mettre “à hauteur” de l’expérience de vie des jeunes enfants. »
Pour ce faire, il faut que les professionnels qui interviennent auprès de ce jeune public aient un bagage solide de connaissances sur leurs besoins spécifiques. Quatre domaines de savoirs ont été référencés : les approches développementales de l’enfant, les théories sur les liens interpersonnels soulignant l’évaluation des capacités parentales, les apports des neurosciences confirmant l’importance de l’environnement sur le développement du cerveau du tout-petit, renseignant sur les effets des traumatismes relationnels précoces, et enfin des connaissances sur la compréhension des signes de souffrance du jeune enfant et de ses réactions à la séparation.
Ainsi, la formation des professionnels est une des 15 préconisations de ce rapport, étayé par le travail d’observation de l’Onpe, comme l’explique Anne Oui, coordinatrice de ce travail : « Les pratiques intéressantes que nous avons répertoriées – dans huit fiches en annexe du rapport – ont pour point commun le fait que les praticiens s’appuient sur des connaissances sur les besoins du jeune enfant, ce qui n’est pas toujours le cas dans les établissements et services, mais aussi sur la “fonction observante” auprès d’enfants qui n’ont pas encore accès au langage ou un accès limité. »
Impulser et rendre possible le « penser petit » tant au niveau des établissements, des accueillants familiaux qu’au niveau des politiques départementales, telle est l’ambition de l’Onpe à travers ces 15 préconisations. L’observatoire propose notamment d’inscrire dans les schémas départementaux de protection de l’enfance des actions à mener pour répondre aux besoins fondamentaux spécifiques de ces enfants.
Si la formation des professionnels est un préalable, il est aussi question de l’organisation des dispositifs. Selon l’Onpe, il conviendrait ainsi de prévoir systématiquement la présence d’un professionnel de la petite enfance dans chaque structure, ou aussi que les personnels encadrants soient formés au soutien des professionnels. Anne Oui précise : « Les assistants familiaux et les auxiliaires de puériculture dans les pouponnières ont besoin d’un soutien dans la prise en charge de ces enfants au quotidien. Ces tout-petits, du fait d’avoir été exposés à des maltraitances ou des négligences graves, montrent souvent des signes de mal-être et de souffrance – refus du biberon, réactions émotionnelles de refus de l’adulte… Cela peut être une source de découragement pour les professionnels. » Et d’ajouter : « C’est sans doute l’une des raisons des ruptures de placement pour les petits en famille d’accueil. »
Dans le cadre de ces préconisations, l’Onpe fait également une mise en garde. Il appelle à conserver une certaine prudence dans la mise en place du « placement éducatif à domicile » pour ces enfants de moins de 6 ans, qui n’ont pas de capacités langagières, car cette réponse ne semble pas, a priori, leur convenir.
(1) « “Penser petit” : des politiques et des pratiques au service des enfants de moins de 6 ans confiés », consultable sur : www.onpe.gouv.fr/publications.